ÉTAT CIVIL - Eric Zemmour s'est dit favorable à l'interdiction de prénoms d'origine étrangère pour les nouveaux-nés. Une mesure qui ferait de la France une quasi-exception à l'échelle européenne. Explications.
Bien qu'il ne soit pas officiellement candidat à l'élection présidentielle, le polémiste Eric Zemmour distille dans les médias depuis quelques semaines une série d'idées et d'opinions, semblables parfois à des mesures de campagne. Sur le plateau de France 2 ce week-end, il a expliqué vouloir "rétablir la loi de 1803" sur les prénoms. Il s'agirait ainsi d'imposer
aux parents de donner à leurs enfants venant de naître un prénom issu du calendrier ou utilisé historiquement.
Les Français musulmans sont ici directement visés, Eric Zemmour indiquant qu'avec l'application d'une telle législation, il serait notamment rendu impossible de prénommer son enfant Mohammed. Au-delà de la constitutionnalité d'une telle proposition, qui resterait à démontrer, on observe que la France se singulariserait en Europe si elle restreignait de la sorte l'usage de certains prénoms. Nos voisins, à quelques exceptions près, se montrent globalement très souples vis-à-vis des choix opérés par les parents.
Une large liberté globalement accordée aux parents
Aujourd'hui en France, les parents ne sont que très peu limités dans leurs choix. "Il n'y a pas de liste de prénoms autorisés", souligne le site gouvernemental Vie Publique, ajoutant que "les parents peuvent choisir un prénom déjà utilisé ou créer un nouveau prénom", mais aussi "choisir les prénoms connus étrangers ou certains diminutifs" à leur guise.
Seules quelques règles sont à respecter : "le prénom ne doit pas être contraire à l'intérêt de l'enfant", tout en respectant "le droit d'une autre personne à voir protéger son nom de famille", en ne choisissant pas le nom de famille d'une célébrité par exemple. Dernier élément à prendre en compte, le fait que "si l'enfant porte le nom d'un seul de ses parents, il ne peut pas avoir comme prénom le nom de l'autre parent".
L'officier d'état civil se charge de la bonne application de ces principes, et ne refuse que rarement l'attribution de prénoms. Parmi ceux qui n'ont pas été autorisés depuis quelques années, on peut citer "Nutella", "Fraise" ou encore "Titeuf".
Si les parents peuvent prouver que le nom existe - par exemple sur Internet ou avec un rapport professionnel - alors nous l'autoriserons
Une représentante de l'état civil allemand
Ailleurs en Europe, on constate qu'une majorité de pays se trouvent sur une ligne similaire. Laisser aux parents une grande liberté, tout en évitant que des prénoms farfelus puissent porter préjudice à un enfant.
Outre-Rhin par exemple, "il n'y a pas d'interdiction générale de certains prénoms", confiait au journal Stuttgarter Zeitung Frauke Rüdebusch, membre de la Société pour la langue allemande L'article souligne le fait que le prénom "doit correspondre au sexe de l'enfant", et ne pas nuire à son bien-être. "Si les parents peuvent prouver que le nom existe - par exemple sur Internet ou avec un rapport professionnel - alors nous l'autoriserons", résumait une représentante de l'état civil.
En Espagne, les noms de fruits sont interdits, tout comme ceux des villes. Il est également interdit d'utiliser les noms et prénoms d'une personnalité publique pour constituer un prénom composé. De l'autre côté des Pyrénées, un bébé ne pourrait notamment pas être prénommé "Rafa-Nadal", même avec un nom de famille singulier. L'Italie, à l'instar de la France, fait aussi preuve d'une importante tolérance et veille simplement que des prénoms controversés où en références à des personnalités historiques controversées ne soient pas utilisés.
Notons qu'au Portugal, une liste des prénoms autorisés existe, mais qu'elle se révèle très évolutive. Sont admis tous ceux qui ont déjà été inscrits dans un registre d'état civil, ce qui signifie que des prénoms d'origine étrangère peuvent sans problème être attribués, à condition que des citoyens naturalisés les portent déjà. Un registre des prénoms attribués ces dernières années permet d'observer que de très nombreux prénoms à consonance étrangère peuvent être choisis.
L'Islande et la Finlande, des cas particuliers
Jusqu'à l'instauration d'une réforme il y a quelques années, la réglementation se montrait assez stricte en Finlande, où les parents devaient choisir dans une liste de prénoms locaux "historiques". La législation a toutefois évolué pour plus de souplesse : des motifs religieux peuvent être invoqués pour donner un prénom non traditionnel, de même que l'origine des parents. Rien ne s'oppose donc aujourd'hui en théorie à l'attribution de prénoms très différents de ceux donnés historiquement à travers le pays.
Sans doute l'Islande demeure-t-elle la plus conservatrice en la matière. Un registre national des prénoms est mis en place. Celui-ci en comporte environ 1800 féminins et presque autant de masculins. Une instance publique est chargée de réévaluer régulièrement cette liste, ainsi que d'instruire les nouveaux dossiers qui lui parviennent. Il faut noter que solliciter l'avis de cette commission en proposant un nouveau prénom constitue une démarche payante pour les parents.
Si l'Islande se démarque, il faut souligner que les règles qui s'y appliquent s'expliquent par une série de particularismes. Le fait notamment que l'île, très isolée, ait longtemps vécu en semi-autarcie, préservant sa culture et ses traditions des influences extérieures. Il s'agit donc en partie d'une manière de préserver une partie de l'identité islandaise, a fortiori à l'heure de la mondialisation pour un pays qui ne compte que 350.000 habitants. Par ailleurs, il faut noter qu'en Islande, les noms de famille tels que nous les connaissons n'existent pas.
Les enfants sont traditionnellement nommés en reprenant le prénom d'un parent, auquel s'ajoute un suffixe selon le sexe du bébé. Une jeune Karla dont le père se prénomme Hans s'appellerait ainsi Karla Hansdóttir, quand son frère Magnus se nommerait Magnus Hansson. Ces exemples illustrent le rôle central du prénom en Islande, où le nom de famille ne constitue pas un élément distinctif aussi marqué qu'en France.
Le magazine Wall Street International notait en 2013 que le nom Pedro avait été rejeté par les autorités car aucun nom islandais ne se terminait par un "o". Toujours est-il que "Pedró" orthographié avec le "ó" islandais, avait été approuvé, pouvant être décliné correctement dans la langue locale. De même Les noms "Carolina", "Christa" et "Balthazar" ne peuvent pas être validés, sauf en étant orthographiés "Karólína", "Krista" et "Baltasar". Là aussi, une raison simple : l'alphabet islandais ne contient par les lettres "c" ni "z".
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