PARADIS ARTIFICIELS - La consommation de MDMA est en "nette augmentation" chez les jeunes, note le dernier rapport de l'Observatoire français des drogues et des toxicomanies. Quels sont les effets et les dangers de cette substance ? Sous couvert d’anonymat, des consommateurs racontent leur expérience à LCI.
Les enceintes crachent une techno tapageuse. De part et d’autre de la discothèque, les pupilles des fêtards tournent comme des billes. Leurs mâchoires sont serrées, leurs lèvres asséchées. Un sourire éternel figé sur le visage, ils planent. La faute à une substance censée ouvrir les portes de leur perception.
Principe actif de l’ecstasy, la MDMA (méthylènedioxyméthamphétamine) est une molécule de la famille des amphétamines. Très populaire chez les amateurs de techno dans les années 90, cette drogue a fait un retour fracassant dans la vie nocturne hexagonale ces dernières années. 4,3 % des 18-64 ans l’avaient déjà expérimentée en 2014, d’après le dernier rapport de l’Observatoire français des drogues et des toxicomanies (OFDT), publié le 23 juin 2017. A noter aussi que 0,9% d'entre eux en ont consomé en 2014. Soit "une nette augmentation puisque, en 2010, ils étaient 0,3 % à déclarer cet usage", note l'OFDT.
La MDMA peut prendre la forme d’un petit comprimé à gober, vendu généralement 10 euros pièce, ou d’une fine poudre blanche (50 euros le gramme environ) diluée dans du liquide ou placée dans un bout de papier pour être avalée (technique dite du "parachute"). Sollicités par LCI, ces usagers ont accepté de décrire ses effets.
"On a envie de toucher les autres autour de soi et de les embrasser"
On la surnomme souvent "la drogue de l’amour". Et pour cause : la MDMA peut aisément transformer l’usager en bisounours. Au risque de perdre le contrôle de ses émotions. Confirmation avec Mathilde*, 24 ans : "Je me souviens avoir été beaucoup plus sensible aux contacts de peau à peau les soirs où j’en ai pris. On a envie de toucher les autres autour de soi et de les embrasser. La première fois que j’en ai pris, il me semble même avoir embrassé quatre ou cinq hommes différents en une seule soirée", se souvient cette chargée de communication, consommatrice occasionnelle.
Travailleur de nuit à La Poste, Kévin*, 34 ans, prend régulièrement de la "MD" avec ses amis, toujours dans un cadre festif. Pour lui, c’est surtout l’aspect communautaire qui prime dans ses expériences de "défonce". "Ce qui me plaît, c’est d’être avec tous mes amis sur la même longueur d’onde", explique celui qui dit ressentir "une boule de joie monter, monter" en lui "avant d’exploser" lorsque l’effet de la drogue est à son apogée.
A l’inverse, d’autres se montrent beaucoup moins démonstratifs. "J'ai toujours eu une sorte de self-control sous MD, confie Hélène*, une architecte d’intérieur âgée de 26 ans. Je ne suis jamais partie en sucette à faire des extravagances, ni des déclarations d'amour. Pour moi, c'est hyper introspectif ". Mêmes sensations chez Aurélie*, étudiante en commerce international âgée de 22 ans : "Je prenais souvent de la ‘md’ avant d'aller à un concert d’électro. Une fois dans le trip, j’avais une sensation d’isolement, comme si j’étais dans une bulle coupée du monde".
Un moyen de booster sa libido ?
A en croire plusieurs des consommateurs interrogés, MDMA et relations sexuelles feraient bon ménage. "La libido explose et le plaisir est décuplé", assure ainsi Nadia*, une consommatrice régulière âgée de 40 ans. Quand elle en prend avec son partenaire, "ce n’est pas tant l’envie de faire l’amour" qui la stimule, mais plutôt celle "d’être en harmonie avec lui".
Mais les consommateurs peuvent aussi avoir de mauvaises surprises lorsqu’ils sont sous "MD". Les hommes en particulier. "Si le désir et l’excitation s’accentuent pendant le trip, c’est quitte ou double au moment de passer à l’acte, confie Benoît*, 28 ans. Je peux avoir de très bonnes sensations et tenir très longtemps. Mais il peut aussi m’arriver d’avoir des troubles de l’érection ainsi que des difficultés à éjaculer."
De fait, "la MDMA diminuerait de façon importante la capacité érectile de l’homme", assure l’OFDT. Un article publié en 2006 dans la revue Drogues, santé et société évoque quant à lui "une diminution de leur capacité à atteindre l’orgasme, et ce, plus fréquemment chez les hommes que chez les femmes".
Quid de la redescente ?
Anxiété, angoisses, crises de panique… lorsque les effets de la drogue s'estompent (après deux à cinq heures, selon la dose consommée), vient le temps de la redescente. Un état dépressif parfois très mal vécu par le consommateur. Mathilde : "Le lendemain de ma première fois (qui était l’expérience la plus forte), j’avais envie de vomir, l’estomac noué, des tremblements corporels et aucun appétit. Mon humeur passait de l’exaltation à une fatigue intense puis en fin de journée une pointe d’angoisse irrationnelle".
Nadia craint aussi beaucoup cette phase de dépression. Elle explique : "J’ai passé un moment si fabuleux que retourner à la normalité me rend souvent très triste, surtout le lendemain. Fumer un joint d’herbe et ne pas rester seul me permet de mieux supporter la redescente".
Outre cette phase de dépression, des complications bien plus graves peuvent survenir. A savoir notamment : hyperthermie maligne (très forte hausse de température pouvant provoquer la mort), hépatite aigüe, arrêt cardiaque, indique le site Drogues-info-service. Autre point préoccupant : "L'usage régulier d'ecstasy peut provoquer, à l'arrêt de la consommation, un état d'épuisement et de dépression accompagné d'anxiété qui peut durer de quelques jours à quelques semaines", souligne le site . De quoi "représenter un véritable obstacle vers l'arrêt".
Certains usagers ont d’ailleurs du mal à profiter d’un évènement festif sans être sous "MD". Illustration avec Nadia : "Dernièrement, je suis allée voir le concert d’Herbie Hancock à Paris mais je n’avais pu prendre de MDMA avant. Sincèrement, j’étais frustrée et saoulée alors que j’adore cet artiste. Si j’avais été défoncée, j’aurais eu forcément une meilleure perception de la musique".
Selon l'OFDT, il y a eu 241 décès par surdose de drogue parmi les 15-49 ans en 2014. Et la MDMA est impliquée dans 4% des cas.
(*) Le prénom a été modifié
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