Appel du 18-Juin : que commémore-t-on chaque année sur l'île de Sein ?

Publié le 17 juin 2020 à 18h52, mis à jour le 17 juin 2020 à 19h02
Commémorations en août 2013 sur l'île de Sein.
Commémorations en août 2013 sur l'île de Sein. - Source : JEAN-SEBASTIEN EVRARD / AFP

RÉSISTANCE - L'île de Sein, au cœur d'une controverse politique sur la venue de Marine Le Pen à l'occasion des 80 ans de l'Appel du 18-Juin, est un haut-lieu de la Résistance. Ce bout de territoire, le plus décoré de la Seconde Guerre mondiale, est le symbole des Français partis rejoindre le général de Gaulle après son fameux Appel.

Ce petit bout de territoire de 58 hectares et 242 habitants au large du Finistère est, depuis quelques jours, au cœur d'une controverse entre les autorités locales et Marine Le Pen, qui s'y est rendue mercredi, à la veille des commémorations des 80 ans de l'Appel du 18-Juin. 

L'île de Sein est surtout l'un des lieux les plus emblématiques de la Résistance et du gaullisme. Un mémorial en granit, inauguré en 1960 par le général de Gaulle, alors président de la République, rend hommage aux Sénans (les habitants de Sein) morts après avoir rejoint la France Libre. Il est surmonté d'une croix de Lorraine et porte la mention "Kentoc'h mervel" ("plutôt mourir"). C'est là que se déroulent, chaque année, les commémorations de l'Appel du 18-Juin. 

La terre des premiers Français libres

"L’île de Sein est la commune la plus décorée de la Seconde Guerre mondiale", indique à LCI Vladimir Trouplin, conservateur au musée de l'ordre de la Libération. "Elle a notamment reçu la médaille de la Résistance avec rosette", cette décoration instituée par le général de Gaulle lui-même dès 1943. "L’île de Sein, c'est le symbole de l'engagement collectif des 128 Sénans qui se sont rendus à Londres, et le cas unique d'une collectivité qui a chois de partir au combat". 

Le 21 juin 1940, alors que les combats aériens éclataient au-dessus de la petite île - 1400 habitants à l'époque, dont une bonne partie était mobilisée au front -, quelques dizaines d'habitants, avertis qu'un général devait parler à la radio de Londres, s'étaient regroupés autour d'un poste de TSF, où ils avaient entendu le fameux Appel. Entre le 24 et 26 juin, alors que les autorités allemandes ordonnaient aux militaires de se rendre et aux civils de 18 à 60 ans de se tenir à la disposition de l'occupant, plusieurs navires armés par les habitants avaient pris la mer, chargés d'hommes en âge de combattre - ils avaient entre 14 et 54 ans -, en direction de la Grande-Bretagne, soit 128 personnes au total. 

Ces volontaires avaient été regroupés début juillet 1940, avec 300 autres personnes, à l'Olympia Hall, à Londres, et passés en revue par le général de Gaulle. Leur surreprésentation parmi les premiers combattants de la France libre avait suscité cette phrase célèbre du général de Gaulle : "L'île de Sein, c'est donc le quart de la France". 

"Les Sénans sont des marins-pêcheurs, ils ont donc majoritairement servi par la suite dans la marine de guerre et la marine marchande", indique Vladimir Trouplin. Nombre d'entre eux ont ainsi contribué au ravitaillement de l'Angleterre. "Mais certains ont rejoint d'autres forces, dont celles du commando Kieffer.

"Une bonne et courageuse île française"

Vingt-deux de ces volontaires sont morts pour la France. "Il y aura toujours, maintenant, en France des gens qui penseront à l'île de Sein", avait déclaré de Gaulle en remettant la croix de la Libération à la commune, le 30 août 1946. "La France entière saura qu'il y avait sur l'océan une bonne et courageuse île bretonne dont l'exemple magnifique deviendra légendaire et les enfants apprendront dans leurs livres d'histoire l'action héroïque d'une bonne et courageuse île française."

Pourquoi l'île de Sein s'est-elle mobilisée avant les autres, et aussi massivement ? Le sujet n'a pas été tranché par les historiens. "On peut émettre plusieurs hypothèses", résume Vladimir Trouplin. "L'aspect insulaire a pu jouer. Sur cette île environnée par une mer dangereuse, soumise aux tempêtes, la solidarité, l'entraide naturelle jouent à fond et le sentiment communautaire est fort. En outre, pour des Bretons très patriotes, le général de Gaulle a constitué un point de ralliement. Enfin, les Sénans étaient sans doute mieux placés que d'autres, géographiquement, pour rejoindre l'Angleterre. Ils n'avaient tout simplement pas envie de tomber bêtement sous l'autorité allemande.


Vincent MICHELON

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