A l’EM Lyon, des étudiantes notées sur leur physique et leur potentiel sexuel : l’étonnante défense des élèves

Publié le 3 août 2018 à 17h29, mis à jour le 3 août 2018 à 17h35
A l’EM Lyon, des étudiantes notées sur leur physique et leur potentiel sexuel : l’étonnante défense des élèves
Source : Thinkstock

OMERTA - "Lyon Capitale" et "Le Progrès" ont révélé ce jeudi l’existence d’un fichier recensant des informations personnelles et des commentaires sur le physique de plus d’une centaine d’étudiantes de l’EM Lyon. LCI a essayé de contacter plusieurs étudiants de l’école pour recueillir leurs commentaires sur cette affaire. Aucun n’a dénoncé les faits, tous en revanche se sont appliqués à défendre leur école.

Deux médias lyonnais ont révélé jeudi 2 août l’existence d’un fichier créé et tenu par des étudiants de l’EM Lyon recensant des informations personnelles et des commentaires sur le physique de quelques 250 étudiantes de leur école. Le fichier était partagé sur Facebook via un groupe privé de 300 membres intitulé "Mur Pipos 2K17", ouvert seulement aux garçons et accessible uniquement sur invitation. Selon Lyon Capitale et Le Progrès, y figurent notamment les adresses mails des jeunes femmes, leur date de naissance, un lien vers leur profil Facebook, leur situation maritale ou encore pour certaines d’entre elles leur potentiel sexuel, leur tendance politique et leur origine ethnique. Certaines sont même notées sur leur apparence physique, de 2 à 19 sur 20. 

Le directeur de l’école de commerce Bernard Bellante, qui s'est dit "choqué par ces révélations" a réagi très rapidement et assuré que les étudiants impliqués seraient convoqués et sanctionnés. "Je note que cette absence d’éthique est, par ailleurs, un comportement illégal et contraire à notre règlement intérieur. La liberté exige une responsabilité collective" a-t-il écrit dans un communiqué publié jeudi après-midi. Il a également annoncé qu’une enquête interne serait diligentée à compter du 20 août. "Toute la communauté EM Lyon se doit de réagir et nous devons ensemble condamner ce type de comportements. Je sais pouvoir compter sur votre engagement, comme vous pouvez compter sur ma fermeté pour éradiquer ces pratiques inadmissibles" a ajouté Bernard Bellante.

"Tout le monde se moque pas mal de cette histoire"

C’est pour obtenir des témoignages et recueillir le ressenti des élèves de l’école que nous en avons contacté plusieurs dizaines ce vendredi matin. Seuls sept nous ont répondu. Et tous, à une exception près, se sont appliqués à défendre leur école et minimiser les faits. A chaque fois, en des termes très maîtrisés. "Je pense que tout le monde se moque pas mal de cette histoire. (…) L’EM Lyon est l’une des écoles où nous avons la chance d’avoir une vraie cohésion. Personne ne cherche à faire de mal à personne, et surtout : personne ne souffre de quoi que ce soit" nous a répondu une étudiante. "Cet événement est exceptionnel et je me sens plus que respectée en tant que fille dans mon école. Ce fichier ne reflète absolument pas l’ambiance qui règne à l’EM Lyon" nous a assuré une autre. 

Un étudiant contacté lui aussi ce matin qui nous a expliqué avoir appris l’existence de ce fichier dans la presse a lui aussi tout fait pour minimiser les faits auprès de nous. "A priori c’est anecdotique, sans doute lourd ou graveleux, mais connu dans le milieu des grandes écoles et pratiqué, de ce que j’ai compris, aussi bien par les garçons que par les filles. En tout cas rien qui ne justifie un tel émoi" selon lui. Il avoue également que cet "épiphénomène" "agace" par son "ampleur alors que ce n’est manifestement pas grand-chose". Tout le monde souhaite voir le soufflet retomber rapidement, quelques mois après que l'école a déjà fait la Une des journaux, suite aux discours très remarqué de Laurent Wauquiez dans ses murs.  

De la faute des journalistes

Ce qui ressort également dans les réponses que nous ont formulé les étudiants, c'est le discours haineux envers les journalistes, accusés de "chercher le scoop" à tout prix et de n'avoir pour seul objectif que de détruire la réputation de l'école. "Ce groupe Facebook est un groupe fermé destiné à ses seuls utilisateurs, que vous avez donc pénétré de façon tout à fait malhonnête pour créer des histoires inutiles et qui n’avancent à rien" nous écrit une étudiante, estimant plus véreux d'avoir révélé l'existence de ce groupe que de s'adonner à ces pratiques, passibles pourtant de cinq ans d’emprisonnement et 300.000 euros d’amende. Une autre estime également que médiatiser cette affaire n'aide en rien les filles concernées, et nous explique en vouloir à la presse d'avoir révélé l'existence de ce fichier, pourtant rempli de commentaires graveleux, sexistes voire violents. Une autre nous assure carrément que "personne ne souhaite dénoncer quoi que ce soit, car il n’y a rien à dénoncer".  

Une seule étudiante nous a tenu un discours un peu différent, quoique très succinct, en nous transmettant cette citation de Simone de Beauvoir : "Personne n'est plus arrogant envers les femmes, plus agressif ou méprisant, qu'un homme inquiet pour sa virilité."


Justine FAURE

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