"Proxima du... chorizo" : Étienne Klein revient sur l’emballement planétaire autour de son canular

Publié le 10 août 2022 à 17h42

Source : Sujet TF1 Info

Il avait posté fin juillet sur Twitter un canular faisant passer une tranche de chorizo pour un cliché de l'étoile Proxima du Centaure.
"Complètement sidéré", le scientifique français Étienne Klein a tenu à revenir sur l'emballement planétaire suscité par son message.

"Le canular que j’ai posté sur Twitter le 31 juillet dernier en faisant croire que la photo d’une tranche de chorizo était une photo de l’étoile Proxima du Centaure a eu une résonance quasi mondiale qui m’a complètement sidéré." Étienne Klein n'en revient toujours pas. Dix jours après son canular, qui avait pour but "d'inciter à la prudence" à propos des fausses images circulant sur les réseaux sociaux, le soufflé n'est toujours pas retombé. "J’ai par exemple reçu plus de deux cents demandes d’interviews par des médias étrangers, ce qui ne m’était évidemment jamais arrivé", écrit-il sur le réseau social professionnel LinkedIn.

"J'ai été surpris par l'ampleur que ça a pris : je pensais que l'image allait être immédiatement détectée comme étant fausse. Et quand j'ai vu qu'un grand journaliste de BFMTV s'extasiait, et qu'il risquait de la répandre, je lui ai signalé que c'était une blague. Il a pris ça avec beaucoup d'humour", a-t-il encore raconté à l'AFP. "J'ai ensuite présenté des excuses, car visiblement certains ont l'impression d'avoir été pris pour des andouilles, ce qui n'est pas du tout le cas", a plaidé le chercheur, également producteur de l'émission "Science en questions" sur France Culture.

Le pastiche, la parodie et le canular relèvent de la tradition, notamment en sciences.
Etienne Klein sur LinkedIn

L'occasion pour le scientifique de livrer quelques remarques et commentaires à ce sujet, indiquant par exemple que l'image de la tranche de chorizo est un canular récurrent, utilisé notamment, il y a quelques années, pour faire croire à la face cachée de la Lune. "Le pastiche, la parodie et le canular relèvent de la tradition, notamment en sciences", souligne sur LinkedIn le scientifique de 64 ans, directeur de recherche au Commissariat à l'énergie atomique (CEA). 

Et d'énumérer : "Les pastiches de Georges Pérec, les articles canular de Hans Bethe ou ceux, plus nombreux, de George Gamow (qui publia notamment un article expliquant que, du fait de la force de Coriolis qui change de signe à l’équateur, les vaches mastiquent dans le sens des aiguilles d’une montre dans l’hémisphère nord et dans le sens contraire dans l’hémisphère sud…)." Comme il l'a expliqué récemment, son geste fait aussi écho à l'affaire Sokal, du nom d'un physicien américain qui avait publié en 1996 un article canular dans une revue à comité de lecture.

Bien plus de "likes" que pour de vraies photos spatiales

"Un canular n’est pas une fake news. Plus exactement, c’est une fake news éphémère (puisque le canular est tôt ou tard révélé par son auteur) qui nous apprend à nous méfier des fake News authentiques qui, elles, visent à vraiment tromper les gens et ne sont jamais avouées par ceux qui les émettent", ajoute Etienne Klein, précisant qu'un "canular a une vertu pédagogique". 

"Il dit notre faculté à être dupé, interroge notre rapport aux sources... On va vu pendant le Covid que certains scientifiques isolés pouvaient publier des contre-vérités sans être contredits", poursuit-il, s'interrogeant sur le fait que sa fausse image a été "bien plus likée" que les vraies photos du James Webb qu'il avait partagées auparavant sur Twitter. 

"L’un de mes buts était de montrer que la science n’est pas une affaire d’individus isolés qui s’expriment chacun dans leur coin, mais le résultat d’une délibération collective. Le fait que j’ai été le seul à avoir posté cette image aurait dû susciter de la méfiance… Là encore, ce ne fut pas du tout le cas !", s'étonne encore Étienne Klein, qui souhaite par ailleurs que "Twitter ne soit pas le lieu où doivent s’énoncer les découvertes scientifiques".

Et de conclure : "D’aucuns me reprochent d’avoir ruiné le crédit qu’on accorde à la science. Leur argument est que, en ces temps où la post-vérité triomphe, il faudrait cesser de plaisanter. Je ne suis pas d’accord. Il y a une façon habile d’utiliser le canular qui justement permet à chacun d’aiguiser son esprit critique et de faire voir certains des biais cognitifs qui nous trompent en temps ordinaire. La post-vérité ne doit pas annuler notre droit à pratiquer l’humour."


Virginie FAUROUX

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