Mission Taranis : la fusée européenne Vega essuie un nouvel échec, que s'est-il passé ?

Publié le 17 novembre 2020 à 17h55, mis à jour le 17 novembre 2020 à 18h01
Une fusée européenne lors de son lancement, depuis le centre spatial de Kourou, en Guyane française.
Une fusée européenne lors de son lancement, depuis le centre spatial de Kourou, en Guyane française. - Source : CNES

ESPACE - Nouvel échec pour la fusée Vega : le petit lanceur européen a dévié de sa trajectoire mardi peu après son décollage, perdant les deux satellites qu'il devait placer en orbite. Un expert du secteur aéronautique et spatial nous explique les raisons de ce raté.

Des dizaines de millions d’euros partis en fumée, et un nouvel échec pour la petite fusée Vega : huit minutes après son décollage dans la nuit de lundi, le lanceur léger européen a dévié de sa trajectoire, entraînant sa désintégration et celles des deux satellites qu'il devait placer en orbite à 700 kilomètres d'altitude, au cours d'une mission d'une durée programmée pour 1 heure et 42 minutes. "Immédiatement après le premier allumage du moteur du quatrième étage Avum, une dégradation de la trajectoire a été constatée, entraînant la perte de la mission", a annoncé ce mardi matin le Centre nationale d’études spatiales (Cnes), dans un communiqué. 

A son bord : un satellite espagnol d’observation de la Terre (SEOSAT-Ingenio) et le microsatellite français Taranis, un petit bijou de technologie 100% made in France, conçu pour étudier des phénomènes électromagnétiques mystérieux survenant à des altitudes comprises entre 20 et 100 kilomètres au-dessus de la Terre, et découverts il y a seulement une trentaine d'années. L'aboutissement d'une dizaine d'années de recherches et développement, pour un coût total d'environ 115 millions d'euros. La trajectoire, trop basse, observée de la fusée pourrait laisser penser qu'elle soit retombée en mer après s'être peut-être partiellement disloquée dans l'atmosphère, sans aucun danger, puisque le trajet emprunté se trouve à des milliers de kilomètres de toute zone habitée.

Radioscopie du lanceur léger européen Vega.
Radioscopie du lanceur léger européen Vega. - CNES

L'analyse des données de télémesure a finalement permis de déterminer la cause de l'incident. La perte de la fusée Vega est due à une anomalie lors de la fabrication du lanceur européen, a annoncé l'opérateur Arianespace lors d'une conférence de presse ce mardi en début de soirée. Un problème "d'inversion des câbles" a été identifié, survenu au stade de la "production" du lanceur, fabriqué par Avio en Italie, a déclaré le patron d'Arianespace, Stéphane Israël, précisant qu'il ne s'agissait "pas d'un problème de conception". De quoi expliquer la défaillance du dernier étage de la fusée, chargé de donner le dernier coup de boost afin d'obtenir l'orbite souhaitée. 

"L'étage supérieur est équipé de propulseurs ré-allumables qui permettent d'effectuer les derniers ajustements pour corriger la trajectoire. Apparemment, ils ne se sont pas rallumés correctement, d'où son décrochage", explique à LCI David Mimoun, enseignant-chercheur à l'Isae-SupAero, l’école toulousaine spécialisée dans l'aérospatial. "Ce sont des technologies relativement anciennes et qui ont déjà été éprouvées depuis longtemps. Mais dans le domaine spatial, le risque zéro n'existe pas. Il faudra en tirer les enseignements pour que cela ne se reproduise pas à l'avenir. SpaceX a aussi connu des échecs, ce n'est pas la fin du monde", estime-t-il.

Tout le monde est extrêmement déçu au Cnes
David Mimoun, enseignant-chercheur à l'Isae-SupAero.

C'est la deuxième fois en deux ans que Vega essuie un raté. Le 10 juillet 2019, peu après son décollage de Kourou, le lanceur européen avait rencontré une anomalie importante, probablement due à une défaillance sur la partie avant du moteur de son 2e étage, entraînant la destruction du lanceur au-dessus de l'océan. Le lanceur, alors chargé de placer en orbite un satellite militaire des Émirats Arabes Unis,  échouait après quatorze succès d'affilée depuis le début de son exploitation en 2012. 

Le lanceur européen Vega a connu "une année 2020 difficile" (deux lancements contre quatre prévus initialement), avait expliqué lundi à l'AFP Mario Fragnito, directeur de Vega au comité exécutif d'Arianespace, en référence à l'épidémie de Covid-19 et à des météos particulièrement défavorables en Guyane qui ont obligé à maints reports du premier vol.

"Cet échec de Vega nous rappelle une fois encore que nous faisons un métier très difficile, où la frontière entre le succès et l’échec est extrêmement ténue. Les équipes vont immédiatement se remettre au travail pour analyser, comprendre et corriger les causes de cette défaillance afin de repartir en vol dans les meilleurs délais", a commenté ce mardi Jean-Yves Le Gall, président du Centre national d’études spatiales (Cnes). Au centre de contrôle des opérations, les équipes avaient la mine des mauvais jours. "Tout le monde est extrêmement déçu au Cnes", confirme David Mimoun. D'autant, souligne-t-il, que "cela va risque de conduire à des retards pour les prochains lancements". Deux satellites d'observations militaires français devaient être lancés début 2021.


Matthieu DELACHARLERY

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