Le cancer du poumon touche de plus en plus de femmes en France.Selon une étude réalisée par des médecins français, le nombre de cas a plus que doublé en 20 ans.Pour tenter de mettre un frein à ce qui pourrait devenir une "véritable pandémie", l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) vient de lancer une étude pilote invitant des volontaires à se faire dépister.
"Le cancer du poumon n'est plus une maladie d'hommes." Une étude présentée en janvier au congrès de pneumologie de langue française dresse un constat préoccupant concernant l'augmentation des diagnostics chez les femmes. Réalisée tous les dix ans depuis 2000, elle mesure l'évolution de ces cancers pris en charge et diagnostiqués dans les centres non-universitaires en France.
"Ce qu'on a constaté en 2020, c'est une augmentation très nette du contingent féminin dans le cancer du poumon", explique à l'AFP son coordinateur, le pneumologue Didier Debieuvre (chef de service, GHRMSA-Mulhouse). "On est passé de 16% de femmes (parmi les personnes) atteintes d'un cancer du poumon en 2000 à 24,3% en 2010 et 34,6% en 2020". Chez les moins de 50 ans, la parité est presque atteinte puisque 41,1% des patients sont désormais des femmes.
Vers une "véritable pandémie" ?
Le développement du tabagisme féminin à partir des années 1960 est largement responsable de ce phénomène, le tabac étant à l'origine de ces cancers dans plus de 87% des cas dans la population globale et 75% chez la femme.
Si, aux États-Unis, le cancer du poumon est déjà devenu la première cause de mortalité par cancer chez la femme, "on s'attend à ce que ce soit le cas en France d'ici peu", prévient le Dr Debieuvre, qui redoute une "véritable pandémie". Et cette recrudescence de cancers du poumon est d'autant plus préoccupante que bon nombre de cas restent diagnostiqués trop tard, bien souvent au stade métastatique (58% des cas), ce qui réduit considérablement les chances de survie.
Un dépistage généralisé à l'étude
Plusieurs études ont démontré les bénéfices d'un dépistage par scanner. Il permet de détecter très tôt des petites tumeurs débutantes, réduisant considérablement le risque de décès. Chez les femmes, il serait diminué de 59% huit ans après le début du dépistage. Aux États-Unis, l'augmentation de la détection précoce du cancer du poumon depuis 2014 a sauvé environ 10.100 vies, souligne une étude parue mercredi dans le British Medical Journal.
En France, ce cancer n'est pas concerné par le dépistage organisé, comme c'est le cas du cancer du sein, du côlon ou encore de l'utérus. Les autorités sanitaires craignent essentiellement un risque de "surdiagnostic" : repérer des tumeurs qui n'évolueraient pas en cancer et donc imposer des traitements lourds et inutiles. Elles ont néanmoins récemment entrouvert la voie à une généralisation possible. Dans un avis rendu en février, la Haute autorité de santé (HAS) a encouragé "la mise en place d'expérimentations en vie réelle avant d'envisager le déploiement d'un programme de dépistage organisé à large échelle".
Dans ce contexte, l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) vient de lancer une étude pilote (intitulée "Cascade"), qui consiste à inviter 2400 fumeuses ou ex-fumeuses, âgées de 50 à 74 ans, à se faire dépister. Elles doivent être originaires de Paris, Rennes, Grenoble ou Béthune, et ne pas présenter de symptômes de la maladie, car il s'agit de faire de la prévention.
"Durant deux ans, elles se verront proposer trois scanners 'à faible dose de rayons' et un suivi médical", détaille Marie-Pierre Revel, cheffe de service à l'hôpital Cochin, qui supervise ce projet. "En France comme en Espagne, la situation épidémiologique chez les femmes est extrêmement inquiétante avec une hausse du taux de mortalité due à ce cancer de 3% tous les ans", insiste-t-elle, justifiant le choix d'une cible exclusivement féminine.
L'objectif n'est pas tant de démontrer l'intérêt du dépistage, puisque cela a déjà été fait, mais plutôt de déterminer quelles pourraient être les modalités d'un dispositif plus massif, s'il était décidé. "Une des questions concerne la lecture des scanners : peut-elle être faite par un seul radiologue, formé et aidé d'un logiciel d'intelligence artificielle ?", illustre par exemple Marie-Pierre Revel. Pour le moment, quelque 500 femmes se sont manifestées pour participer au dépistage.
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