Actuellement, sept millions de Français vivent dans un désert médical.Mais ce n'est pas seulement les campagnes qui sont concernées, contrairement aux idées reçues.C'est aussi le cas dans les grandes agglomérations, comme à Mulhouse (Haut-Rhin), une ville de 100.000 habitants.
Bourtzwiller est dans le quartier nord de Mulhouse. Céline Bohrer, infirmière libérale, effectue sa deuxième visite de la journée chez Shana Benkimouch, une habitante de 74 ans qui souffre d'un cancer et de diabète. Son médecin traitant est parti à la retraite, il y a deux mois, en même temps que deux autres généralistes du quartier. "Je suis perdue. Les médecins ne prennent pas de nouveaux patients alors nous ici à Bourtzwiller, on est perdus", nous explique Shana.
30.000 patients sans médecins traitants à Mulhouse
Il y a deux semaines, Shana a frôlé le pire, un début d'infection a été détecté par son infirmière. Mais lorsqu'elle appelle SOS Médecins puis le SAMU, les services saturés lui refusent, dans un premier temps, la visite d'un médecin à domicile. "Entre le début du signalement du problème et de la prise en charge, on a mis presque une journée à avoir une réponse médicale à son problème. Alors qu'avec son médecin traitant, le problème aurait été réglé en une heure ou deux", déplore à notre micro Céline Bohrer. "Je vais repartir ce week-end à Marseille pour travailler et je vais devoir partir avec la crainte de laisser ma maman toute seule, sans suivi médial", s'inquiète le fils de Shana.
La maison de santé prenait en charge 5000 patients, en majorité âgés et atteints de maladie chronique. Elle avait ouvert il y a seulement cinq ans. Les locaux sont aujourd'hui en partie vides. Les médecins ne sont plus là, mais les infirmières libérales le sont toujours. Céline se sent d'autant plus utile à tous ces patients âgés, dont beaucoup ne parlent pas français. Elle a du mal à comprendre pourquoi aucun remplaçant n'a été trouvé. "C'est très intéressant et épanouissant de travailler ici, même si les conditions d'exercice ne sont pas toujours faciles", raconte Céline Bohrer.
La situation pourrait empirer
Selon l'Agence régionale de santé, le Haut-Rhin n'est pas plus déserté que le reste de la France. Il n'y a surtout pas assez de médecins diplômés pour remplacer ceux qui partent à la retraite.
À Mulhouse, 30.000 habitants sont sans médecins traitants. Ils vont désormais aux urgences ou chez SOS Médecins, mais ces structures ont du mal à faire face, et cela risque de s'empirer, selon Frédéric Tryniszewski, président de SOS Médecins Haut-Rhin. "37.000 patients à Mulhouse sont suivis par un médecin de plus de 65 ans. Ce qui veut dire que dans les années à venir, ces médecins vont forcément partir à la retraite. S'ils ne sont pas remplacés, c'est 37.000 patients supplémentaires qui vont se retrouver sans médecin traitant", craint Frédéric Tryniszewski. Un chiffre qui représente un quart de la population de Mulhouse.
La solution envisagée est de recruter des internes supervisés par des médecins à la retraite. Pour leur donner envie de s'installer à Mulhouse et découvrir la vie locale, un appartement est mis gratuitement à disposition de Lucie et quatre autres internes. "Le soir, on sort, on va au restaurant. On a une vie ici, autre qu'hôpital-domicile", nous explique Lucy Cherrier, interne en médecine générake. Mais la situation géographique n'est pas le critère principal de la jeune femme. "Je ne vais pas m'installer à un endroit parce que c'est une belle ville, parce que c'est bien côté, mais bien sûr que ça joue. Moi, je dirais que le principal critère, c'est de se sentir bien dans son travail et de trouver un lieu d'exercice qui nous plaise", selon elle.
Que ce soit à la ville ou en campagne, de plus en plus de jeunes médecins souhaitent réduire le temps qu'ils passent au travail. Les Agences Régionales de Santé cherchent notamment à mieux répartir les tâches administratives.