Télescope James Webb : "La France sera aux premières loges pour observer les exoplanètes"

Propos recueillis par Matthieu DELACHARLERY
Publié le 14 juillet 2022 à 15h58
JT Perso

Source : JT 20h Semaine

La France, avec l’Europe, va occuper une position centrale dans l'odyssée cosmique du télescope spatial James Webb, situé en orbite terrestre.
L'astrophysicien David Elbaz nous en dit plus sur l'implication de la recherche française.

L’Agence spatiale américaine a dévoilé en début de semaine les premières images du puissant télescope spatial James Webb, donnant, pour ainsi dire, le coup d’envoi des opérations scientifiques de cet observatoire qui orbite à 1,5 million de kilomètres de la Terre. La France, avec l’Europe, occupe une place centrale dans cette odyssée cosmique. Pour en savoir plus, TF1info a contacté le chercheur français David Elbaz, astrophysicien au sein du Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA).

Quelle place occupe la France au sein de l’aventure James Webb ? 

Tout d’abord, il faut rappeler qu’un morceau de France voyage à bord du télescope James Webb. Le Miri (pour "Mid-InfraRed Instrument", en anglais), l’un des quatre instruments dont est doté le télescope spatial, a été conçu par la France. Plus exactement, la partie imageur de l’appareil, une caméra infrarouge (Mirim), à laquelle est associé un spectrographe (MRS) qui permet, lui, de décomposer la lumière - et ainsi de la décoder. C’est la France qui a œuvré pour ajouter cet instrument, sous l’impulsion de l’astrophysicien Pierre-Olivier Lagace. Il a été mis au point dans les années 2000 au sein du CEA, en collaboration avec l’Agence spatiale française (Cnes) et plusieurs laboratoires, notamment du CNRS. Historiquement, la France est à la pointe dans le domaine des technologies infrarouges. 

À quoi l’instrument Miri va-t-il servir exactement ?

Grâce à l'œil de Miri, nous allons pouvoir observer l’Univers avec des longueurs d’ondes encore plus grandes, dans le domaine infrarouge, et ainsi regarder encore plus loin dans l’invisible. C’est l’instrument idéal pour observer les atmosphères des exoplanètes (comprendre, des planètes qui orbitent autour d’une autre étoile que notre Soleil, ndlr). L’objectif est de parvenir à y détecter des biosignatures, autrement dit des molécules fondamentales qui pourraient nous permettre de savoir si les conditions sont propices à l’émergence de la vie.

Pour le dire plus simplement, on essaie de faire un diagnostic, le plus précis possible, pour comprendre ce qu’il s’y passe. Un peu comme un médecin qui va prendre le pouls, la température et la pression de son patient. Pour cela, on va plonger, littéralement, dans les différentes couches de l’atmosphère de ces exoplanètes. D’autre part, on pourra également observer des planètes en fusion, c’est-à-dire encore à l’état primaire. Certaines n’ont pas encore d’atmosphère. On va essayer d’observer tous les stades de l’évolution d’une planète.

En tant que constructeur de l’instrument, cela nous donne du temps d’observation garanti

David Elbaz

Le fait de maîtriser cette technologie nous donne-t-il un avantage sur les autres ?

Lorsqu’on connait l’instrument, on est capable de l’exploiter au mieux et de pouvoir lire l’information avec un degré de détails bien plus élevé. La France sera aux premières loges pour mener à bien ces recherches sur les exoplanètes. Par ailleurs, en tant que constructeur de l’instrument, cela nous donne du temps d’observation garanti. C’est-à-dire qu’une certaine quantité de temps d’observation nous est réservée. Cela va nous permettre d’explorer l’atmosphère de Trappist-1B, une planète analogue à la Terre. De l’eau à l’état liquide pourrait s’y trouver. Et la France sera aux premières loges pour mener à bien ces recherches.

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Justement, comment la Nasa décide-t-elle de cibler telle ou telle région de l’Univers ?

Les ingénieurs de la Nasa aux commandes de la machine, afin d’éviter qu'elle pointe dans une direction puis y revienne, établissent un planning sur un à deux mois de manière à optimiser les observations. 

Par ailleurs, certaines parties de l’Univers ne sont pas visibles toute l’année, car il faut éviter le Soleil. 

Enfin, notons que s’il se passe un événement exceptionnel, comme une explosion d’étoile par exemple, la Nasa peut aussi décider de dérouter le télescope. Par exemple, la fenêtre pour les observations de notre programme était visible la dernière semaine de juin et ensuite en décembre. Jusqu’à la veille, on ne savait pas et finalement, la Nasa a validé notre demande. 

Maintenant que tout est enfin prêt, on va pouvoir commencer à programmer un peu plus à l’avance. Chaque année, la Nasa va lancer un appel à projet. Les équipes de chercheurs déposeront une demande, puis un comité d’experts se réunira pour la valider ou non. Du fait de sa contribution, l’Europe avait droit normalement à environ 15% du temps d’observation du James Webb. Mais en raison de la qualité des demandes qui ont été faites par l’Europe, on a finalement obtenu 30%. Preuve que nous sommes très impliqués dans cette aventure.


Propos recueillis par Matthieu DELACHARLERY

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