PRUDENCE - Course aux bonnes affaires, ou arnaques en vue ? Pendant les soldes, malgré des contrôles, certaines enseignes affichent des prix d'origine plus élevés pour faire croire à une ristourne plus importante. Une pratique en hausse, épinglée par la répression des fraudes... et par les internautes.
C’est une internaute qui, photos à l’appui, a poussé le premier coup de gueule : "Qui a remarqué que Zara se fout de la gueule de ses clients pour les soldes ? En augmentant ses prix initiaux, puis en faisant passer le vrai prix de base pour un prix soldé... Normalou on est des cons ?"
A l’appui de ses dires, elle poste deux captures d’écran prises sur le site du géant mondial du vêtement. Sur la première photo : une combinaison pantalon "à imprimé chats", affiché, en ce jour de veille de soldes, à 25, 99 euros ; deuxième photo : la même combinaison, avec un prix barré affiché à 39, 95 euros, et le nouveau prix affiché en rouge : 25, 99 euros. Un affichage qui laisse penser à l’acheteur qu’il a flairé la belle affaire, étant face à un rabais de 25%.
Qui a remarqué que Zara se fout de la gueule de ses clients pour les soldes? En augmentant ses prix initiaux, puis en faisant passer le vrai prix de base pour un prix soldé.. normalou on est des cons pic.twitter.com/aRrHsDbepx — ROME (@elodie_romy) 10 janvier 2018
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L’enseigne Zara, que le site de La Parisienne a contacté, indique que "cette variation de prix est impossible" : "Nos prix initiaux présentent toujours une décimale à 95 centimes. Il s'agit certainement d'un montage", affirme l’enseigne, qui reconnaît qu’ "en boutique, c'est différent. Il peut y avoir de rares erreurs d'étiquetage entre les prix espagnols, mais l'erreur est humaine, pas calculée".
Quoi qu’il en soit, le tweet a fait sensation, relayé par près de 30.000 internautes. Outre le débat sur le bon goût ou non de cette combinaison rose à tête de chat, et l’ironique "mais surtout qui achète ça ?", le tweet de cette "acheteuse de collection", comme se présente Elodie, 24 ans sur son compte, a surtout lancé le mouvement. Car de nombreuses et nombreux autres internautes se sont mis à relever d’autres pratiques similaires, opérées par d’autres enseignes.
Boohoo toutes l’année ils font Des réduction de 40% mais arrivait au soldes leur prix est plus chère qu’avant ..😅 — Melina (@Meldcz_) 11 janvier 2018
Oui j’avais remarqué la veille des soldes. Dans le magasin ils avaient changé tous leurs produits mais bizarrement les prix avaient augmenté de +15€. Sachant que leurs soldes sont pas si généreux et qu’ils baissent pas énormément les prix. — Rockin' (@hxte__) 13 janvier 2018
Moi ! En plus la plus part de boutiques le font. Pour être sûr de faut faire un relevé de prix bien avant le début des soldes et vérifier pendant les soldes... Il faut avoir du temps — thedreamfor (@thedreamfor) 12 janvier 2018
Certaines internautes rappellent que la pratique ne date pas de cette année...
C’est pas nouveau , ça fait des années que tous les commerces font ça, que ce soit cosmétiques , vestimentaire ou même alimentaire. C’est malheureux mais c’est comme ça 😔 — Candys (@MorGan_Irys) 12 janvier 2018
Ça fais parti des innombrables arnaques commerciales comme faire des -30 % avant les soldes alors que les articles en question vont passer à -70% pendant les soldes — Le K (@Khaditchat) 13 janvier 2018
Alors le prix initiale est bien de 39,95€. 25,99€ est une « baisse de prix » qu’ils ont conservé en période de soldes. Chaque montant accompagné de 95 centimes est le prix de base dès que cela passe à 99 centimes c’est soit une baisse de prix ou un article soldé ;). Voila — Failla (@eiafl) 11 janvier 2018
Des internautes bien informées rappellent le règlement...
C’est interdit par la loi, le prix barré en solde doit être le prix le plus bas pratique durant les deux dernières semaines avant la période de solde. Zara peut donc être sanctionné — Marianne (@Mariannetrnt) 10 janvier 2018
Mais il s'avère que le règlement a quelque peu changé, comme l'indique cette autre internaute.
Le prix de référence du produit peut être librement choisi par le commerçant en fait. C’est dans les 30 derniers jours mais pas forcément le prix le plus bas auquel le produit aura été vendu. Alors qu’avant c’était le plus bas et si pas respecté : amende. https://t.co/QH6qZrJ0hw — Carnets d'Opalyne (@CarnetsdOpalyne) 11 janvier 2018
C’est un fait : même si les enseignes s’en dédient, la pratique est très répandue. Et même de plus en plus. La Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, vient de publier une étude sur le sujet menée en 2016, auprès de 6.000. établissements, qu'ils soient physiques ou de commerce en ligne. Et le rapport établit que les pratiques commerciales trompeuses sont loin de disparaître. Le taux d’établissements en anomalie est en nette augmentation par rapport à 2015 : il s’élève à 50% en 2016, contre 32% en 2015, et les principales anomalies relevées concernent les annonces de rabais. "Certaines pratiques persistent et sont régulièrement constatées", indique la DGCCRF. "Comme les annonces 'jusqu’à X %', alors que peu ou pas d’articles sont vendus avec cette réduction ; publicités concernant l’ampleur de la remise disproportionnées par rapport au nombre d’articles effectivement vendus avec un rabais ; modification des prix à la hausse la veille des soldes."
Cette hausse impressionnante du nombre d’établissements en délicatesse avec cette mesure, s’explique sans doute en partie par un nouveau contexte juridique qui a émergé en 2015 à la suite de deux décisions de la Cour de justice de l’union européenne (CJUE) qui ont remis en cause la règlementation française en matière d’annonces de réduction de prix : désormais, les règles qui définissaient le prix de référence, notamment comme étant le prix le plus bas pratiqué par le professionnel dans les 30 jours précédant l’opération promotionnelle, ne sont plus applicables. Toutefois, les annonces de réduction de prix "ne doivent pas être trompeuses", indique la DGCCRF, c'est-à-dire que le calcul du prix de référence doit ainsi toujours pouvoir être justifié.
Alors, est-ce plus facile de tromper le consommateur ? Pas forcément, estime cette avocate sur son blog. "Certes, la démonstration du caractère déloyal devra être faite au cas par cas, mais le risque n’en sera pas nécessairement moins important pour les annonceurs, d’autant que les sanctions ont été alourdies", analyse-t-elle. "En particulier, les publicités présentant faussement un prix comme ayant un caractère promotionnel pourraient être considérées comme trompeuses au sens de l’article L.121-1 du Code de la consommation."
Les soldes d'hiver s'achèvent le 20 février 2018.