Mission DART de la Nasa : quelle est la probabilité d'une collision d'astéroïde avec la Terre ?

par Maxence GEVIN Maxence GEVIN
Publié le 25 novembre 2021 à 10h45, mis à jour le 26 septembre 2022 à 17h12

Source : JT 13h Semaine

ESPACE - Alors que l'agence spatiale américaine vient de lancer une mission pour dévier un astéroïde, le chercheur au CNRS Patrick Michel nous en dit plus sur les risques que représentent ces corps célestes et sur les moyens déployés pour empêcher une catastrophe.

Un scénario à la Armageddon. Comme lors du temps des dinosaures il y a plusieurs millions d'années, la Terre reste à la merci des caprices de l'espace, et notamment d'une collision avec un astéroïde suffisamment gros pour y anéantir toute forme de vie. Les agences spatiales planchent depuis plusieurs années sur des solutions qui permettraient, si le besoin s'en faisait sentir, d'éviter le pire. 

C'est dans cet esprit que la Nasa a donné cette semaine le top départ de la mission DART (fléchette en anglais). Après avoir décollé de la base californienne de Vandenberg à bord d'une fusée Falcon 9 de SpaceX, son petit vaisseau va voler pendant dix longs mois vers son objectif, un astéroïde situé à onze millions de kilomètres de la Terre, qu'il percutera à 24.000 km/h. Pour y voir plus clair, LCI a sollicité Patrick Michel, directeur de recherche au CNRS à l’observatoire de la Côte d’Azur, responsable scientifique de la mission HERA de défense planétaire et d'exploration des astéroïdes de l'agence spatiale européenne (ESA), et membre de l’équipe DART. 

LCI : Quelles sont les probabilités de voir un astéroïde heurter la Terre ?

Patrick Michel : Plus qu'un chiffre, souvent difficile à expliquer, je dirais que c’est l’un des risques naturels les moins probables par rapport à tous ceux que l’on connaît, comme les tremblements de terre ou les tsunamis. En revanche, c’est un risque – à faible probabilité mais à hautes conséquences – qui se réalisera sur le long terme. L'objectif est donc de se donner les moyens de s’en prémunir, même s'il n'y a actuellement aucune menace parmi les objets identifiés. C'est pourquoi nous sommes en train d’élaborer un plan pour les futures générations pour pouvoir répondre à ce problème le jour où, sur le long terme, il se concrétisera. L’idée est vraiment de défricher le terrain, en tenant compte de tous les paramètres, tout en organisant une réponse internationale. 

C'est pour cela que la mission DART a été lancée...

Effectivement... DART doit nous permettre de savoir si la principale solution que l'on envisage, contre une possible collision d'astéroïde, est viable ou non. La mission consiste à valider la technique de "l’impacteur cinétique". Pour cela, une sonde va s'écraser sur la petite lune (Dimorphos) d’un astéroïde double – deux rochers qui tournent l’un autour de l’autre –, pour le dévier de sa trajectoire autour de son corps principal. On ne veut pas dévier un astéroïde qui tournerait autour du Soleil, car c’est beaucoup plus imprévisible. 

Mais nous n’avons aucune idée de la forme de l’objet visé, ni de sa structure. Donc DART va devoir reconnaître sa cible de manière autonome et à plusieurs milliers de km/h. Plus précisément, elle va devoir identifier sa forme et sa matière pour, in fine, faire un impact avec l’astéroïde, ce qui est une première. On verra alors si les postulats de base - on espère réduire son orbite d'environ 10 minutes - sont très loin de la réalité ou non. C'est donc tout un processus qui est expérimenté avec ce projet. Dans un second temps, HERA prendra ensuite le relais pour mesurer toutes les conséquences de l’impact : la taille du cratère, la déviation produite mais aussi les caractéristiques physiques de la cible.

Si l'expérience s'avère concluante, a-t-on au moins les moyens de détecter des objets possiblement dangereux pour la Terre ? 

Actuellement, un astéroïde non-répertorié pourrait facilement s'approcher de la Terre sans que personne ne le voit, car les télescopes au sol ne peuvent assurer qu'une surveillance limitée. Il faut donc anticiper un maximum, notamment en recensant l'ensemble des corps spatiaux potentiellement dangereux. La Nasa a déjà cartographié un peu plus de 27.500 astéroïdes de toutes tailles proches de la Terre. Parmi eux figurent tous les objets spatiaux menaçants de plus de 1 km de diamètre, seuil de taille susceptible d’engendrer une catastrophe à l’échelle du globe. De ce côté-là, nous sommes tranquilles pour le prochain siècle, au moins. 

En revanche, on ne connaît que 40% des objets proches de la Terre mesurant au moins 140 mètres de diamètre, seuil de taille au-dessus duquel une collision peut causer une catastrophe à l’échelle d’une région ou d’un pays. La majorité d'entre eux reste encore à découvrir. C'est pour cela qu'en 2026, un télescope va être envoyé dans l'espace - dans le cadre de la mission Near-Earth Object Surveyor -  pour faire l’inventaire de tous les objets manquants et de leurs trajectoires. Une dizaine d'années plus tard, on devrait ainsi avoir une bonne idée de la menace imminente – probablement nulle – et/ou de l'existence (ou non) d'un risque susceptible de se concrétiser dans les années à venir. Cela permettra d’organiser des missions de déviation bien à l’avance. Et d'éviter de finir comme les dinosaures...


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