Un astéroïde pourrait un jour frapper la Terre : "C'est plus simple à prédire qu'une catastrophe naturelle classique"

Publié le 4 avril 2019 à 12h45, mis à jour le 13 mai 2019 à 10h23
JT Perso
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Source : JT 20h WE

INTERVIEW - Filant à plusieurs dizaines de milliers de kilomètres par heure, un rocher spatial pourrait rayer Paris de la carte en un clin d'œil. S'il n'y aucune menace imminente, le risque, quant à lui, est cependant bien réel. Pour en savoir plus, LCI a contacté l'astrophysicien Patrick Michel, spécialiste des astéroïdes.

T. Rex et la plupart de ses congénères de la période du Crétacé ont été rayés de la surface de la Terre il y a 66 millions d’années. Alors pourquoi pas nous ? Sur un t-shirt vendu par l’Agence spatiale européenne (ESA), un tyrannosaure lève les yeux vers le ciel tandis qu’un rocher spatial se dirige vers la Terre. Un brin moqueuse, la légende dit : "Les dinosaures n’avaient pas d’agence spatiale". Certes, nous ne sommes pas des dinosaures. Qui plus est, nous avons des agences spatiales.

Mais sommes-nous pour autant  à l’abri ? Des millions d'astéroïdes dits "géocroiseurs", c'est-à-dire dont la trajectoire pourrait un jour croiser l'orbite de notre planète, vagabondent dans l'immensité du vide sidéral sans que l'on sache à quel moment ils pourraient potentiellement s'écraser sur nous. Pour l’astrophysicien Patrick Michel, directeur de recherches au CNRS et spécialiste des astéroïdes à l’Observatoire de la Côte d’Azur, il n'y a aucune menace imminente. Mieux vaut néanmoins s'y préparer.

LCI : En 2022, un vaisseau de la Nasa va effectuer une "pichenette" sur la petite lune d’un astéroïde. Quel est le but de cette opération ?

Patrick Michel : Cette mission américano-européenne a pour but d'expérimenter une technique de déviation d'astéroïde. La sonde spatiale Dart de la Nasa va tirer un projectile artificiel qui va taper à six kilomètres par seconde la surface de Didymoon, la petite lune de Didymos, un astéroïde de 800 mètres de diamètre autour duquel elle orbite. Ce sera le tout premier test grandeur nature. Côté européen, la mission Hera consistera à envoyer un orbiteur qui ira constater le résultat de la déviation. Sur place, l’appareil sera chargé de mesurer le résultat de cette déviation, c’est-à-dire la période orbitale de la petite lune autour de son corps central, ainsi que la taille du cratère et sa morphologie.

L'objectif de cette expédition est de valider in situ les simulations numériques réalisées en laboratoire. La Nasa l'a approuvée, mais elle doit encore être validée par le Conseil ministériel de l’Agence spatiale européenne. L'opération aura également un volet scientifique. Ce sera la première mission d’exploration vers un astéroïde double. Ces corps représentent environ 15 % de l’ensemble de la population des astéroïdes. 

Même si le choc porté est suffisamment violent, il n'est pas certain que nous puissions désintégrer entièrement un astéroïde.

L'astrophysicien Patrick Michel.

LCI :  Les films de science-fiction privilégient généralement la méthode forte : l'usage d’armes nucléaires pour pulvériser le gros caillou. Apparemment, ce n’est pas la stratégie pour laquelle optent les scientifiques ?

C’est quelque chose qu’il faut éviter à tout prix. Si nous effectuons un impact au-delà du seuil de destruction, nous risquons d’aboutir à un gros nuage de fragments qui ne se consumera pas dans l’atmosphère. Cela reviendrait à transformer un boulet de canon en fragments d'obus de fusil de chasse. Au final, nous n’aurons pas résolu le problème, voire pire, nous risquons de l’aggraver.

Depuis le sol, nous disposons de très peu d’informations sur la composition en surface de ces corps. Les missions Hayabusa-2 et OSIRIS-REx étudient actuellement les astéroïdes Ryugu et Bennu. Les premières données montrent que nous nous étions totalement trompés. La surface de ces astres est beaucoup plus dure que nous ne le pensions. Par conséquent, même si l'impact est suffisamment violent, il n'est pas certain que nous puissions désintégrer entièrement un rocher spatial de taille importante.

LCI :  Parmi les autres techniques à l’étude figure celle dite du "tracteur gravitationnel". En quoi consiste-t-elle ?

