12 avril 1961 : Gagarine dans l'espace, l'humiliation américaine qui poussa Kennedy à lancer la conquête de la Lune

Publié le 16 juillet 2019 à 13h14

Source : JT 13h Semaine

CHOC - Le 12 avril 1961, le cosmonaute Youri Gagarine est le premier homme à contempler l'obscurité étoilée du cosmos et la rondeur de la Terre. Symbole de la domination politique des Soviétiques sur les Américains, cet exploit prodigieux est vécu comme une humiliation outre-Atlantique. Et pousse le président Kennedy à fixer un objectif à la Nasa : aller sur la Lune.

De l’exploit technologique à l’instrument de domination politique, il n’y a souvent qu’un pas. Le 12 avril 1961, à 9h07 précises, heure de Moscou (6h07, heure de Paris), une fusée de cinq tonnes, noyée dans un épais nuage de fumée et crachant des langues de feu, s’arrachait du sol de la base secrète de Tyura-Tam, à 250 kilomètres du cosmodrome de Baïkonour, au Kazakhstan. Au sommet de l’engin, une sphère cabossée, fabriquée à partir d’un alliage d’aluminium, le Vostok 1 : c’est à bord de ce vaisseau que le cosmonaute soviétique Youri Gagarine, alors âgé de 27 ans, devient le premier homme à voyager dans l’espace, en effectuant le tour de la Terre à 327 kilomètres au-dessus du plancher des vaches.

Prodigieux exploit, comme on en vit peu dans la vie des hommes, ces cent-huit minutes de vol extra-terrestre (au sens propre du terme) vont marquer l’imaginaire de l’humanité à jamais, concrétisant de fait le rêve de l’homme d’échapper à l’attraction terrestre. Comparable à ceux des grands navigateurs découvrant une terra incognita, le premier survol de la planète par un homme en chair en os inaugure ainsi une nouvelle ère de notre histoire : celle de la conquête spatiale. L’exploit et le nom de son auteur retentirent partout dans le monde. Journaux et magazines consacrèrent leurs éditos et une multitude d’articles à l’événement durant plusieurs jours.

Youri Gagarine, le premier homme à voler dans l'espace.
Youri Gagarine, le premier homme à voler dans l'espace. - ROSCOMOS

Electro-choc américain

Ce jour-là, l'Union soviétique de Khrouchtchev remportait de fait une victoire écrasante sur les États-Unis. Et en pleine Guerre froide, l’exploit du jeune lieutenant Gagarine ne manqua évidemment pas d’être utilisé politiquement comme symbole de la domination de l'URSS sur les Etats-Unis. 

A l'opposé, pour les Américains, convaincus de la supériorité de leur pays, le choc est rude. "Comment l’URSS, seize ans après un conflit qui l’a plongée dans un désastre démographique et économique, a-t-elle pu doubler les États-Unis qui eux étaient sortis renforcés de la Seconde Guerre mondiale ?", s'indigne par exemple le Herald Tribune. Devant le Congrès, le chef d’état-major de l’armée de l’air, Thomas D. White, va même jusqu’à dénoncer "la puissance grandissante des Soviétiques dans le domaine spatial (comme) la menace la plus grave de l’histoire des Etats-Unis". 

La fin du temps des exploits soviétiques

Dans cette course à l’espace, pour l’un comme l’autre, la compétition avait débuté quelques années plus tôt. Si l'Américain Chuck Yeager avait été le premier à franchir le mur du son dès 1947, les Soviétiques avaient ensuite pris le leadership avec notamment le lancement réussi, le 4 octobre 1957, du premier satellite artificiel, Spoutnik 1. Suivra encore, un mois plus tard, le voyage du premier animal dans l'espace, la chienne Laïka. Paradoxalement, c'est pourtant sur le vol de Gagarine que s'achèvera le temps des exploits de l’Union soviétique dans la conquête spatiale. 

Grâce aux travaux de la Nasa, créée dès 1958, les États-Unis rattraperont en effet peu à peu leur retard. Trois semaines après ce 12 avril 1961, ils envoient ainsi à leur tour leur premier astronaute dans l’espace. Il s’agit seulement d’un vol suborbital de quinze minutes. Mais ce succès va convaincre le président Kennedy, jusque-là hésitant, d'initier le programme Apollo. "Notre nation doit s'engager à faire atterrir l'Homme sur la Lune et à le ramener sur Terre sain et sauf avant la fin de la décennie", dit-il solennellement devant le Congrès le 25 mai. Huit ans et deux présidents plus tard (Johnson a succédé à Kennedy en 1963 puis Nixon à Johnson début 1969), Washington double finalement Moscou avec les premiers pas de Neil Armstrong et Buzz Aldrin sur notre le satellite le 21 juillet 1969.


Matthieu DELACHARLERY

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