Assiste-t-on à une explosion des agressions homophobes en France ?

par Amandine REBOURG Amandine Rebourg
Publié le 17 octobre 2018 à 16h30, mis à jour le 17 octobre 2018 à 16h50
Assiste-t-on à une explosion des agressions homophobes en France ?

Source : AFP

QUESTION - Depuis plusieurs semaines, de nombreuses agressions homophobes sont dénoncées sur les réseaux sociaux. Pour autant, est-on au cœur d'une flambée de ces actes ou sont-ils simplement plus visibles ?

Pas une semaine ne passe sans qu'un acte homophobe soit dénoncé sur les réseaux sociaux. La semaine dernière, un couple de femmes a été pris à partie et frappé, place de la République. Le week-end précédent c'est un deux hommes qui ont été passés à tabac après s'être embrassés dans la rue. Le mois dernier, un comédien qui enlaçait son compagnon devant un théâtre du XXe arrondissement de Paris avait lui aussi été attaqué. Dimanche, un autre homme rapportait avoir été agressé dans le XVe arrondissement la capitale et mardi, c'est Guillaume Mélanie, de l'association Urgence Homophobie qui témoignait sur Twitter de son agression, lui aussi, molesté dans le centre de Paris. Ces actes homophobes en série, commis sur la voie publique (comme près d'un tiers d'entre eux),  interrogent.

En mai dernier, SOS homophobie pointait d'ailleurs une recrudescence alarmante d'agressions homophobes, sur l'année 2017. 139 cas ont été recensés en 2017, contre 121 en 2016, soit une hausse de 15% et une agression tous les trois jours. Après plusieurs années de baisse, les agressions physiques semblent repartir à la hausse. Les chiffres de 2018 ne seront disponibles que l'année prochaine, pour autant, assiste-t-on à une explosion des actes homophobes ?

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Il y a une succession mais en réalité, cela ne veut pas dire que l'homophobie augmente

Joël Deumier, président de SOS Homophobie

Pour Joel Deumier, président de SOS Homophobie, parler d'une recrudescence des infractions commises du fait de l’orientation sexuelle réelle ou supposée ou de l’identité de genre n'est pas tout à fait juste. Ce que constate en revanche l'association, c'est qu'en septembre 2018, c'est une hausse de 37% des témoignages. "On a le sentiment qu'il y a une succession mais cela ne signifie pas que l'homophobie augmente. En réalité, il y a une libération de la parole des victimes : elles osent d'avantage dire ce qui leur est arrivé, franchir la porte d'un commissariat ou d'une gendarmerie pour déposer plainte, et faire part de leur agression sur les réseaux sociaux. Ce qui est salutaire et positif", explique-t-il à LCI.  "Les victimes n'acceptent plus de se cacher, d'être insultée", dit-il. 

La parole un peu plus libre, les signalements augmentent. En 2016, l'association recensait 121 cas d'agressions physiques à caractère homophobe contre 139 en 2017, ce qui représente une hausse de 15%. Mais la parole plus libre est aussi dans l'autre camp, selon lui. "Il y a un risque de montée de l'homophobie avec les futurs débats sur la PMA (...) On déplore la persistance de l'homophobie autour des grandes lois, c'est une réalité,mais grâce au mariage pour tous, les mentalités ont évolué, les choses vont mieux. Quand il y aura les discussions autour du projet de loi sur la PMA, il va y avoir une montée de haine à l'égard des personnes homosexuelles et ça ira mieux ensuite. Le consensus avant la loi est impossible. Il se fait après le vote de la loi", analyse Joël Deumier. 

"On a pas l'impression qu'il y ait plus d'agressions homophobes, comparé à ce que vous avons vécu dans notre jeunesse", relativise ce quinquagénaire militant du centre LGBT Paris . "Je vois de plus en plus de garçons se tenir par la main. Sans doute que les agressions qui passaient inaperçues ne le sont plus. Les choses avancent de mon point de vue. Les plaintes le montrent. Les choses ne sont plus cachées", se réjouit-il. 

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Seules 4 % des victimes d’insultes LGBTphobes déposent effectivement plainte

Une étude détaillée sur les crimes ou délits "anti-LGBT" réalisée en mai 2017 par l’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales (ONDRP) montre que seules 8 % des victimes concernées se déplacent dans un commissariat ou une gendarmerie. Et, lorsqu’elles le font, seules 48 % d’entre elles déposent effectivement plainte. Au total, ce sont donc seulement 4% des victimes d’insultes LGBTphobes qui déposent effectivement plainte, alors qu’il s’agit pourtant d’un délit passible d’une peine de six mois d’emprisonnement et 22 500 euros d’amende en cas d’injures publiques...

Les victimes minimisent les faits de violences homophobes

Joël Deumier, président de SOS Homophobie

Comment expliquer un si faible pourcentage de dépôt de plainte ? Pour Joël Deumier, "les victimes minimisent les faits de violences homophobes, il y a un vrai travail de sensibilisation à faire. L’homophobie est intériorisée par les personnes LGBT. La police est de plus en plus formée mais il y a encore la croyance que la police n'est pas un endroit sûr pour déposer une plainte. Ce qui est faux car la police est plus attentive à ces questions, grâce notamment à l'association FLAG qui fait un travail interne à la police et à la gendarmerie pour sensibiliser les personnels à ces actes. Cela va dans le bon sens mais les victimes doivent davantage porter plainte et en parler", encourage le militant associatif. 

Au cours des 9 premiers mois de 2018, la préfecture de police de Paris a constaté 151 agressions à caractère homophobe à Paris et en petite couronne. Un chiffre en baisse de 11.7%, précise-t-elle à LCI. En 2017, on enregistrait 20 agressions de plus sur la même période. Il s'agit là de faits constatés sous réserve de "consolidation judiciaire", comme le dit le jargon dédié. Les faits sont constatés mais ne tiennent pas compte des plaintes déposées ou pas. Il ne s'agit là que de constatations. 

Sauf que la succession d'agressions LGBTphobes des dernières semaines, a conduit l'association SOS Homophobie a rappelé sur Twitter son numéro d'écoute. Ce mercredi, la mairie de Paris, par le biais de son nouveau premier adjoint, Emmanuel Grégoire, a annoncé son intention de faire un point complet sur la situation et de réfléchir avec tous les acteurs concernés à un plan de sécurisation de l'espace public, à une communication pédagogique et enfin, à l'accompagnement des victimes. 

Si les récentes agressions homophobes médiatisées se sont déroulées à Paris, il faut néanmoins rappeler que si elles sont nombreuses dans l'agglomération parisienne, ce sont dans les grandes villes de province qu'elles sont le plus répandues comparées à la population : 40% des victimes résident dans des villes de plus de 100 000 habitants, indique le rapport de l'ONDRP.


Amandine REBOURG Amandine Rebourg

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