Claudine Hermann, première enseignante à Polytechnique : "Le plafond de verre, je l'ai percé"

Anaïs Condomines
Publié le 23 juillet 2015 à 19h48
Claudine Hermann, première enseignante à Polytechnique : "Le plafond de verre, je l'ai percé"

VIVE LES MATHS - Alors que la revue Sciences a dû s'excuser pour la publication de plusieurs articles aux relents sexistes, l'attention se porte une fois de plus sur le machisme latent du monde scientifique. Claudine Hermann, toute première femme enseignante à l'école Polytechnique, peut en témoigner. Interview.

Claudine Hermann, 70 ans, est une pionnière. Physicienne de renom, co-fondatrice de l'association Femmes et Sciences , elle reste aussi pour toujours la toute première femme enseignante nommée à l'école Polytechnique. C'était en 1992, c'était hier. Alors que le monde scientifique est cette semaine encore épinglé par 600 chercheurs du monde entier, co-signataires d'une lettre ouverte adressée à la très sérieuse revue Sciences qu'ils estiment sexiste, Claudine Hermann nous rappelle que malgré le chemin parcouru, la place des femmes dans les sciences demande une vigilance toujours renforcée.

La physicienne, elle, a attendu douze ans pour postuler au poste de ses rêves. Elle confie à metronews: "En 1980, j'étais chercheuse à l'école Polytechnique, mais je pensais que cette place d'enseignante n'était pas pour moi, malgré mes enfants qui me demandaient toujours 'alors, c'est quand que tu passes prof ?'" Et puis un jour, Claudine Hermann finit par se convaincre elle-même qu'elle pourrait bien être la bonne personne... et par en convaincre ses supérieurs, qui la nomment enseignante. "J'ai été poussée par les hommes pour en arriver là... mais le plafond de verre, je l'ai finalement percé."

Sûreté de l'emploi et dérapages publics

Armée de recul, celle qui profite à présent des joies de la retraite n'est pas certaine que l'époque actuelle soit davantage favorable à ses jeunes consœurs. "Les conditions ne sont pas plus faciles pour les femmes scientifiques d'aujourd'hui. Les post-doctorats très souvent exigés retardent toujours plus l'accès à une situation stable. Peu de chercheuses s'assurent la sécurité de l'emploi avant 35 ans, ce qui impose de devoir faire des choix quand on veut faire un enfant."

"Quant aux propos misogynes, on ne les entend plus forcément, parce que les dérapages publics créent des scandales... mais dans les faits rien n'a changé : nommer des femmes au sein des comités n'est pas encore naturel." Et de fait, depuis sa nomination à elle, les chiffres montrent que rien n'est encore gagné. Car si les enseignantes sont majoritaires dans les collèges et lycées, elles représentent en 2011 à peine plus d'un tiers des effectifs de l’enseignement supérieur. La même année, au pôle "Sciences de l'ingénieur et instrumentation scientifique" du CNRS , les ingénieures ne représentent... que 11% des effectifs.

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Anaïs Condomines

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