LÉGALISATION - Prix du gramme, circuit de distribution, retombées économiques... Le Conseil d'analyse économique (CEA), placé sous l'autorité de Matignon, préconise dans un rapport remis ce jeudi la légalisation encadrée de la vente de la plante au lieu de poursuivre sur la voie sans issue de la prohibition.
La légalisation du cannabis, un moyen de "reprendre le contrôle" face à "l'échec" de la répression ? C'est la thèse défendue par des économistes chargés de conseiller le Premier ministre Edouard Philippe, dans un rapport explosif publié ce jeudi 20 juin qui étrille 50 ans de politiques gouvernementales. Cette note émane du Conseil d'analyse économique (CAE), un groupement d'économistes rattaché à Matignon et dirigé par Philippe Martin, réputé proche d'Emmanuel Macron. Elle appelle à créer un "monopole public de production et de distribution du cannabis", avec producteurs agréés et boutiques spécialisées. Une légalisation qui permettrait "à la fois de lutter contre le crime organisé, de restreindre l'accès aux produits pour les plus jeunes et de développer un secteur économique, créateur d'emplois et de recettes fiscales", selon le document.
Purement consultative, l'analyse témoigne de débats nouveaux dans les allées du pouvoir. Alors que le président de la République Emmanuel Macron a écarté la dépénalisation et instauré une amende de 200 euros pour les petits consommateurs, ce cercle d'économistes recommande à la France une légalisation totale comme au Canada, dans certains États américains ou bien en Uruguay. Cette "légalisation contrôlée" est également défendue dans une récente proposition de loi transpartisane, notamment soutenue par cinq députés "marcheurs". "Le système de prohibition promu par la France depuis 50 ans est un échec", estiment les auteurs de la note, Emmanuelle Auriol et Pierre-Yves Geoffard.

Malgré une législation parmi les plus répressives du Vieux continent, la France demeure la championne d'Europe de la consommation de cannabis, avec un usage "préoccupant" chez les mineurs. "La prohibition a favorisé l'expérimentation du cannabis du fait de sa très grande disponibilité, et cela en dépit d'investissements massifs dans la répression", ajoutent-ils, en dénonçant la "politique du chiffre". Depuis 1970, le nombre d'interpellations pour usage simple "a été multiplié par 50". Sur un an, l'État dépense "568 millions d'euros" dans la lutte contre le cannabis, dont 70% consacrés aux actions des forces de l'ordre et 20% aux services judiciaires et pénitentiaires. Seuls 10% financent la prévention, les soins et la recherche.
Encadrer la vente et réinvestir les profits
Selon la littérature scientifique, une "consommation modérée" de cannabis n'a "pas d'effets nocifs sérieux avérés" sur la santé des adultes, rappelle le document remis au Premier ministre. Cette drogue augmente en revanche le risque de schizophrénie "des plus jeunes". Le CAE recommande donc une légalisation accompagnée d'une interdiction de vente aux mineurs. Pour se faire, les économistes souhaitent une "gestion étatique centralisée" comme en Uruguay ou au Québec. Concrètement, l'État délivrerait des licences à des "producteurs et distributeurs agréés", comme pour le tabac. Mais contrairement à la cigarette, le cannabis serait vendu dans des boutiques spécialisées, interdites aux mineurs et plus faciles à surveiller.
Ce système serait chapeauté par une "autorité administrative indépendante" chargée de réguler le marché et de créer les conditions pour assécher le marché noir en assurant une production suffisante, de bonne qualité, à un prix suffisamment bas. La note recommande un prix final de 9 euros pour un gramme d'herbe, contre environ 11 euros actuellement dans la rue.
Le Conseil d'analyse économique a aussi estimé les retombées économiques d'une telle légalisation. Sur l'hypothèse d'une consommation annuelle de cannabis de 500 à 700 tonnes par an, les économistes estiment qu'une légalisation pourrait créer entre 27.500 et 80.000 emplois. Avec à la clé, des recettes fiscales de 2 à 2,8 milliards d'euros. Une manne qu'ils recommandent de réinvestir dans la prévention, les quartiers populaires et la lutte contre le trafic. "Bien qu'on les oppose généralement, légalisation et répression sont des politiques publiques complémentaires", remarque le document.
Le gouvernement reste opposé à la légalisation
Cette note rédigée en "mobilisant les résultats les plus récents de la recherche académique" (...) "vise surtout à ouvrir le débat", explique à l'AFP son coauteur Pierre-Yves Geoffard. "En articulant prévention, répression, promotion et contrôle de la filière, on peut faire mieux à la fois en termes de santé publique, de protection des mineurs et d'intérêts économiques."
Pour Matignon il n'y a pourtant pas lieu à débat, alors qu'Édouard Philippe vient d'annoncer que la lutte anti-stupéfiants serait une "priorité". "Le gouvernement reste clairement opposé à la légalisation du cannabis", a répondu son cabinet à l'AFP. Interrogée sur LCI sur cette question, qui revient dans le débat à la faveur d'une proposition de loi déposée ce jeudi par le député François-Michel Lambert, la ministre des Transports Elisabeth Borne a confirmé la position de l'exécutif.
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