Après trois ans d'isolement drastique, Pékin a finalement levé sa stratégie zéro Covid.Alors que les contaminations flambent dans le pays, le protocole est allégé pour les voyageurs internationaux.Si la situation nationale suscite des craintes, le risque de rebond épidémique en Europe reste faible selon les spécialistes.
Un arsenal de mesures draconiennes, maintenu des années durant, et levé brutalement : après trois ans de politique sanitaire parmi les plus strictes du monde, la Chine a mis fin le 7 décembre à sa politique zéro Covid. En cause, une vague de contaminations qui a fini par submerger ce protocole draconien. Dimanche, Pékin a retiré la quarantaine obligatoire à l'arrivée sur son sol, dernier vestige de sa stratégie sanitaire. Mais dans le même temps, près de 90% des habitants du Henan, l'une des provinces les plus peuplées du pays, ont été contaminés par le virus, ont annoncé lundi les autorités régionales.
La Chine fait en effet face à une flambée sans précédente de cas, ce qui a mené de nombreux pays, dont la France, à mettre en place des tests obligatoires pour les voyageurs en provenance du pays. Mais sans pour autant créer d'inquiétudes à l'échelle internationale. "Nous sommes davantage confrontés à un problème de veille sanitaire, qu'à un problème sanitaire à proprement parler", résume auprès de TF1info le Professeur Antoine Flahault, directeur de l'Institut de santé globale de l'Université de Genève.
Tester pour surveiller les contaminations et les possibles variants
"Limiter l'introduction du virus sur un territoire par le dépistage est illusoire, mais ce n'est pas du tout l’objectif visé", explique-t-il. Dans la plupart des pays, notamment en France, des tests négatifs de moins de 48 heures sont imposés, un dispositif loin d'offrir une protection hermétique. Mais ces tests sont plutôt destinés à se renseigner au maximum sur le niveau de circulation du virus en Chine, faute d'informations fiables venues de Pékin, qui affirme que seuls 30 décès dus au Covid ont été enregistrés depuis la levée des restrictions sanitaires. Des chiffres mis en doute par l'Organisation mondiale de la santé (OMS) elle-même.
Réaliser des séquençages sur les tests positifs repérés permet aussi de contrôler l'émergence éventuelle d'un nouveau variant en Chine. "Si un variant avec des caractéristiques très différentes à celles que l'on connaît sur notre territoire venait à émerger dans le pays, il faut être préparé", souligne Yannick Simonin, virologue spécialiste des maladies émergentes et enseignant-chercheur à l'Inserm et l'Université de Montpellier.
Si un variant s’impose en Chine, pas sûr qu'il le fasse également sur notre continent, ou le statut immunitaire est tout autre
Yannick Simonin
Pour l'heure, ce risque reste faible pour l'Europe, qui a déjà rencontré les variants actuellement observés en Chine. Mais plus le virus circule dans ce pays d'1,4 milliard d'habitants, plus les probabilités de voir une mutation émerger augmentent. Et la faible couverture vaccinale de la Chine aggrave le risque de propagation : entre 60 à 40% des plus âgés seraient protégés, selon les chiffres avancés par les spécialistes, avec des vaccins chinois qui offrent une efficacité moindre à ceux utilisés en Europe.
L'émergence de variants reste donc possible d'ici à quelques semaines ou quelques mois. Les spécialistes se montrent toutefois rassurants. "Si un variant s’impose en Chine, pas sûr qu'il le fasse également sur notre continent, ou le statut immunitaire est tout autre", explique Yannick Simonin. La France, comme ses voisins, ont développé une forte immunité grâce à des vagues successives de Covid et une bonne couverture vaccinale, malgré des lacunes dans les rappels des plus âgés. "Même si on peut encore renforcer la vaccination, les vagues récentes auraient pu dévoiler une situation de vulnérabilité mais ne l'ont pas fait", relève Antoine Flahault.
Les inquiétudes concentrées sur l'intérieur du pays
À court terme, c'est donc surtout la situation sanitaire à l'intérieur de la Chine qui inquiète les chercheurs, craignant une explosion du nombre de cas graves, une saturation du système hospitalier et une flambée des décès. À l'approche du Nouvel An chinois, le 22 janvier, le brassage des populations va s'accélérer et, avec lui, la circulation du virus, particulièrement dangereux dans les zones rurales où le système de soins est moins performant qu'en ville.
Des pays dont la protection immunitaire est plus faible, notamment à cause d'une couverture vaccinale limitée, encourent des risques si leurs liens sont nombreux avec la Chine, à l'instar de pays asiatiques voisins. La Thaïlande, qui n'a pas mis en place de système de dépistage des voyageurs, est l'une des destinations phare des Chinois désormais libérés. "La fête pourrait agir comme un vecteur accélérant encore plus la diffusion à l'intérieur, et à l'étranger", appuie Antoine Flahault.
Reste toutefois que d'une façon générale, le virus continue toujours de circuler dans de nombreux pays. "Ce ne sont pas les quelques virus qu’amèneront les vols chinois qui vont changer les dizaines de milliers de cas qui apparaissent chaque jour dans le monde, même en Europe", ajoute le professeur. La situation n'est plus la même qu'au début de l'épidémie : la levée de la stratégie zéro Covid chinoise n'amènera pas de "retour en arrière", assure de son côté Yannick Simonin.
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