Avec leur conciergerie de rue, ils veulent relancer la vie de quartier

par Sibylle LAURENT
Publié le 11 mars 2016 à 17h30
Avec leur conciergerie de rue, ils veulent relancer la vie de quartier

REPORTAGE - Lulu dans ma rue s’est lancé il y a un an à Paris. L’idée : installer une conciergerie de quartier pour redynamiser le coin, tout en rendant service aux habitants. Il y a avait déjà les conciergeries d'hôtels de luxe, d'entreprise, mais pas encore de conciergeries de rue. Et il parait que ça cartonne. Metronews est allé voir.

Un cerisier, une table et deux chaises. Et au milieu, un petit kiosque de style rétro-branché, rempli d’un joli bric-à-brac. A l'intérieur, Maïwenn, qui accueille. Tout sourire, même si ça caille, là dehors. "Et encore, maintenant on a le chauffage ! Avant on mettait la tenue complète, doudoune chaussette, on carburait au café et on accélérait les rotations", plaisante-t-elle. Des passants s’approchent, curieux, un peu sauvages. Avant de demander : "Mais qu’est-ce que c’est ?"

Ce kiosque, installé devant l’église Saint-Paul (4e) à Paris, ce n’est pas celui du marchand de journaux. C’est celui de Lulu dans ma rue , qui s’est posé là il y a 8 mois, avec une grosse ambition : devenir la conciergerie du quartier. La première du genre en France. "Il y a eu les concierges d’immeubles qui sont aujourd’hui en voie de disparition, les conciergeries d’entreprise, d’hôtels de luxe. Nous, on réinvente le concierge de quartier, disponible pour tout le monde", explique Emma, brune ultra-dynamique, une des chevilles ouvrières du projet. "Chaque habitant peut nous adresser ses demandes de couture, de gardiennage d’animaux, de course, de clés... Il n’y a pas de limite !" Le concierge enregistre la course, et appelle un des 60 "Lulus", disponibles pour rendre service. Et c'est parti.


Le kiosque attire 50% des commandes passées.
Le kiosque attire 50% des commandes passées. - SL/Metronews

Derrière tout ça, Charles-Edouard Vincent, polytechnicien, ancien salarié dans le privé, passé par Emmaüs et les chantiers de réinsertion solidaire. Il a lancé Lulu dans ma rue avec une petite équipe, et une volonté : réinventer le lien social, faire vivre un quartier. Mais Lulu dans ma rue est une association et a aussi une autre ambition : permettre à des étudiants, des chômeurs, des jeunes retraités ou des salariés de se faire un petit complément de revenu, et parfois remettre un pied dans une activité. "La ville d’autrefois était plus solidaire", estime Emma. "Quelles que soient ses compétences, que l'on fut rémouleur ou allumeur de réverbère, on avait une petite place dans la vie de son quartier. Nous cherchons à réinventer ces petits métiers d’autrefois."

Ce jeudi, devant le kiosque, le passant est rare. "La météo joue beaucoup", reconnaît Emma. "Mais chaque jour, c’est entre 80 et 90 personnes qui se présentent." En fait, il y a de tout : des touristes qui demandent où est le musée Picasso, une grand-mère habituée qui s’arrête pour dire bonjour, mais, parmi eux, une quinzaine de personnes qui s’arrêtent vraiment pour des services." L’essentiel des demandes consiste surtout en petit bricolage, services nécessitant des gros bras, ou aide informatique. Mais il y a aussi quelques fortiches pas à court d'imagination. "On a eu un étudiant en médecine qui, deux mois avant son internat, nous a demandé de photocopier une partie de ses livres de révision, une maman enceinte jusqu’au cou qui nous a demandé de venir monter le Lego de son fils, un expatrié au Cambodge qui voulait qu’on fasse livrer une bouteille à des amis pacsés, une petite dame qui se fait livrer toutes les semaines une douzaine d’huîtres et un sac de crevettes grises", énumère Emma. Aucune limite dans les défis, que l'équipe emporte haut la main. Et cela plaît. Après quasiment un an, le bilan est déjà "chouette" : "On a environ 2.500 clients, et 4.500 commandes. C’est monté en flèche et c’est hypersatisfaisant de voir que les gens reviennent."


Suivant le temps, la fréquentation varie. Mais environ 80 personnes s'arrêtent chaque jour au kiosque.
Suivant le temps, la fréquentation varie. Mais environ 80 personnes s'arrêtent chaque jour au kiosque. - SL/Metronews

Et du balai, l’image de la conciergerie de luxe, réservée aux privilégiés : ici, c’est pour tout le monde. Les tarifs (5 euros les 10 minutes) se veulent modestes, et le système "facile, pratique, utile, pas contraignant et sans engagement". Tout cela pour une clientèle diversifiée. "Contrairement à ce qu’on peut penser, c’est un quartier très mixte, un peu bourgeois, mais avec aussi beaucoup de logements sociaux. La clientèle est à cette image", détaille Emma. Viennent, aussi, beaucoup de personnes âgées, paumées sur Internet, et contentes de retrouver un service physique pour prendre en charge les petits tracas quotidiens. C’est d’ailleurs toute l’idée : si Lulu dans ma rue carbure, et que les commandes peuvent se faire par téléphone ou Internet, il n’y a aucune velléité de dématérialiser. "Ce kiosque a une valeur inestimable ", estime Emma. "C’est notre plus gros canal de commandes, 50 % des services demandés nous arrivent par là. L’idée est aussi de redynamiser la vie de quartier en s’y ancrant physiquement."

Bibliothèque participative

Alors, Lulu s’installe bien dans la rue : à côté des chaises où se poser, l’équipe a installé une bibliothèque participative, est en contact avec les associations du coin, et organise des apéros de quartiers tous les mois. Ils sortent les petits fours, les lampions et l’accordéon, et hop, arrivent à rameuter 300 personnes du quartier, comme mardi dernier. "C’est vraiment fou !", se réjouit Emma. "C’est l’idée la plus simple du monde, et force est de constater que le marché est important. On a reçu des demandes d’à peu près tous les quartiers de Paris, même de villes en province, nous demandant d’installer des Lulu !"

C'est d'ailleurs en projet : ce kiosque numéro 1, c’était une expérimentation. Un deuxième kiosque devrait ouvrir en juin, dans le centre de Paris. A plus long terme, l’idée est de balayer les quatre premiers arrondissements de Paris. Et au bout du bout, "on aimerait développer des communautés, dans le sud de Paris, l’Ouest, couvrir le territoire de manière plus dense." Et puis, encore après, "s’exporter", pourquoi pas, dans le reste de la France. "On veut d’abord bien prendre le temps d’installer les choses, de formaliser déjà ce qui arrive, avant de se déployer", explique Emma. "Mais on arrive !"

> Lulu dans ma rue : www.luludansmarue.org

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Sibylle LAURENT

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