Naissance de premiers singes clonés avec la technique employée pour la brebis Dolly

Matthieu Delacharlery (avec AFP)
Publié le 25 janvier 2018 à 8h53, mis à jour le 26 janvier 2018 à 2h04
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Source : JT 20h Semaine

SCIENCE - Une équipe de scientifiques chinois a réussi à engendrer deux macaques identiques en utilisant le transfert de noyau, une technique mise en œuvre en 1996 pour donner naissance à la célèbre brebis Dolly, le premier mammifère cloné de l'histoire.

"Qiang Sun et Muming Poo sont heureux de vous faire part de la naissance, à Shanghaï, des jumeaux Zhong Zhong et Hua Hua. Ces deux scientifiques chinois sont parvenus à faire naître, pour la première fois, des primates génétiquement identiques par la même technique de clonage utilisée il y a plus de vingt ans pour la célèbre brebis Dolly, premier mammifère cloné de l'histoire. La naissance de Dolly, le 5 juillet 1996 à Edimbourg (Royaume-Uni), avait produit l’effet d’un séisme, tant sur le plan de la percée scientifique que sur celui des débats éthiques qu’elle suscitait. Pour la première fois, des chercheurs étaient parvenus à faire naître un animal en bonne santé, réplique génétique à l’identique de sa mère, sans passer par la reproduction sexuée.

Depuis, ce sont au total vingt-trois espèces de mammifères différentes qui ont fait l’objet d’un clonage de ce type, de la souris au chameau en passant par le cheval, la vache, le cochon, ou encore des chiens et des chats. Mais jusqu’ici, les tentatives d’appliquer ce procédé à des primates non humains, les animaux les plus proches de nous, n’avaient pas donné lieu à une descendance viable. Les deux macaques crabiers, baptisés Zhong Zhong et Hua Hua, ont respectivement huit et six semaines et sont pour le moment en bonne santé après ce clonage somatique (par cellules non reproductrices), se sont félicités les scientifiques, dont les travaux de recherche ont été dévoilés mercredi 24 janvier dans la revue scientifique Cell.

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Une avancée scientifique très prometteuse pour la recherche médicale, car elle pourrait permettre aux laboratoires de travailler avec des populations de primates génétiquement uniformes, comme l’a souligné l’équipe chinoise. "On peut maintenant produire des singes clonés génétiquement identiques, à l'exception des gènes que l'on souhaite manipuler", a relevé Qiang Sun, directeur du centre de recherche en primatologie non-humaine à l'Académie chinoise des sciences. Outre "répondre aux nombreuses questions subsistant sur la biologie des primates", cela devrait surtout permettre de "créer des modèles de recherche pour des maladies humaines provoquées par des mutations génétiques comme des cancers, des dysfonctionnements immunitaires ou des troubles du métabolisme", a-t-il précisé.

De quoi limiter les expérimentations sur les animaux

En effet, les laboratoires pourront "tester l'efficacité de traitements expérimentaux avant de mener des essais cliniques", font valoir les deux scientifiques. Pour mener ce type d'études cliniques, plusieurs milliers de patients sont nécessaires "car les humains sont génétiquement variés", a souligné auprès de l'AFP Muming Poo, chercheur à l'Académie chinoise des sciences. Or, "en travaillant sur un petit groupe d'animaux génétiquement semblables, il est possible de tester beaucoup plus rapidement de nouvelles molécules", a-t-il pointé.

D'un point de vue moral, selon Muming Poo, l'un des deux chercheurs à l'origine de cette prouesse scientifique, cloner des primates permettrait d'utiliser beaucoup moins d'animaux pour des expérimentations qui soulèvent, elles-aussi, de nombreuses questions éthiques. Les Etats-Unis importent à eux seuls de 30.000 à 40.000 singes chaque année pour la recherche médicale, a-t-il indiqué. 

Zhong Zhong et Hua Hua ne sont pas les premiers primates clonés

Le titre de premier primate cloné de l'histoire revient au macaque rhésus Tetra né en 1999 par une méthode de clonage plus simple et plus limitée appelée division de l'embryon. Les deux petits macaques résultent, eux, d'un transfert nucléaire de cellules somatiques (SCNT) qui consiste à prélever le noyau d'une cellule avec son ADN pour l'implanter dans un ovocyte non fécondé dont le noyau a été retiré. Une fois ce transfert effectué, l'ADN est reprogrammé à l'aide d'une impulsion électrique et commence à se diviser jusqu'à former un embryon.

Le clonage de primates sera très utile pour comprendre des maladies humaines, surtout génétiques, et découvrir des traitements.

Le Pr Darren Griffin de l'université britannique de Kent.

Les scientifiques chinois ont reconnu, en outre, que leurs travaux allaient susciter de nouvelles craintes concernant le clonage humain. "On peut, en principe, cloner des humains", a souligné Muming Poo. "Je pense que personne ne veut cloner des êtres humains, la société ne le permettrait pas" mais "une fois qu'une nouvelle technique apparaît, le risque d'une mauvaise utilisation existe". Pour le professeur Darren Griffin de l'université britannique de Kent, "l'annonce du premier clonage d'un primate va sans aucun doute soulever des inquiétudes éthiques, les critiques évoquant l'argument du pas de plus nous rapprochant du clonage humain". Reste que, a-t-il fait valoir, "le clonage de primates sera très utile pour comprendre des maladies humaines, surtout génétiques, et découvrir des traitements".


Matthieu Delacharlery (avec AFP)

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