Ces enseignants racontent ces fois où, dans leur classe, la laïcité a été ébranlée

Publié le 21 octobre 2020 à 13h04, mis à jour le 21 octobre 2020 à 18h27

Source : JT 13h Semaine

RELIGIONS - Après la mort de Samuel Paty, bon nombre d'enseignants disent être ou avoir été confrontés à des atteintes à la laïcité dans leurs classes. Entre septembre 2019 et mars 2020, 935 cas ont fait l'objet d'un signalement à l'Education nationale. Le témoignage de trois professeurs.

Port de signes ou de tenues à connotation religieuse, contestations d'enseignement ou encore évitement du cours de natation : 935 atteintes à la laïcité ont été recensées entre septembre 2019 et mars 2020, contre 900 cas répertoriés sur un trimestre (entre avril et juin 2019). Mais après une année scolaire marquée par près de trois mois de confinement, difficile de comparer les deux périodes. " J’ai le sentiment qu’on est plutôt dans une forme de stagnation, qu’on a endigué quelque chose", avait pour sa part affirmé Jean-Michel Blanquer lors de la rentrée. 

Toutefois du côté des enseignants, le sentiment n'est pas tout à fait le même. Certains d'entre eux ont accepté de témoigner des difficultés qu'ils rencontrent dans leurs classes sur la question religieuse, mais la mort de Samuel Paty les incite à la prudence. "Je me dis que cela peut arriver à n'importe lequel d'entre nous. Il suffit que ce que l'on fait soit mal interprété, et le drame arrive. Vu ce qui s'est passé, je préfère vraiment faire attention", raconte ainsi, sous couvert d'anonymat, une enseignante qui s'occupe d'enfants de CM1. 

Et malgré le jeune âge de ses élèves, la question religieuse s'est déjà invitée dans sa classe, à l'occasion d'un cours sur les animaux de la ferme. "A un moment donné, j'ai demandé à un enfant de me donner  le nom du mâle de la truie, et il a refusé de prononcer le nom parce qu'il disait que c'était interdit. J'ai dû renoncer parce qu'il n'allait pas dire le nom", poursuit-elle.

Remises en cause du programme scolaire

Cet exemple est loin d'être un cas isolé. Bon nombre de professeurs décrivent des remises en cause de pans entiers du programme scolaire. "Lors de sorties, on a quelquefois des élèves qui refusent de rentrer dans les églises. On a aussi souvent des  problèmes lors du ramadan. Les parents nous demandent des aménagements parfois. Une fois on nous a même demandé une salle spéciale de repos pour ces élèves. A l'époque, la direction avait refusé", indique de son côté Angélique Adamik, professeure de français à Evry (Essonne).

Des comportements souvent dictés par les adultes, car même si la grande majorité des atteintes à la laïcité sont commises par des élèves (57% cette année contre 61% l'an dernier), le ministère note une augmentation des faits de la part de parents (19% cette année contre 22% l'an dernier). Angélique Adamik en a fait les frais récemment lors d'une étude des textes fondateurs, et notamment de la Bible.

"Un petit élève de sixième s'est mis à me dire qu'il était hors de question qu'il écoute mon cours parce que son père lui avait dit que dans cette séquence sur la Bible tout était faux", raconte-t-elle. 

Face à ces cas qui se multiplient, bon nombre d'enseignants dénoncent un manque de soutien de leur hiérarchie. Au point de devoir faire des concessions pour éviter les conflits. "Il y a eu une montée continue de la peur dans les années 2000 et les années 2010, et à la suite de ce qui vient de se passer, une forme d'autocensure risque de s'introduire auprès des enseignants", prévient Eric Anceau, professeur d'histoire à la Sorbonne. 


Virginie FAUROUX

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