"Plein d'espoir" : comment un Français aveugle depuis 10 ans a en partie recouvré la vue

MM
Publié le 14 juin 2021 à 10h27

Source : TF1 Info

PREMIÈRE MONDIALE - Alain, âgé de 58 ans, est atteint d'une rétinopathie pigmentaire. Grâce à une technique innovante appelée "optogénétique", il est désormais capable de localiser et de toucher des objets.

Pourtant aveugle depuis 10 ans, Alain voit désormais partiellement. Devant la caméra de l'équipe scientifique du Centre Hospitalier National d'Ophtalmologie des Quinze-Vingts, à Paris, il s'entraîne à repérer des objets et à les attraper. Ce, dans le cadre d'une thérapie qu'il est le premier au monde à expérimenter.

Cette technique innovante associant thérapie génique et stimulation lumineuse, appelée optogénétique, lui a permis de recouvrer en partie la vue. Aujourd'hui, il ne voit pas les couleurs, mais distingue les contrastes. "Pour quelqu'un qui, comme moi, avait fait le deuil de sa vue, c'est plein d'espoir", explique-t-il à TF1 dans la vidéo en tête de cet article.

Âgé de 58 ans, il est atteint d'une d'une maladie dégénérative de la rétine, comme 15.000 Français. Il s'agit "d'une maladie rare, la rétinopathie pigmentaire", nous précise Isabelle Audo, médecin chercheur spécialisée dans les maladies rétiniennes héréditaires. Les patients qui en sont atteints "perdent les cellules qui sont naturellement sensibles à la lumière, qu'on appelle les photorécepteurs." Cela entraîne une perte progressive de la vision qui évolue généralement vers la cécité.

Dans la vision normale, les photorécepteurs de la rétine utilisent des protéines capables de réagir à l'énergie lumineuse, les opsines, qui fournissent des informations visuelles au cerveau via le nerf optique. Afin de restaurer la sensibilité à la lumière, le patient s'est vu injecter le gène codant pour l'une de ces protéines, appelée ChrimsonR, qui détecte la lumière ambrée, décrit l'étude, réalisée par des équipes françaises, suisses et américaines, et publiée dans la revue Nature Medicine en mai dernier.

Des lunettes munies d'une caméra

Pendant cinq mois après l'injection, les chercheurs ont laissé à l'organisme d'Alain le temps de produire cette protéine en quantité suffisante. Puis, équipé de lunettes munies d'une caméra, le quinquagénaire a effectué différents exercices. Le dispositif, spécialement conçu pour l'essai clinique, permet de capter des images de couleur ambre, de les projeter sur la rétine du patient, qui transmet alors des signaux au cerveau. 

"Sept mois plus tard, il a commencé à rapporter des signes d'amélioration visuelle", expliquent dans un communiqué l'Institut de la Vision (Sorbonne Université/Inserm/CNRS) et l'hôpital parisien des Quinze-Vingts, spécialisé en ophtalmologie.

"C'est mon cerveau qui voit. Ça donne des images qui sont très particulières : je vois les choses scintiller. Ma perception, c'est de la lumière qui vibre", explique Alain, qui peut désormais voir les passages piétons et redécouvrir sa cuisine. Avec ses lunettes, il est aussi capable de localiser et de toucher des objets, ou encore de compter.

Magali Taiel, ophtalmologue et directrice médicale de GenSight Biologics - qui a participé à l'étude - , nous souligne que l'image est "un peu particulière, en noir et blanc, avec des contours." Dès lors, le patient "a réappris à voir d'une autre façon, donc ça demande une rééducation. Mais ça marche." Pour la spécialiste, "l'important est que le patient ait une certaine autonomie, dans son environnement, voire à l'extérieur"

Il faudra du temps avant que cette thérapie puisse être proposée
Professeur José-Alain Sahel

"Si l'optogénétique, technique existant déjà depuis une vingtaine d'années, a révolutionné la recherche fondamentale en neurosciences (...), c'est la première fois au niveau international que cette approche innovante est utilisée chez l'homme et que ses bénéfices cliniques sont démontrés", soulignent l'Institut de la Vision et l'hôpital des Quinze-Vingts, deux organismes français qui ont mené l'essai clinique en association avec l'université de Pittsburgh, (États-Unis), l'Institut d'ophtalmologie moléculaire et clinique de Bâle (Suisse), la société Streetlab et la biotech française GenSight Biologics.

"Les personnes aveugles atteintes de différents types de maladies neurodégénératives des photorécepteurs" mais conservant "un nerf optique fonctionnel" seront "potentiellement éligibles pour le traitement", explique le Pr José-Alain Sahel, fondateur en 2009 de l'Institut de la vision. Néanmoins, "il faudra du temps avant que cette thérapie puisse être proposée", poursuit-il.

Gensight Biologics, spécialisée dans les thérapies géniques pour le traitement des maladies neurodégénératives de la rétine, "compte lancer prochainement un essai de phase 3 pour confirmer l'efficacité de cette approche thérapeutique", ajoute-t-il. 18 patients devraient participer à l'essai clinique.


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