REPORTAGE – Investi depuis un mois et demi par des intermittents du spectacle, l’Odéon est le premier théâtre qui a vu naître la contestation du monde de la culture, en grande précarité depuis la crise sanitaire. Une quarantaine de personnes se relaient pour occuper les lieux nuit et jour.
C’est l’heure du déjeuner ce mercredi 14 avril dans le foyer, la salle commune du théâtre de l’Odéon. Quelques tables sont investies et l’on s’affaire derrière le bar. Une scène pour le moins banale à la fin d’une répétition, si ce n’est que le théâtre de l’Europe, comme l’ensemble des salles de spectacle en France, est fermé depuis le 30 octobre pour cause d’épidémie. Mais voilà, des intermittents du spectacle ont pris possession des lieux à l’initiative de la CGT Spectacle et ne les ont pas quittés depuis le 4 mars dernier, bénéficiant officiellement du soutien de la direction du théâtre. Seulement, personne n’est dupe : si officiellement, la direction leur permet de rester, le soutien apporté est "ambigu", voire marqué d’une certaine défiance à l’égard des occupants. Une relation "en dents de scie", comme le résume Clément.
Les statues rhabillées pour le printemps
Ce comédien et musicien de 38 ans occupe les lieux depuis le premier jour. Hormis quelques sorties, il garde les murs et s’est investi pleinement dans l’occupation. Son café fumant à la main, il renseigne sur les créneaux de disponibilité de sa commission, parmi les quelques-unes mises sur pied pour assurer le quotidien à l'Odéon. L'une est chargée de se coordonner avec les autres lieux occupés en France, une deuxième du ravitaillement, en nourriture et matériel, une troisième mène le combat de la communication sur les réseaux sociaux, et une autre, enfin, se charge de créer les banderoles qui habillent les étages et la façade du théâtre, sur laquelle on peut lire "on ne joue plus, on lutte" ou "ce que le peuple obtient, il le prend". Ses membres ne manquent pas d'inventivité : des dessins et slogans peints sur des draps surplombent les escaliers en pierre, comme cette toile où figure un poing violet sur le toit du théâtre. Les statues sont toutes rhabillées pour le printemps, un gilet jaune pour l'une d'entre elles.
Des campements éphémères sont installés ici et là, dans les loges ou dans les galeries, et une seule douche fonctionne pour l’ensemble des locataires. Les serviettes de bain sèchent donc à l'air libre, dans un désordre tout de même organisé. En général, personne ne vient passer une seule nuit à l’Odéon. Sac de couchage sous le bras, les occupants y restent au moins deux nuits, voire une semaine. Dans cette contestation aussi pacifique qu'artistique, ces derniers se relaient en permanence pour respecter la jauge fixée à 45 personnes. "La direction nous impose un roulement à 9h et à 18h chaque jour. La règle veut qu’un entrant équivaut à un sortant. C’est compliqué à gérer parce que si deux personnes sortent du théâtre et une seule autre y entre, c’est une personne de perdue définitivement", explique Clément.
Des intermittents aux extras "touchés de plein fouet"
Peu importent les conditions de vie quelque peu spartiates, beaucoup sont là par devoir. Laurent, lui, travaille dans le dessin animé et a déjà passé 12 jours en cumulé à l’Odéon. Pas concerné par la réforme de l’assurance chômage, il est là "en soutien" et compte poursuivre les allers retours. Philippe, en revanche, est "touché de plein fouet". Ce maitre d’hôtel d’une cinquantaine d’années, extra dans la restauration événementielle, touche encore ses droits grâce à l'année blanche accordée par le gouvernement, mais attend le mois de mai avec appréhension, lorsque ses allocations auront été levées. Alors, quand la CGT lui a proposé de se joindre à la lutte, Philippe n'a pas hésité un instant. Cette fois, il a l'intention de rester toute une semaine.
Au-delà des intermittents du spectacle, le théâtre voit donc défiler des extras du secteur de la restauration, des étudiants ou encore des salariés de la Poste, passés la semaine dernière. Car les revendications actuelles dépassent le seul cadre de la culture sacrifiée. À force d'assemblées générales, les occupants se sont entendus sur plusieurs points et demandent l’adoption d’un plan de reprise pour accompagner la réouverture des lieux culturels, la prise en compte de leurs congés maladie ou maternité. Mais aussi le prolongement de leurs droits à l’indemnisation chômage, étendu jusqu’ici à août prochain, et le retrait de la réforme de l’assurance chômage qui aurait pour effet de priver 1,15 million de personnes en CDD dans l’événementiel d’une partie de leurs indemnités. Si la récente absence de Roselyne Bachelot, malade du Covid, du ministère de la Culture, n’a pas facilité les discussions, la CGT Spectacle assure être en relation avec son cabinet "quasiment tous les deux jours".
Mais que peut-il bien advenir de cette contestation, alors qu’aucune date de réouverture des lieux culturels n'a été annoncée et que le gouvernement ne donne toujours aucune réponse ferme aux revendications posées sur la table ? "Cette occupation est hyper importante, car elle permet de maintenir la pression. Mais le but n’est pas de rester ici longtemps", souligne Clément. "Le but, c’est de gagner et de quitter l’Odéon le plus vite possible." À ce jour, 99 théâtres et salles de spectacles sont occupés partout en France, selon le dernier décompte de la CGT Spectacle.
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Chaque jour, 24H Pujadas analyse l’actualité et le monde qui nous entoure. "Les Partis Pris" s’articule autour de plusieurs éditorialistes pour donner chacun dans leurs domaines de prédilections, leurs points de vue sur des sujets du moment.
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