Pour schématiser, l’idée est de placer un satellite à faible distance de l’astéroïde pour l’attirer vers lui. C’est une méthode très lente et surtout elle ne fonctionne qu’avec de très petits objets. En outre, le fait de rester à proximité d’un astéroïde n'est pas aussi simple qu'il n'y paraît. Ces corps tournent sur eux-mêmes et leur morphologie est souvent très irrégulière. 

La méthode qui nécessite le moins d’informations est donc d’effectuer un impact avec une puissance modérée. Elle consiste en une déviation de vitesse même infime, de l’ordre de quelques centimètres par seconde. Si elle est initiée avec plusieurs années d’avance, cela suffirait à faire passer un astéroïde menaçant à plusieurs millions de kilomètres de notre planète. Certains imaginent des stratégies encore plus futuristes, comme par exemple fixer à un astéroïde une voile solaire. Cette dernière utiliserait l'énergie du Soleil pour modifier la trajectoire de l'objet. C'est très élégant, mais irréalisable à l'heure actuelle.

Course-poursuite dans le cosmos : OSIRIS-REx a rattrapé Bennu, l'astéroïde qui pourrait frapper la TerreSource : Sujet JT LCI

Sachant que la surface du globe est recouverte aux deux-tiers d’eau, la probabilité qu’un tel événement se produise est extrêmement faible.

Patrick Michel.

LCI : On entend souvent dire que c'est le risque naturel le moins probable auquel les Terriens sont confrontés, comparativement aux tsunamis, aux tremblements de terre ou aux tornades...

Je dirais que c'est la seule catastrophe naturelle que nous sommes en mesure de prédire et d’éviter, ou du moins de grandement minimiser, avec des moyens raisonnables qu’il nous suffit de mettre en œuvre. En revanche, s’il se concrétise, ce scénario catastrophe pourrait avoir des conséquences dramatiques pour l’humanité. Si nous ne l'avons pas anticipé, ce sera déjà trop tard. Nous avons donc tout intérêt à nous y préparer tranquillement sans affoler inutilement la population. 

LCI : Le mois dernier, l'agence spatiale américaine a eu connaissance, avec trois mois de retard, qu’un météore avait explosé dans l'atmosphère, libérant l’équivalent de dix bombes d’Hiroshima. Personne ne l’avait repéré, pas même la Nasa. N’est-ce pas un peu inquiétant ?

Dans les années 1990, j’avais étudié les données des satellites espions américains qui avaient été rendues publiques. Chaque année, l’équivalent de la bombe d’Hiroshima explose dans l’atmosphère. Il y a six ans, le météore de Tcheliabinsk, en Russie, avait libéré une énergie correspondant à l'explosion de 500.000 tonnes de TNT, soit trente-cinq bombes d’Hiroshima. L’explosion avait fait plus de 1000 blessés. C’était la première fois qu’un rocher spatial tombait sur une zone habitée. Sachant que la surface du globe est recouverte aux deux-tiers d’eau et qu’un faible pourcentage des terres est habité, la probabilité qu’un tel événement se produise est extrêmement faible. 

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LCI : A la différence des dinosaures, nous aurons le temps de nous y préparer et d’y faire face, selon vous ?

La première chose que nous devons faire est de procéder à l’inventaire de toute la population d’astéroïdes potentiellement dangereux, de sorte à pouvoir savoir suffisamment à l’avance qu’un objet va nous arriver dessus. Les objets qui nous intéressent pour ce risque d’impact sont ceux dont la taille dépasse 140 mètres de diamètre. A partir de ce seuil, même dans un désert, l’énergie libérée serait telle que l’onde de choc atteindrait inévitablement des zones habitées.

Or, à l’heure actuelle, nous connaissons moins de 20% de ces corps. La Maison-Blanche prend très au sérieux la menace des astéroïdes. Elle a récemment demandé à la Nasa de tous les répertorier d’ici à dix ans. A priori, cela ne se fera pas en une décennie. L’agence spatiale américaine étudie néanmoins la possibilité d’envoyer un satellite équipé d’une caméra, c’est le projet neoCam. A mon avis, nous pouvons très bien le faire depuis le sol par le biais des grands télescopes. Et même si cela nous prend plusieurs décennies, il n’y a aucune menace dans l’immédiat. A priori, en tout cas.


Matthieu DELACHARLERY

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