AU REVOIR - Alors que partenaires sociaux et gouvernement se penchent sur la réforme de l'assurance-chômage pour l'ouvrir notamment aux salariés démissionnaires, nous avons demandé à des consultants en ressources humaines leurs conseils aux employés qui chercheraient à franchir le pas.
C'est l'un des points forts du programme d'Emmanuel Macron. La création d'une indemnité chômage pour les salariés démissionnaires est discutée depuis le 11 janvier entre l'exécutif et les partenaires sociaux. Ses contours sont encore flous (quelle fréquence, sous quelles conditions ?), mais cette réforme doit, selon le gouvernement, modifier les rapports entre l'employeur et les salariés.
Au-delà de la possibilité ouverte aux salariés de quitter leur entreprise pour développer un nouveau projet professionnel, se pose la question de la perception de la démission et des conditions dans lesquelles elle peut se faire. Mais ce qui est présenté comme une opportunité pour le salarié a, en tout cas aujourd'hui, une réputation de manoeuvre risquée. Et surtout d'un point de vue professionnel.
"Chercher au chaud", privilégier la constance
Les spécialistes contactés à ce sujet par LCI sont catégoriques sur un point : dans un marché du travail particulièrement tendu, où les emplois disponibles (150.000 offres n'ont pas trouvé preneurs en 2017, selon Pôle emploi) sont nettement moins nombreux que le nombre de chômeurs (3,45 millions en novembre), mieux vaut être sûr d'obtenir un travail avant de démissionner. "Pourquoi en prendrait-on le risque avant de trouver quelque chose ailleurs ?" s'interroge Carine Hahn, coach, psychanalyste et consultante RH, pour qui "on cherche [un travail] quand on est 'au chaud'."
Un avis frappé au coin du bon sens, appuyé aussi par la concurrence qui existe entre entreprises, quand le profil du salarié recherché revêt un caractère "stratégique", juge Ghislain de Gestas, président de Tactic RH, un cabinet de conseil en ressources humaines. "Il y a une plus-value pour les gens qui sont en poste. Quand une entreprise recrute, elle a l'impression d'acquérir une valeur qui appartient à quelqu'un d'autre".
Prudence et discrétion semblent être par ailleurs maître-mots pour qui veut donner ce type de tournant à sa carrière : prudence, car "les démissions à répétition font passer celui qui le fait pour un 'zappeur'", prévient Ghislain de Gestas. "Quand elle procède à un recrutement, une entreprise souhaite avoir un 'retour sur investissement' : un nouveau salarié, surtout s'il occupe un poste stratégique, demandera un à trois ans avant d'être parfaitement à l'aise sur son poste, le temps d'être formé, de comprendre son environnement de travail."
Un départ à positiver
D'où une certaine crainte de leur part d'avoir face à eux un ou une démissionnaire en série... quelles qu'en soient les raisons. Chez les recruteurs, la vision du travailleur romantique qui, insatisfait par son travail, le quitte pour trouver mieux ailleurs, ne semble pas de mise : "Les recruteurs ont tendance à faire du clonage, regrette Ghislain de Gestas, à assurer en engageant, pour remplacer un salarié, un profil déjà existant." Un avis que développe Carine Hahn : "Dans les faits, le salarié en quête de sens, qui souffre de brown-out [souffrance liée à l'absence de sens dans son travail], de bore-out [souffrance liée à l'ennui], aura toutes les difficultés à se le voir reconnaître. Voyez comment la reconnaissance du burn-out, pourtant beaucoup plus ancienne, est difficile !"
De façon générale, Carine Hahn n'encourage pas les salariés démissionnaires à partager devant un recruteur les raisons de leur départ. "Si cette démission est liée à une forme de souffrance au travail, ayant entraîné un isolement professionnel, puis une dépression, vous ne pourrez pas empêcher l'employeur devant lequel vous vous présentez de se dire que cette situation pourrait se reproduire chez lui." Une résolution, alors : "Sans forcément taire votre démission, mieux vaut positiver votre départ : on ne gagne rien à exprimer sa forme psychologique à quelqu'un qu'on ne connait pas."
Autant dire qu'avec cet état des lieux, les effets liés aux propositions d'ouvrir l'assurance-chômage, à raison d'une fois tous les cinq ans, sous réserve d'un projet professionnel et dans des proportions financières encore inconnues, aux salariés démissionnaires seront scrutés d'assez près.
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