VIDÉO - Tout remettre à plus tard : voici ce qui se passe dans votre cerveau quand vous procrastinez

par RLV David de Araujo, Alexis Dubail et Christophe Aragona
Publié le 2 février 2023 à 15h31, mis à jour le 25 mars 2023 à 7h22

Source : JT 20h Semaine

Ce samedi, c'est la journée mondiale de la procrastination.
Un comportement qui consiste à reporter au lendemain ce que l'on pourrait faire aujourd'hui.
Et procrastiner semble être une spécialité bien française.

Faire la vaisselle, remplir des documents administratifs, prendre rendez-vous chez le médecin… N'en jetez plus, vous êtes déjà fatigué à cette simple énumération et vous n'avez qu'un seul mot à la bouche : "procrastination" (du latin pro qui signifie "en avant", et crastinus, "du lendemain"), ce sésame qui vous autorise à remettre toujours à plus tard des tâches pénibles. Une inclinaison naturelle à buller, mais qui peut s'exprimer au détriment de l'entourage et générer de lourdes conséquences matérielles. 

Soit tout l'inverse du "précrastinateur", ce bourreau de travail qui tient à terminer une tâche aussi vite que possible, même si cela nécessite des efforts conséquents. Alors, comment expliquer ce mode de pensée ? Que se passe-t-il dans le cerveau des procrastinateurs ? Ce sont les questions auxquelles une équipe de chercheurs et chercheuses de l’Inserm, du CNRS, de Sorbonne Université et de l’AP-HP, réunis au sein de l'Institut du Cerveau à Paris, ont tenté de répondre. Leur dessein : décrypter ce phénomène encore méconnu (et pourtant si partagé par nous autres, mortels) qui, selon une étude réalisée en 2019 sur YouGov, touche plus d'un Français sur deux. 

Ainsi, dans son étude parue fin 2022, l'équipe du neurologue Raphaël Le Bouc, que TF1 rencontre dans le reportage en tête de cet article, a cherché à comprendre ce qui se passe notre cerveau. Pour ce faire, 51 participants ont participé à un certain nombre de tests durant lesquels leur activité cérébrale était enregistrée par IRM. Chaque participant devait d’abord attribuer de manière subjective une valeur à des récompenses (des gâteaux, des fleurs…) et à des efforts (mémoriser un chiffre, faire des pompes…). Par exemple, "pour 1 euro, combien d'assiettes êtes-vous prêt à laver ?" Il leur a également été demandé d’indiquer leurs préférences entre obtenir une petite récompense rapidement ou une grande récompense plus tard, ainsi qu’entre un petit effort à faire tout de suite ou un effort plus important à faire plus tard. Raphaël Le Bouc donne là aussi un exemple : "Recoller 10 morceaux de vaisselle cassée tout de suite, ou avoir un mois pour recoller 19 morceaux ?"

Le cortex cingulaire antérieur, région du cerveau concernée

C'est à ce moment-là que "les données d’imagerie ont révélé l’activation au moment de la prise de décision d’une région cérébrale appelée cortex cingulaire antérieur", précise l'étude. Une région qui, en effet, semble jouer un rôle dans une grande variété de fonctions cognitives telles que l'anticipation de récompense, la prise de décision, l'empathie et l'émotion. "Cette région a pour rôle d’effectuer un calcul coût-bénéfice en intégrant les coûts (efforts) et les bénéfices (récompenses) associés à chaque option." 

La particularité du cerveau d'un procrastinateur est qu'il décompte plus vite les coûts de l'effort par rapport aux récompenses, pensant automatiquement, et sans raison objective, qu'un effort sera forcément plus facile après. En d'autres termes, notre cerveau va d'abord analyser les efforts à fournir avant même de connaître les bienfaits et avantages de la tâche à effectuer. "La procrastination pourrait être spécifiquement liée à l’impact du délai sur l’évaluation des tâches exigeant un effort", précise le chercheur Mathias Pessiglione dans l'étude. 

Concrètement, on voit sur l'infographie ci-dessous que chez un procrastinateur, l’activité représentée en jaune s’atténue plus vite que la moyenne lorsque l’échéance s’éloigne. Voilà pourquoi l’effort lui semble beaucoup moins pénible lorsqu’il imagine passer à l’action dans le futur

TF1

Pour d'autres, être procrastinateur, c'est lutter contre la tyrannie de l’immédiat par l'inertie : "La procrastination, c'est une défense immunitaire face à une société extrêmement rude, un moyen positif de se défendre des assauts du monde contemporain", assure David d'Equainville, instigateur de la Journée de la procrastination, qui se tiendra le 25 mars. La date rêvée pour les professionnels de la procrastination d'appuyer sur la touche pause. 


RLV David de Araujo, Alexis Dubail et Christophe Aragona

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