Utilisation des hologrammes de stars disparues : que dit (ou pas) le droit ?

Publié le 23 septembre 2021 à 11h37

Source : JT 20h Semaine

BLACK MIRROR - La puissance de calcul des ordinateurs permet désormais de remettre les stars décédées sur scène. Mais quelles règles juridiques encadrent ces hologrammes ?

Whitney Houston bientôt sur scène à Las Vegas, puis en France. Dix ans après la disparition de la star, son hologramme va enchaîner les dates lors d'une tournée à cheval sur 2021-2022. Avec les progrès technologiques, ce type de spectacle devient de plus en plus répandu. En 2017 déjà, Claude François, Mike Brant et Dalida avaient par exemple été réunis sur scène. 

"On propose un vrai concert au public, joué en live, avec de vrais musiciens. L’hologramme est un effet spécial comme l’est la vidéo ou la pyrotechnie. On rend hommage à la légende et à l’artiste avec ce type de production", estime Matthieu Drouot, directeur général de "Gérard Drouot Productions", dans la vidéo du 20H de TF1 en tête de cet article. 

Oui mais voilà, les producteurs peuvent-ils ressusciter toutes ces stars sans l’aval des familles ? Le droit français reste encore flou sur cette question. À l'heure actuelle, aucune disposition à ce sujet n'est en fait prévue, ce qu'a d'ailleurs récemment dénoncé Laeticia Hallyday. "Un monsieur a fait beaucoup parler de lui en disant qu’il m’avait attaquée sur l’utilisation d’un hologramme alors que mon avocat n’a jamais rien reçu. En fait, il n’y a pas de jurisprudence sur l’utilisation d’un hologramme. Une société comme celle de ce monsieur peut faire un hologramme de Johnny – comme de n’importe quel autre artiste – sans l’accord des ayants droit", a-t-elle fustigé. "J’ai décidé, parce que ce monsieur m’a profondément énervée, de mandater mes avocats pour mener un combat et ouvrir un débat. Et pas que pour Johnny. Il faut une loi pour nous protéger", a réclamé la veuve du rockeur. 

L'utilisation potentielle et le statut d'un hologramme dépendent grandement de la qualification juridique qui lui est attachée. Cette invention, créée par Dennis Gabor, est une projection d’une image en 2D qui, grâce à des jeux de lumières, de surfaces réfléchissantes et de lasers, apparaît comme une image en 3D. Dans les faits, deux régimes juridiques différents peuvent potentiellement s'y appliquer. 

L'hologramme soumis au droit à l'image...

L'hologramme peut d'abord être considéré comme l’utilisation de l’image d’une personne, et donc être soumis au droit à l’image français. C'est cette thèse que de nombreux juristes privilégient actuellement. "À l'inverse du droit anglo-saxon, le droit français fait prévaloir des droits subjectifs tels que le droit moral et le droit au respect de la personne et à son image, sur l'aspect marketing et commercial", indique ainsi dans Le Point David-Irving Tayer, avocat spécialiste du droit de la propriété intellectuelle. "Les héritiers peuvent s'opposer à l'exploitation de l'image du défunt et faire valoir leur préjudice personnel s'ils démontrent une atteinte à sa mémoire et au respect de sa personne", ajoute-t-il. 

"Effectivement, le droit à l’image s’arrête avec le décès de la personne. Après la mort du défunt, les héritiers ne peuvent s’opposer qu’aux utilisations qui leur porteraient, à eux, un préjudice", confirme à TF1 Jean Aittouares, associé gérant de "@oxavocat" et spécialiste du droit de la propriété intellectuelle et des nouvelles technologies. 

... ou au droit d'auteur ?

Au contraire, l’hologramme peut également être considéré comme une œuvre à part entière. Dès lors, il appartiendrait à son concepteur et serait soumis au droit de la propriété intellectuelle et au régime juridique du droit d’auteur. Celui-ci pourrait alors empêcher toutes reproductions, divulgations ou utilisations non-consenties et l'exploiter pleinement. Cette analyse est notamment celle d'Emmanuel Ludot, avocat de la société "Backstage Management Agency" (BMA), qui travaille - au grand dam de Laeticia - sur une tournée souvenir en hommage à Johnny Hallyday. "L'hologramme est une œuvre soumise au droit de la propriété intellectuelle et au régime juridique des droits d'auteur", a-t-il soutenu, affirmant que son client avait déposé un "copyright sur l'hologramme" de l'artiste décédé en 2017. 

C'est donc entre ces deux visions diamétralement opposées que la législation française devra trancher. Aux États-Unis, c’est beaucoup plus clair : dans la majorité des cas, pour faire chanter un hologramme, il faut obtenir l’autorisation de la famille. 


Maxence GEVIN

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