Voiture autonome : qui a le plus de chance d'être sauvé en cas d'accident ? Le dilemme du choix le "plus juste"

Publié le 26 octobre 2018 à 15h04, mis à jour le 26 octobre 2018 à 15h43

Source : Sujet JT LCI

FUTUR - Des scientifiques, dont plusieurs chercheurs français du CNRS, ont lancé en 2016 la plateforme en ligne "Moral Machine" dans le but d'interroger les internautes sur les dilemmes moraux auxquels nous confronte le développement des véhicules autonomes. Voici leurs résultats.

Au volant d’une voiture, vous voyez une femme traverser devant vous avec une poussette. Donnez-vous un coup de volant pour l’éviter, quitte à vous fracasser contre un mur et à mourir, ou la percutez-vous de plein fouet pour épargner votre vie ? Ou bien encore : deux motards roulant à vive allure, l’un portant un casque, l’autre pas, coupent la route du véhicule dans lequel vous êtes confortablement installé. Lequel, selon vous, devrait-il être épargné ? Celui qui ne porte pas de casque, car il a plus de risque de se faire tuer ; ou bien l’autre qui, bien que père de deux enfants, ne respecte pas le code de la route. 

Ce dilemme cruel n’est pas simple à régler, même si de nombreuses études en psychologie ont montré par le passé que les répondants privilégient l’hypothèse de leur sacrifice pour sauver plus de vies. Depuis 2012 et les premiers tours de roue de la voiture autonome de Google, tous les constructeurs s’y sont mis. Mais quel algorithme de pilotage faut-il privilégier pour guider ces voitures ? Celui choisissant le moindre mal ou celui préservant la vie de ses passagers ? Et, surtout, qu’en pense son futur occupant ?

Edmond Awad et al. Nature

Des chercheurs du CNRS, du MIT (Institut de technologie du Massachusetts) et des universités d’Harvard et de Colombie-britannique, ont désormais quelques réponses. Cette équipe internationale de recherche a lancé il y a deux ans la plateforme Moral Machine. Le but : questionner les internautes sur l’option la "plus juste", selon eux, sur une variété de situations, voire d’en imaginer d’autres en fonction du sexe et de l’âge des personnes ou encore de son statut -sauver un chirurgien plutôt qu'un malfrat, par exemple.

Pendant 18 mois, les chercheurs ont collecté et analysé les préférences morales de millions d’internautes du monde entier. Les résultats de leurs recherches ont été publiés mercredi 24 octobre dans la prestigieuse revue Nature. Sans grande surprise, il en ressort que la majorité des gens déclarent être plus enclins à épargner des vies humaines plutôt que des animaux, à sauver la vie des plus jeunes plutôt que celle des personnes âgées. Et aussi à préserver le plus grand nombre de vies. Evidemment...

Les pauvres ont 40% de probabilité de plus de se faire percuter que des personnes riches

Les résultats montrent également des préférences morales beaucoup plus controversées : les personnes "en surpoids" ont environ 20% de probabilité de plus de se faire tuer face à des personnes "athlétiques". Les personnes pauvres ont quant à elles 40% de probabilité de plus de se faire percuter que des personnes riches, tout comme les personnes ne respectant pas les feux de signalisation par rapport à ceux qui les respectent. Autre fait étonnant, les chercheurs notent que les internautes des pays développés sont moins enclins à sauver les piétons ne traversant pas sur un passage clouté que ceux des pays moins développés.

Ces dilemmes pourraient, espèrent les auteurs de l'étude, être consultés par les gouvernements envisageant de légiférer sur les voitures autonomes ou les constructeurs travaillant sur la programmation de ces engins. "Le but n’est pas nécessairement de suivre la volonté des utilisateurs de Moral Machine, mais d’avoir une vision globale des préférences morales des citoyens", écrivent les chercheurs. 

Dans les faits, les ingénieurs en charge de l'élaboration des systèmes de conduite autonome cherchent, pour l'instant, à éviter les collisions avec les usagers vulnérables de la route, tels que les cyclistes et les piétons, puis les autres véhicules et enfin les objets qui ne bougent pas. 

Faut-il tenir compte de l’âge des personnes, du fait qu’elles avaient ou non le droit d’être à cet endroit sur la route ? Certes, ces dilemmes sont des problèmes de philosophes. Mais, en temps réel, les humains ne réagissent pas comme cela lorsqu'ils sont confrontés à une situation mettant leur vie en danger. Alors pourquoi le demander à une machine ?


Matthieu DELACHARLERY

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