Première année de médecine : "Un système qui broie une génération complète d’étudiants"

Publié le 5 septembre 2018 à 14h28, mis à jour le 5 septembre 2018 à 14h34
JT Perso

Source : JT 20h Semaine

INTERVIEW - Des informations de Franceinfo affirment ce jeudi que le gouvernement songerait à supprimer le numerus clausus et à réformer le concours de première année de médecine, que le président avait critiqué pendant sa campagne. Le vice-doyen de l’UFR de Médecine à l’Université Clermont-Auvergne, Jean-Marc Garcier, explique à LCI pourquoi ce changement est nécessaire.

Une année angoissante, qui se solde souvent par un échec. Tous les étudiants qui cherchent à faire des études en médecine doivent, en tout cas jusqu'à présent, passer par là. Le nom de cette épreuve : la PACES, pour Première Année Commune aux Etudes de Santé. Selon nos confrères de Franceinfo, le gouvernement songerait à réformer ce concours que Emmanuel Macron avait jugé "périmé" et "inefficace" pendant sa campagne. Alors pourquoi ce système est-il à bout de souffle ? 

LCI a décidé de donner la parole à Jean-Marc Garcier. Vice-doyen de l’UFR de Médecine à l’Université de Clermont Auvergne, il est notamment en charge de la formation PACES.

LCI : En février, le Premier ministre, Édouard Philippe, avait déploré à propos des études de médecine un "effroyable gâchis". Qu'en pensez-vous ? 

Jean-Marc Garcier : Chaque année, beaucoup d’étudiants passent la PACES mais très peu réussissent ensuite le concours d’entrée en études de santé. Pendant cette année, les étudiants ne sortent plus, ne voient plus leurs amis, ne font plus de musique ou de sports. Ils n’ont plus de vie. Pour ceux qui réussissent, certes ils sont satisfaits, mais ils arrivent en deuxième année totalement épuisés, avec l’esprit pollué par deux années de concours.  Et pour ceux qui sont recalés, ce sont deux années abominables qui se terminent par un échec dont il faut se remettre.

LCI : A l'heure des réformes de ces études, quelle méthode de sélection vous préconiseriez ? 

Jean-Marc Garcier : Il y a quatre ans, le Ministère de l’Enseignement supérieur et celui de la Santé avait fait un appel d’offre pour tester des voies alternatives de sélection dans certains établissements. En ce qui concerne Clermont, nous avons enclenché le processus il y a quatre ans, et depuis trois ans il est en place. Donc là nous avons deux classes dans lesquelles certaines personnes ont été choisies par voie alternative. Elles viennent de deuxième année de licence en santé et ont pu entrer en médecine via un dossier et un oral d'entretien. Dans l’état actuel des choses, la proportion de ces élèves représente 15% de l’ensemble des étudiants, même si pour le moment nous n’avons pas assez de dossiers pour atteindre ce chiffre-là. 

D’autres universités ont complètement arrêté la sélection par PACES. A Angers, par exemple, la sélection se fait en première ou deuxième année de licence pour la santé, parmi les élèves qui ont les meilleurs résultats. Donc le numerus clausus persiste, mais les personnes qui ne sont pas recrutées par la suite peuvent continuer leur formation. Et s’ils valident la licence, ils sortent en possession d’un diplôme et peuvent se réorienter. 

Il y  a donc des expérimentations qui ont été faites à travers la France et qui fonctionnent. Je pense par exemple que la méthode d’Angers est particulièrement efficace. Alors, si on veut être cohérent, on doit faire un changement, qui est nécessaire, et appliquer ces méthodes dès que possible. Après laquelle est la meilleure ? Je n’ai pas la prétention de le savoir. Mais toute formation qui permet aux étudiants de la suivre sans stress et sans pression, est forcément meilleure.

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LCI : Au bout de deux ans de sélections alternatives, quel bilan faites vous ? 

Jean-Marc Garcier : Nous avons observé que les étudiants issus d’une licence sont généralement dans la moyenne haute de la classe. Alors certes, ils ont perdu un an parce que chez nous ils ne sont sélectionnés qu’en deuxième année de licence. Mais ils arrivent avec une hygiène de vie normale, ils sont plus détendus et concentrés sur leurs objectifs. Selon mon expérience, il est évidemment possible d’avoir de très bons élèves sans passer par la PACES. De toute façon, je pense que personne, ou en tous cas c’est une minorité, ne soit attaché mordicus à cette manière de sélectionner. 

Aujourd’hui nous sommes dans un système qui broie une génération complète d’étudiants. Et c’est eux qui sont au centre de nos préoccupations. Ce n’est pas la sélection en tant que telle que nous considérons être mauvaise, mais les conditions de celles-ci qui sont à changer. Et moi personnellement j’ai hâte d’avoir devant moi des étudiants qui sont intéressés et non pas stressés. 


Felicia SIDERIS

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