INTERVIEW - Arrivé sur Mars le 26 novembre 2018 à bord de la sonde américaine InSight, le sismomètre français SEIS, qui doit étudier la croûte et le noyau de la planète rouge, est désormais actif. Les chercheurs se demandent notamment si la taille de Mars -entendez sa petitesse- est à l'origine de l’extinction de la vie. Les explications de Philippe Lognonné, le responsable scientifique de SEIS.
Article mis en ligne pour la première fois le 22 novembre. Nous le republions alors que SEIS est actif depuis le 8 janvier.
Le module américain InSight, qui a atterri lundi 26 novembre à la surface de Mars, embarque avec lui un sismomètre à large bande de fabrication française qui va regarder les dessous de la planète rouge. Ce joyau de technologie, baptisé SEIS (pour Seismic Experiment for Interior Structure : en français, "Expérience sismique pour structure intérieure"), a été conçu par une équipe dirigée par le géophysicien français Philippe Lognonné, de l’Institut de physique du globe de Paris, sous l’égide du Centre national d’études spatiales (Cnes). Le sismographe a été déposé sur le sol martien le 19 décembre. Après une séries de tests, il est opérationnel depuis le 8 janvier.
LCI a interrogé Philippe Lognonné pour en savoir plus sur cette expérience censée nous apprendre davantage sur la formation de cette planète voisine.
LCI : Un instrument scientifique français a pris place à bord de la sonde américaine InSight. A quoi va-t-il servir ?
Philippe Lognonné : Le premier objectif de cette expérience est de savoir s’il y a encore des tremblements de Mars aujourd’hui. Le second est de caractériser l’intérieur de la planète. Ce que l’on sait, c’est que Mars est une planète dite habitable, c’est-à-dire qu’il y a avait de l’eau, des rivières ainsi qu’un champ magnétique qui protégeait l’atmosphère, et ce il y a quatre milliards d’années. Cependant, cet équilibre s’est brisé. Et très rapidement l’activité volcanique a cessé, l’atmosphère s’est évaporée dans l’espace et évidemment l’eau qui était à la surface s’est gelée sous forme de glace.
Le but de cette mission est justement d’essayer de comprendre pourquoi cette planète, dont l'écosystème permettait la présence d’eau liquide, a cessé de fonctionner en l’espace d’à peine 500 millions d’années. Il faut s’imaginer que Mars est comme une belle voiture qui est tombée en panne. On ne peut pas ouvrir le capot. On est donc obligé de radiographier l’intérieur pour voir de quel type de moteur il s’agit et d'où provient la panne. Dans cette optique, nous utilisons un instrument qui se trouve être ce sismographe. Il permet de réaliser une sorte de radio de l’intérieur de la planète et ainsi de déterminer l’épaisseur de la croûte et la taille de son noyau.
SEIS va nous permettre de remonter dans le temps jusqu’à la formation de Mars
Philippe Lognonné, de l'Institut de physique du globe de Paris.
En étudiant la structure géologique de Mars, vous allez donc pouvoir reconstituer quelques chapitres de son histoire ?
Pour savoir quelle est la quantité d’huile dans une vinaigrette, vous allez attendre que le vinaigre tombe en bas du récipient et que l’huile remonte à la surface. Il faut imaginer la formation d’une planète de la même manière. Quand elle se crée, le fer et les silicates sont mélangés. Une fois que la planète s’est formée, le fer va tomber au centre et puis les silicates vont remonter à la surface. Si vous mesurez la quantité, c’est-à-dire le rayon du noyau par rapport au rayon de la taille de la planète, vous avez directement la quantité de fer par rapport à la quantité de silicates. SEIS va nous permettre de remonter dans le temps jusqu’à la formation de Mars.
Quand espérez-vous recevoir les premières données de SEIS ?
