Changer de nom de famille : pourquoi est-ce si compliqué ?

Publié le 4 novembre 2021 à 18h29, mis à jour le 4 novembre 2021 à 18h38

Source : JT 20h Semaine

IDENTITÉ - En 2020 en France, 4293 personnes ont demandé l'autorisation de changer de patronyme. Pour autant, cette procédure est loin d'être facile et peut s'étendre pour certains motifs sur plusieurs années.

Son nom officiel, il ne le prononcera pas. Ce n’est pas le sien, mais celui de ce père violent qui ne l’a pas élevé. "Depuis que j’ai deux ans, tout le monde me connait sous le nom de ma mère, Mancini", assure André Mancini. Alors, pour faire de son nom d’usage son nom officiel, il s’est lancé dans un long parcours. 

Pour cela, il a dû envoyer un épais dossier composé de ses contrats de travail, de certificats médicaux et d’une enquête sociale au ministère de la Justice en 2017. Pour autant, son dossier a été refusé. Le motif affectif n’a pas suffi à caractériser l’intérêt légitime d’un changement de nom.

En France, c’est extrêmement compliqué
François-Xavier Emmanuelli, avocat

"Limite j’aurais préféré avoir un nom à consonance ridicule ou m’appeler comme un tyran de l’Histoire, ça aurait été beaucoup plus facile", estime-t-il. André Mancini a pourtant suivi le parcours classique. Sa demande a d’abord été publiée au Journal Officiel et dans un journal d'annonce légale pour qu'un tiers puisse s'y opposer. Le dossier a été ensuite envoyé au ministère de la Justice. Si le motif est jugé légitime, la demande est acceptée. À défaut, un recours est possible devant le tribunal administratif.

Des dossiers comme celui-ci atterrissent chaque semaine sur le bureau de François-Xavier Emmanuelli. Cet avocat connait parfaitement les réticences du ministère. "Il y a d’autres pays où ce n’est pas du tout le cas. En Angleterre, vous pouvez changer très facilement. Vous déclarez devant témoin, vous enregistrez, ça y est, vous avez changé de nom. En France, c’est extrêmement compliqué", reconnaît l’avocat. 

Le Code civil autorise malgré tout le changement s'il existe un motif légitime. C’est le cas si le nom est qualifié de ridicule ou péjoratif, si c’est un nom à consonance étrangère que l'on souhaite franchiser, si l'on veut sauver un nom menacer d'extinction ou encore si l'on veut officialiser un nom d'usage. Cette liste n'est pas exhaustive et certains motifs sont plus simples à démontrer que d'autres.

Sept à huit ans de procédure

"La francisation par exemple ou un nom à consonance ridicule, et encore pas tout le temps, il faut que ce soit vraiment évident, oui, vous aurez gain de cause. Un motif affectif, un nom en déshérence, un usage, va nous demandez d’apporter énormément d’éléments pour qu’on vous accorde un changement de nom", souligne André Mancini. C'est rapide si l’on s’appelle M. Connard ou M. Cochon, mais la procédure peut durer jusqu’à sept, voire huit ans, pour un motif affectif. 

Plus simple à obtenir, car jugé plus accessoire, le changement de prénom se fait, lui, auprès d’un agent d’État civil. Le sociologue Baptiste Coulon met cependant en garde ceux qui seraient tentés par un tel choix. Changer de prénom n’est pas anodin. 

"Changer de prénom officiellement, ce n'est que la première étape d’un long parcours puisque vous devez changer vos diplômes, prévenir la caisse de retraite, prévenir toutes les institutions qui vous connaissent avec ce prénom, et donc c’est le début d’une aventure", avertit-il en plaisantant.

Face à la difficulté de la procédure, Gladys Gros-Désir a renoncé à un changement de nom. L’assumer n’a pourtant pas été évident dans sa jeunesse et encore aujourd’hui, dans sa vie professionnelle, elle est parfois confrontée à des réactions étonnantes de la part de ses collègues. 

"On ricane, parfois il y a certains collaborateurs qui ne me prennent pas au sérieux à cause de mon nom de famille, ils l’associent facilement à quelque chose de pornographique", confie la jeune femme. Pour autant, elle ne souhaite pas faire disparaître ce nom qu’elle considère comme le sien. À 28 ans, elle assure être suffisamment armée pour faire face aux réactions puériles.


La rédaction de TF1info

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