Face à l’arrêt des exportations alimentaires en provenance de Russie et d'Ukraine, peut-on produire plus, comme le souhaite le ministre de l’Agriculture Julien Denormandie ?
"Nous, Européens, nous avons une responsabilité en ce moment, c'est d’éviter une crise alimentaire mondiale dans les 12 à 18 mois face à l’arrêt de la production de blé, de mais aussi de tournesol, il n’y a pas d’autres solutions : il faut produire plus", prévenait le ministre de l'Agriculture, Julien Denormandie sur Cnews le 8 mars.
Mais est-ce seulement possible ? Et à surtout à quelles conditions ?
Pour l’année 2022, c’est "évidemment trop tard". Pour la production de blé, mais aussi de pois," les agriculteurs ont déjà semé, selon Henri Bies-Péré, céréalier dans les Pyrénées-Atlantiques et membre de la FNSEA, mais s’agissant du maïs, du soja ou du tournesol, c’est encore possible puisque les semis sont en avril et mai".
Mais comment produire davantage ? Seule option aux yeux des céréaliers que nous avons interrogés : exploiter les terres en jachères. Sur 13 millions de terres arables (pouvant être labourées ou cultivées), la France en compte 350 000 hectares, nous répond le cabinet du ministre de l’Agriculture soit 2,6%. Mais faut-il aller plus loin encore, se demande Henri Bies-Péré. "Il reste bien entendu 13 millions d’hectares de prairies, mais qui n’ont pas vocation à être labourées... sauf circonstances exceptionnelles."
Où produire ?
Donc une seule option parait possible pour l’instant : "dé-jachériser", selon le jargon en cours. Mais la France ne peut pas décider du jour au lendemain de rendre ces terres cultivables. "C’est à l’échelle européenne que ce sujet doit être tranché" selon l’entourage de J. Denormandie : le ministre de l’Agriculture doit d'ailleurs discuter de cette question avec ses homologues européens d'ici à la fin de la semaine puis le Conseil européen des chefs d’État le 21 mars décidera des moyens à mettre en œuvre pour y parvenir.
D’autant qu’une mesure doit entrer en vigueur dans quelques mois : l’Europe impose que les agriculteurs mettent désormais 4% de leur surface agricole en jachère… Aux yeux des organisations agricoles, ce dispositif n’a évidemment plus "aucun sens dans le contexte actuel et doit être remis en cause, en tout cas reporté à des jours meilleurs".
Mais que représentent vraiment ces 350 000 hectares de jachère en termes de capacité de production ? Est-ce de nature à compenser l’arrêt des exportations russes et ukrainiennes ? "Il ne faut évidemment pas réfléchir dans les limites de la France, mais prendre en compte l’ensemble des États européens dans cette équation", nous explique-t-on rue de Varenne. Pour se faire une idée de la surface nécessaire, Patrick Langlois, céréalier dans le Loiret, nous explique qu’"un hectare de blé, c’est 25 000 à 30 000 baguettes de pain".
Mais que produire ?
Dans les faits, nous sommes autosuffisants en blé, mais nous importons 20 millions de tonnes de maïs pour nourrir le bétail, et 600 000 tonnes de tournesol. Donc s’agit-il de produire pour nos besoins, ou plus largement pour faire face aux pénuries qui s’annoncent et qui vont frapper notamment les pays d’Afrique Nord très dépendants des exportations ? Le blé étant, avec le riz, la céréale la plus consommée dans le monde.
La question est loin d'être anodine, nous explique Patrick Langlois, céréalier dans le Loiret, "Il faut privilégier des terres bien irriguées et ensoleillées, car c’est une plante qui demande beaucoup d’eau et beaucoup de soleil. Faudra-t-il alors, se demande Patrick Langlois, remettre en cause les quotas d’irrigation fixés pour exploiter cette céréale" ?
Selon le cabinet de Denormandie, là encore, "il ne faut pas raisonner à l’échelle hexagonale, mais bien au niveau européen. C’est le seul niveau où l’on peut traiter ces questions, car de nombreux autres problèmes se posent, les prix de ces produits, mais aussi les conséquences, puisque qui dit augmentation du prix des céréales, dit aussi augmentation des prix de la viande".
L'UKraine et la Russie... sont aussi un marché
Produire plus d’un côté, mais aussi surveiller les surproductions de l’autre côté : la fermeture de l’Ukraine et de la Russie a, en effet, une autre conséquence : ces pays consommaient et importaient de larges volumes de porcs et de volailles. Or certains États européens "comme l’Allemagne, mais aussi les Pays-Bas gros producteurs de ces viandes, se retrouvent avec des stocks considérables d’invendus" ce qui pourrait entrainer une baisse significative des prix de ces produits.
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