Comment l'enseignement des maths a-t-il évolué au lycée depuis la réforme ?

M.L
Publié le 7 février 2022 à 19h02

Source : JT 20h Semaine

Jean-Michel Blanquer envisage un renforcement des mathématiques dans le tronc commun de Première et de Terminale.
Depuis la réforme du lycée en 2019, le nombre d'élèves qui suivent ces enseignements chute.
Une baisse qui concerne surtout les filles.

Après avoir été interpellé par les professeurs de mathématiques, Jean-Michel Blanquer pourrait faire marche arrière : le ministre de l'Éducation nationale a affirmé dimanche sur CNews qu'il faudrait "probablement" ajouter des mathématiques au tronc commun des programmes de Première et de Terminale, se disant"très ouvert aux propositions" sur ce "sujet sérieux"

Depuis la réforme du lycée, qui a mis fin en 2019 aux traditionnelles séries (L, ES et S), les maths sont en effet enseignées sous forme de spécialité, en dehors du tronc commun. Seul un "enseignement scientifique" de deux heures par semaine est dispensé en Première et Terminale, et associe sciences-physiques, SVT et mathématiques. Un choix destiné à "croiser les approches", indique le ministère de l'Éducation sur son site. C'est cet enseignement que le ministre souhaiterait modifier, "pour qu'il y ait plus de mathématiques en son sein, pour la culture mathématique de l'ensemble des élèves", selon le ministère. 

Hors de celui-ci, les mathématiques à proprement parler sont uniquement enseignées comme spécialité suite à la réforme. Un cours de quatre heures en Première, avant un éventail de possibilités en Terminale : trois heures avec l'option "mathématiques complémentaires", six avec l'enseignement de spécialité, et neuf avec une option "mathématiques expertes" en sus de l'enseignement de spécialité. 

Si le ministère tente de rassurer en avançant des effectifs renforcés dans ces spécialités, le nombre total d'élèves suivant les maths en général a baissé, en particulier chez les filles. Un enseignement fragilisé donc au lycée, tandis que la France enregistre de très bas niveaux de mathématiques en primaire et au collège.

Plus du tout de maths pour un tiers des élèves qui en suivaient auparavant

Dans un communiqué publié sur son site fin janvier, l'Éducation nationale défend des résultats encourageants : plus de 60% des élèves de Terminale générale suivent toujours un enseignement de mathématiques, que ce soit en spécialité ou en option complémentaire, relève-t-elle. Les spécialités les plus ardues ont par ailleurs le vent en poupe : avant la réforme, 49.000 élèves de Terminale S avaient choisi la spécialité maths en 2019-2020, tandis que sur l'année 2020-2021, après la réforme donc, 52.000 lycéens ont choisi cette spécialité couplée à l'option maths expertes, soit 3000 de plus. 

Ces enseignements ont aussi été étendus d'une heure par semaine avec la création de l'option maths expertes, à raison de neuf heures par semaine contre huit pour la spécialité sans l'option avant la réforme. De plus, l'exigence des programmes de cette spécialité a aussi monté d'un cran, appuie le ministère.

Mais c'est au sujet des élèves qui n'ont pas choisi de spécialité maths mais gardaient un enseignement de tronc commun que le bât blesse, pointent les professeurs de mathématiques. "Avant la réforme, 90% des élèves suivaient un enseignement de maths en terminale : nous avons donc perdu un élève sur trois", objectent dans un communiqué publié en réponse le 27 janvier des associations et sociétés savantes de maths, dont l'Association des professeurs de mathématiques de l'enseignement public (APMEP), la Société mathématique de France (SMF) et l'association Femmes et mathématiques. 

S'appuyant sur les chiffres de la Direction de l'évaluation, de la prospective et de la performance (DEEP), les associations relèvent ainsi qu'en 2020-2021, 150.000 élèves étaient dispensés d'enseignement mathématique, contre 40.000 l'année précédente. Elles déplorent notamment la disparition des programmes de mathématiques du tronc commun de l'ancienne ES et de l'option maths de l'ancienne L, qui n'ont "plus d'équivalent" aujourd'hui au niveau de la Première. "C’est la moindre diversité des parcours de mathématiques et leur élitisme assumé par le ministère qui sont en partie responsables de la baisse des effectifs et de l’augmentation des inégalités", estiment-elles. 

Quant aux spécialités en elles-mêmes, l'arrivée de 3000 nouveaux élèves dans en spécialité renforcée reste "relativement faible" à leurs yeux, d'autant que l'option mathématiques expertes n'est pas proposée dans tous les établissements. 

La part de filles qui suivent un enseignement en maths a presque fondu de moitié

La réforme est aussi accusée de creuser les inégalités filles-garçons, en laissant les filles décrocher plus facilement des mathématiques. La part de filles suivant ces enseignements grimpe à 45,8% en Terminale, soit 96.500 élèves, se défend le ministère. Mais cela représente une baisse "pratiquement de moitié" par rapport à l'avant-réforme : 85% des lycéennes bénéficiaient de cours de maths, soit 179.000  élèves, s'alarment les associations.

Dans un communiqué publié en novembre dernier, les associations et sociétés savantes relevaient ainsi que "la part des filles dans l’enseignement de spécialité mathématiques en terminale est redescendu au-dessous du niveau de 1994", passant sous la barre des 40% après avoir quasiment atteint les 48% la dernière année avant la réforme, en 2019, "anéantissant brutalement plus de 25 ans d'efforts". "Ainsi, seulement 25% des filles en 2021 ont un enseignement de mathématiques de plus de 6 h hebdomadaires contre 45% avant la réforme", s'alarment-elles. Désormais, près de la moitié des lycéennes ont abandonné les maths en fin de seconde en 2021, contre 17% jusqu'en 2018.

Quant aux spécialités, "on comptait 17.000 filles qui suivaient la spécialité mathématique couplée à l’option mathématiques expertes en 2020-2021 ; pour mémoire, en 2015, elles étaient 15.500 en TS à suivre la spécialité mathématiques", se félicite l'Éducation nationale. Mais ce chiffre avait grimpé jusqu'à 20.000 en 2019, notent les associations de maths, qui en concluent que cet enseignement est "sujet à fluctuation" ou que le nombre de lycéennes est en augmentation, et appellent à analyser l'évolution de ces chiffres sur plusieurs années.

Le ministère de l'Éducation nationale souligne par ailleurs que l'an passé, les filles représentaient 48,1% des élèves de spécialité en Première et 39,8% en Terminale. Mais il ne précise pas comment ces chiffres ont évolué depuis la réforme : on comptait avant celle-ci 53,5% de filles dans ces enseignements en Première et 47,5% en Terminale S, déplorent les associations de mathématiques.


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