Campagnes de dépistage massif : est-ce le bon timing ?

Publié le 14 décembre 2020 à 18h55

Source : TF1 Info

ECLAIRAGE - Réclamé depuis longtemps par les épidémiologistes pour tenter de rendre la stratégie de tests plus efficace, le dépistage massif fais ses premiers pas en France. N'est-ce pas trop tard toutefois ?

Mieux vaut-il tard que jamais ? Un mois et demi après la Slovaquie et la ville de Liverpool, la France se lance à son tour pour la première fois dans un dépistage à grande échelle du Covid-19 ciblé sur quelques agglomérations. Le Havre et Charleville-Mézières ont ouvert le bal ce lundi à la veille de la mise en place du couvre-feu, tandis que deux autres territoires doivent embrayer en janvier, à savoir Roubaix et Saint-Etienne. 

Si ces campagnes ont de quoi réjouir les épidémiologistes qui réclament depuis longtemps cette "pêche au gros" pour rendre la stratégie de tests plus efficace, elle pose quand même la question du timing. D'aucuns, comme Philippe Amouyel, recommandaient en effet jusqu'alors "de le faire tant que les gens sont encore confinés" juste avant les retrouvailles en famille qui se profilent. 

Or, pour rappel, si la journée de mardi marque la fin du deuxième confinement en vigueur depuis le 30 octobre, un premier allégement est déjà intervenu le 28 novembre avec la réouverture des petits commerces. Selon les chiffres de Santé publique France rendus publics dimanche soir, 11.533 cas de Covid-19 ont d'ailleurs été enregistrés dans les dernières 24 heures, bien au-dessus de l'objectif gouvernemental de 5.000 cas par jour, sans qu'il soit possible pour l'heure d'établir un lien de cause à effet. 

"C'est pas le dépistage que j'avais prôné"

"C'est pas le dépistage que j'avais prôné", concède Philippe Amouyel partisan d'un dépistage national, qui estime qu'"idéalement, vu ces chiffres qui dépassent le double de ce qui était espéré, il n'aurait pas fallu qu'on sorte du confinement" tout en reconnaissant des côtés positifs aux initiatives de ce lundi. Ce qui est organisé au Havre et Charleville-Mézières, "c'est un test pour avoir des bases logistiques", explique-t-il, "donc tant qu'à le faire, il vaut mieux le faire avant les fêtes en effet parce qu'on sait que pendant cette période le virus va circuler". Et d'ajouter : "quand il y a trop de variables, c'est difficile d'attribuer l'imputabilité d'un point de vue scientifique". 

S'agissant de la date retenue pour amorcer cette campagne de dépistage ciblé, à savoir, dix jours avant le réveillon de Noël, il estime que la décision du Havre et de Charleville "est pas mal". Pour rappel, avec ses collègues épidémiologistes Luc Dauchet et Catherine Hill, mais aussi le généticien Philippe Froguel et le philosophe Emmanuel Hirsch, ce spécialiste en santé publique misait initialement sur un délai de six jours avant le Jour J qui coïncide avec le délai médian d'incubation. 

"L'impact collectif, on aura du mal à le voir"

En outre, nuance-t-il, cette initiative "n'a de sens que si on a des taux de participation élevés et ça on ne peut pas le préjuger". 

Et d'insister : "meilleure sera la participation, meilleures seront les interprétations sur la circulation du virus, sur les asymptomatiques voire sur les lieux de contamination". Philippe Amouyel prévient toutefois qu'il ne faut pas s'attendre à ce que ces dépistages massifs mais isolés permettent de faire baisser la circulation du virus. "Il y aura un impact individuel, mais l'impact collectif on aura du mal à le voir", présage-t-il, tout en se réjouissant néanmoins que l'échelle de l'agglomération ait été retenue, notamment dans le cas de Charleville-Mézières où la situation épidémique est qui plus est "tendue".

Pour finir, il appelle à ne pas perdre de vue le fait que le dépistage fait partie d'un "package avec le contact tracing et l'isolement", et qu'il faut donc, "dès qu'on a ses résultats, prendre les mesures qui s'imposent, à savoir s'isoler si l'on est positif voire s'autoconfiner idéalement avant les fêtes".

L'intérêt du dépistage massif est triple, rappelle-t-il. En premier lieu, il s'agit d'"essayer de réduire au maximum le nombre de personnes asymptomatiques qui circulent avant Noël".  En second lieu, ce dernier voit dans ce dispositif "la possibilité de faire des tests de façon répétée pour arrêter mécaniquement la diffusion du virus". Enfin, l'objectif "est d'être capable de mesurer une incidence réelle à travers un dépistage aléatoire qui permettrait notamment d'avoir une idée réelle du coefficient de réplication."

"Un outil supplémentaire"

"C'est un outil supplémentaire dans la lutte contre la diffusion su virus", a pour sa part déclaré le ministre de la santé Olivier Véran depuis Le Havre ce lundi. "ll sera temps, une fois cette opération terminée de regarder si tout cela correspond  à la fois à un besoin, à la fois à une attente", a-t-il ajouté, précisant que "ce n'est pas la première fois que nous faisons du dépistage massif en population y compris asymptomatique" en référence à l'expérience menée au début de l'été en Mayenne. "Il y avait un redémarrage, ce qui nous a permis d'intervenir sur place et d'identifier les chaines de contamination et d'arrêter une deuxième vague qui aurait pu démarrer beaucoup plus tôt" sinon, a-t-il en outre rappelé. 


Audrey LE GUELLEC

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