ANALYSE - Depuis ce lundi 22 mai, les annonceurs n'en finissent plus de déserter l'émission de Cyril Hanouna, suite à son canular homophobe le jeudi précédent. Pour Marie-Eve Laporte, maîtresse de conférences à l'IAE de Paris (Sorbonne Business School), Channel, Bosch ou encore Groupama n'avaient "pas le choix". En jeu : une réputation en danger à l'heure des réseaux sociaux.
L’hémorragie a débuté ce lundi. En fin de journée, les marques Bosch et Chanel sont les premières à annoncer leur retrait des espaces publicitaires de l’émission de Cyril Hanouna "Touche pas à mon poste", conspuée pour un canular homophobe diffusé en direct le jeudi 18 mai. La brèche est ouverte, et bientôt, ce sont des dizaines de grandes marques qui s’y engouffrent. A l’heure actuelle, pas moins de 30 annonceurs ont d’ores et déjà lâché le créneau horaire tenu par le roi du Paf.
Mais pouvaient-ils seulement faire autrement ? Alors que les réseaux sociaux se sont enflammés à la suite de la diffusion de l’émission, exhortant à signaler massivement la séquence au CSA et interpellant les partenaires, les marques engagées aux côtés de la chaîne C8 pouvaient-elles ignorer les revendications nombreuses de téléspectateurs, potentiels consommateurs ?
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Sur Twitter, le risque réputationnel est devenu réel
Marie-Eve Laporte
Nous avons posé la question à Marie-Eve Laporte, maîtresse de conférences à l’IAE de Paris (Sorbonne Business School). Selon elle, toutes ces marques "n’ont pas eu d'autre choix" que de se retirer des grilles. "Si elles ne font rien, elles prennent le risque d'être mises à l'écart. Il faut comprendre que la communication a beaucoup évolué. Ce n’est plus du haut vers le bas, mais du consommateur vers la marque, nous explique-t-elle. Elles se mettent en danger si elles ne réagissent pas aux injonctions qui sont faites sur les réseaux sociaux. D’autant plus que les valeurs qu’elles affichent sont irréconciliables avec le contenu de cette polémique."
Est-ce donc l’homophobie véhiculée dans ces sketchs ou plutôt le parfum du scandale qui incite les marques à prendre leurs distances ? Pour la chercheuse, si la colère n’avait pas fleuri sur les réseaux sociaux – et plus particulièrement Twitter – la chaîne aurait conservé ses annonceurs, comme si de rien n’était : "Les téléspectateurs n’auraient pas forcément associé telle ou telle marque à l’émission, simplement en regardant la télévision. Via Twitter, le risque réputationnel est devenu réel." Une mécanique qui illustre parfaitement, selon elle, l’évolution des métiers du marketing et de la gestion de l'image des marques.
Même procédé aux Etats-Unis
Elle poursuit ainsi : "Avant, la pub, c’était, éloigné. A présent, c’est devenu une conversation, et c’est une bonne chose, puisque ça conduit à une prise de pouvoir du consommateur." Et cette transformation touche même les façons de recruter au sein de ces entreprises : "Chaque interaction, auparavant, devait être validée avec le directeur général, explique encore Marie-Eve Laporte. Maintenant, il y a une nécessité d’agir dans l’urgence. Résultat, les valeurs de l’entreprise doivent être portées par tous, même par les Community managers en relation avec les consommateurs sur les réseaux sociaux."
Aux Etats-Unis, il existe déjà un précédent à ce type de mobilisation. Suite à des révélations à propos de Bill O'Reilly, star de la chaîne Fox News accusée de harcèlement sexuel, plusieurs grands annonceurs ont décidé de ne plus investir dans des espaces publicitaires... contraignant l'animateur à la démission.