À LA LOUPE – L'animatrice Karine Le Marchand indique que les animaux transportés dans les abattoirs développent des toxines avec le stress. Des toxines, explique-t-elle, qui pourraient ensuite se retrouver dans la viande. Ses explications sont-elles confirmées par les chercheurs ?
Alors que le Salon de l'Agriculture a ouvert ses portes à Paris, l'animatrice Karine Le Marchand a donné le coup d'envoi d'un débat national de trois mois sur les questions agricoles et l'usage des fonds européens pour le secteur. La présentatrice de "L'amour est dans la pré", porte-voix de cette opération, a profité de ce rôle pour mettre en avant l'impact des conditions d'abattage sur les animaux.
Sur le plateau de France 5, elle a ainsi expliqué que "les abattoirs, ça peut être catastrophique". Avant de préciser son propos : "Un animal qui va souffrir pendant 400 kilomètres pour aller dans un abattoir, stressé et tué en souffrant, va développer des toxines qui vont se retrouver aussi dans la viande".
"Un animal qui parcours 400 kilomètres pour aller dans un abattoir, et qui est tué en souffrant, développe des toxines qui se retrouvent dans la viande" @KarineLMOff #CPolitique pic.twitter.com/ryCLgaKrRN — C Politique (@CPolF5) February 23, 2020
Un impact incontestable
Sujet hautement sensible, l'abattage reste un sujet tabou et ne s'insère que rarement dans le débat public. Certains chercheurs s'y intéressent cependant, en particulier au sein de l'Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae, ex-Inra). Titulaire d'une thèse sur la physiologie et le comportement au stress des animaux de ferme, Claudia Terlouw est notamment une spécialiste des méthodes d'abattage et de leurs conséquences sur les animaux.
Dans une publication de 2015 cosignée avec d'autres spécialistes, elle indiquait que "l’implication du stress avant l’abattage sur les défauts majeurs de qualité des viandes est bien connue". Ce stress peut ainsi "expliquer une part importante des variations des qualités technologiques et sensorielles des viandes". En d'autres termes : l'impact sur la viande est réel, et s'observe à divers degrés chez l’ensemble des espèces consommées". Il faut tout de même noter que si le goût, la texture ou l'apparence peuvent varier, les viandes ne deviennent pas pour autant dangereuses pour la consommation.
Le processus qui marque la transformation d'un muscle (chez l'animal vivant) en viande (telle que vendue pour l'alimentation) est qualifié de "maturation". Celui-ci peut subir l'impact direct de conditions d'abattage éprouvantes, comme l'expliquait à Science et vie Claudia Terlouw : "Qu'il ait une origine physique [douleur, fatigue, faim...] ou émotionnelle [peur, séparation des congénères], le stress modifie le métabolisme énergétique du muscle, et donc la texture de la viande."
Les explications du magazine permettent de mieux saisir la manière dont le stress se manifeste. "Quand un animal meurt, la circulation sanguine s'arrête, mais ses cellules musculaires, elles, continuent de fonctionner", indique-t-il. "Privées d'oxygène et de nutriments, elles dégradent les réserves locales de glycogène, produisant au passage de l'acide lactique et des protons […] qui s'accumulent dans le muscle. C'est ainsi que la viande s'acidifie progressivement et que son pH se stabilise autour de 5,5 au bout de vingt-quatre heures. Or, stresser un animal durant les heures qui précèdent l'abattage revient à épuiser ses réserves de glycogène. D'où une acidification qui s'interrompt trop tôt et un pH ultime trop élevé (> 6,0). Résultat : la viande est sombre, ferme, sèche et se conserve moins bien."
Repenser entièrement l'abattage
Karine Le Marchand a donc raison lorsqu'elle explique que les conditions d'abattage exercent une influence directe sur les viandes que nous consommons. Néanmoins, il n'est pas nécessaire que les bêtes effectuent d'interminables trajets jusqu'à l'abattoir pour que cet impact néfaste se manifeste. En réalité, le stress lié à l'abattage n'est pas causé par la seule phase de mise à mort : les chercheurs indiquent en effet qu'il est généré dès "la mise à jeun", et se poursuit lors du transport vers l'abattoir.
"Du moment où l'animal sort de sa situation habituelle, de la situation qu'il connaît, avec ses congénères, qu'il sort de son rythme de vie habituel, il est inquiet car il ne sait pas ce qui l'attend. Ça peut être bien, mais aussi ne pas l'être et c'est ce cas de figure qui l'inquiète. Dès que l'on sort l'animal de sa vie habituelle, il est inquiet", expliquait à France Bleu Claudia Terlouw, l'experte de l'Inrae. De fait, l'existence même d'abattoir où transporter les bêtes rend compliquée la prévention du stress, d'où l'hypothèse soulevée par Karine Le Marchand et étudiée par les chercheurs, qui consiste à mettre en place des abattoirs itinérants se déplaçant chez les éleveurs. Des dispositifs déjà expérimentés à l'étranger.
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