Après une première image publiée lundi 11 juillet par la Nasa, le super-puissant télescope spatial James Webb a dévoilé de nouveaux clichés en couleur.Le responsable du programme Sciences de l'Univers du CNES nous décrypte cette incroyable découverte.
Pour le deuxième jour consécutif, les passionnés d'espace sont à la fête : après une première image somptueuse publiée lundi 11 juillet par la Nasa, le super-puissant télescope spatial James Webb a dévoilé ce mardi après-midi de nouveaux clichés en couleur. Au programme : deux nébuleuses illustrant le cycle de vie des étoiles, une exoplanète et un groupement compact de galaxies. L'événement a été retransmis en direct depuis le Centre spatial Goddard dans le Maryland, près de Washington aux États-Unis.
Le premier cliché pris par le télescope est "l'image infrarouge la plus profonde et la plus claire jamais prise de l'Univers lointain jusqu'ici", a déclaré la Nasa. Fourmillant de détails, il montre des galaxies formées peu après le Big Bang, il y a plus de 13 milliards d'années. Pour Olivier La Marle, responsable du programme Sciences de l'Univers au CNES, c'est une première démonstration des capacités incroyables de James Webb, le plus puissant télescope spatial jamais conçu.
👀 Sneak a peek at the deepest & sharpest infrared image of the early universe ever taken — all in a day’s work for the Webb telescope. (Literally, capturing it took less than a day!) This is Webb’s first image released as we begin to #UnfoldTheUniverse : https://t.co/tlougFWg8B pic.twitter.com/Y7ebmQwT7j — NASA Webb Telescope (@NASAWebb) July 11, 2022
Que révèle ce premier cliché montrant des milliers de galaxies dont certaines structures n'ont jamais été vues auparavant ?
Olivier La Marle - Déjà, on peut dire que l'objectif principal de James Webb, qui est d'aller chercher les galaxies primordiales, c'est-à-dire les premiers embryons de galaxies au début de l'Univers, est atteint, puisqu'on en voit sur cette image. On n'a pas encore les âges, les astronomes sont en train de les évaluer. En fait, ces images sont à plat, en deux dimensions. Il y a des galaxies proches, il y a même des étoiles de notre propre galaxie, et puis des galaxies très lointaines, mais on n'a pas cette profondeur-là dans l'image. C'est la spectroscopie qui va nous la donner. Mais d'ores et déjà, les scientifiques sont capables d'attester que dans cette image, il y a des galaxies qui sont quelque part à 300 millions d'années après le Big Bang, donc à plus de 13 milliards d'années de nous. Et cette zone du premier milliard d'années de l'Univers nous manquait.
Cela va peut-être nous permettre de comprendre comment l'Univers est passé d'un nuage d'atomes, à quelque chose de très structuré, avec des galaxies.
Olivier La Marle, responsable du programme Sciences de l'univers au CNES
Qu'est-ce que cette fantastique découverte va nous apporter ?
Comme c'est une période qui est très mal connue, on a une grosse incertitude pour savoir comment l'Univers s'est constitué au moment du Big Bang. Cela va donc peut-être nous permettre de comprendre comment il est passé d'un nuage d'atomes, essentiellement composé d'hydrogène, très homogène, à quelque chose de très structuré, avec des galaxies, des filaments en toile d'araignée. Pour passer de l'un à l'autre, il y a un postulat très important, c'est cette mystérieuse matière noire qui compose la majeure partie de l’Univers. Sauf que jusqu'à maintenant, on ne sait pas comment elle est intervenue au début de l'Univers, comment elle était structurée. Était-elle homogène ou au contraire faisait-elle des grumeaux ?
Avec James Webb, le but, et on sait que ça va marcher, c'est de faire de la statistique et pas simplement de regarder quelques-unes de ces étoiles, de ces galaxies primordiales. On va donc pouvoir les compter, les peser grâce à leur luminosité et selon qu'elles sont nombreuses, écho-réparties, légères ou massives, cela nous donnera des indications sur ce que peut être la nature de la matière noire. Ainsi, on va sans doute éclaircir grandement l'ensemble des théories sur le sujet.
Que va nous apprendre d'autres cet ambitieux télescope ?
L'énorme avantage de James Webb c'est qu'il observe dans l'infrarouge, là où le mythique télescope spatial Hubble, lancé en 1990 et toujours en fonctionnement, opère surtout dans la lumière visible et les ultraviolets. Ce qui est très bien pour observer les galaxies et les étoiles quand elles ne sont pas trop loin. Mais pour les plus éloignées, ce qui se passe, c'est que leur lumière se décale dans le rouge, voire dans l'infrarouge pendant qu'elles voyagent dans l'espace, ce qui fait que pour observer les objets lointains, Hubble est en quelque sorte myope par nature. Il n'est pas conçu pour avoir une vision de loin comme James Webb.
Autres grandes différences entre les deux télescopes : le miroir principal de James Webb est près de trois fois plus grand que celui d'Hubble et il évolue bien plus loin : à 1,5 million de kilomètres de la Terre, contre 600 km pour Hubble. James Webb va enfin nous permettre d'étudier les exoplanètes, plus proches de nous, mais qui émettent dans l'infrarouge et le milieu interstellaire, ces nuages de poussières et de gaz dans lesquels se forment les étoiles et les planètes. Là aussi, cela va nous donner des indications importantes pour savoir comment l'Univers a évolué. En revanche, cela ne nous permettra pas encore de savoir s'il y a de la vie dans d'autres galaxies.
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