L’instrument sera totalement opérationnel vers le 10 janvier 2019. Au total, il va collecter des données pendant une année martienne, c’est-à-dire un peu moins que deux années terrestres. Sachant que l’atterrisseur est statique, il ne consomme pas d’énergie. De ce fait, il est fort probable qu’il continue de fonctionner au-delà de la durée de qui est prévu.
En attendant, pendant trois mois, notre équipe de chercheurs aura un accès privilégié aux données de SEIS. C’est le deal avec les Américains pour toutes les missions réalisées avec eux : la Nasa lance les projets, ceux qui réalisent des instruments scientifiques ont accès à leurs données sous embargo et à l’issue de cette période, le laboratoire doit donner les données à la communauté internationale.
D’ailleurs, comment s’est noué le partenariat avec la Nasa ?
L’institut de physique du globe de Paris développe des instruments de sismologie pour les planètes depuis 25 ans. Il est connu depuis pour son savoir-faire et son excellence. Nous étions déjà présents sur une mission soviétique, qui s’appelait Mars 96 et qui a malheureusement échoué. A l’époque, nous avions développé un prototype et avions été identifiés comme étant le laboratoire de référence dans ce domaine. Au début des années 2010, la Nasa a lancé un appel d’offres dans le cadre de la mission Discovery 13. Une trentaine de projets étaient alors en compétition, dont trois en partenariat avec notre laboratoire. Et en 2012, la Nasa a sélectionné notre instrument pour la mission InSight.

La France est à la pointe en matière de sismologie. Pourtant les événements sismiques sont plutôt rares en France.
La France, sous l'impulsion de la sismologue Barbara Romanovitch, a mis en place le premier réseau d'études sismologiques, avec le projet Geoscope en 1982. Le fait que la France ne soit pas beaucoup affectée par les séismes a permis à la communauté scientifique de se spécialiser sur une sismologie tournée davantage sur l’étude et la compréhension de la structure de la Terre. C’est aussi dû au fait que la recherche française n’est pas soumise à une obligation de résultat sous deux ou trois ans. C’est notre force. Sans cela, on ne pourrait pas se lancer sur des projets comme celui de l'expérience SEIS.
Sur le
même thème
même thème
Tout
TF1 Info
TF1 Info
- 1Orages : 11 départements placés en vigilance orangePublié hier à 6h08
- 4"Je n’en veux même plus de ma maison" : à peine construit, leur lotissement doit être démoliPublié le 29 juin 2022 à 15h32
- 10VIDÉO - "Un enfer" : quand Waze transforme des chemins de campagne en autoroutePublié le 29 juin 2022 à 18h44
- 1Fin des chaudières au fioul : quelles exceptions ?Publié hier à 23h32
- 7La Suisse dans l'Otan ? Le nouveau lapsus étonnant de Joe BidenPublié hier à 21h18
- 9Météo du 30 juin 2022 : Prévisions météo à 20h45Publié hier à 20h59
- 10Le 20 heures du jeudi 30 juin 2022Publié hier à 20h41
- 1Découverte d'un double cratère sur la Lune après le crash d'une mystérieuse fuséePublié le 28 juin 2022 à 19h43
- 3Espace : devenez chasseur de tempêtes sur JupiterPublié le 27 juin 2022 à 6h59
- 4Alignement des planètes : à la découverte d'un spectacle céleste extrêmement rarePublié le 23 juin 2022 à 17h33
- 5La plus grosse bactérie du monde découverte en GuadeloupePublié le 24 juin 2022 à 6h34
- 6Les punaises diaboliques envahissent les maisons : comment s'en débarrasserPublié le 20 octobre 2018 à 14h24
- 7La planète Mercure est visible à l’œil nu en ce moment, voici comment l'observerPublié le 3 février 2020 à 14h46
- 8
- 9Le robot martien Curiosity est à l'arrêt, de quoi compromettre la fin de sa mission ?Publié le 19 avril 2022 à 13h10
- 10Pluie d'étoiles filantes des Lyrides : comment l'admirer ce jeudi soirPublié le 21 avril 2022 à 22h45