Violences sexuelles : les pistes de la commission inceste pour protéger les enfants

Publié le 31 mars 2022 à 9h20

Source : JT 20h Semaine

Installée en mars 2021 pour deux ans, la Ciivise vient de rendre ses conclusions intermédiaires.
Elle préconise notamment que les médecins aient une obligation claire de signaler leurs soupçons.
Mais aussi que toutes les victimes aient accès à des soins spécialisés en psychotrauma.

"L'urgence" est de venir en aide aux 160.000 enfants victimes chaque année de violences sexuelles. La Commission indépendante sur l'inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (Ciivise), dont les travaux commencés il y a un an continuent jusqu'en 2023, a publié ce jeudi à mi-parcours, vingt premières préconisations sur son site Internet. Issues de 11.400 témoignages recueillis au cours de l'année écoulée, ces dernières se déclinent sur quatre axes : le repérage des enfants victimes, le traitement judiciaire des violences sexuelles, la réparation notamment par le soin et la prévention. Objectif ? Changer en profondeur le fonctionnement d'institutions pour construire une "culture de la protection".

Une obligation "claire" de signalement pour les médecins

Parmi ses propositions, la Ciivise préconise notamment que les médecins aient une obligation claire de signaler leurs soupçons, alors que ces derniers, particulièrement bien placés pour les détecter, ne sont pour l'heure à l'origine que de 5% des signalements, relève le rapport. "Il faut établir des normes claires", insiste le coprésident de la Commission, le juge des enfants Edouard Durand qui ajoute qu'outre le secret médical et la proximité avec la famille, le risque de poursuites disciplinaires "inhibe" les médecins.  

La Ciivise recommande d'ailleurs de "suspendre les poursuites disciplinaires à l'encontre des médecins protecteurs", alors que la pédopsychiatre toulousaine Eugénie Izard a notamment été condamnée en décembre 2020 par le conseil de l'ordre des médecins à une suspension d'activité après avoir signalé des maltraitances sur une enfant. "La loi est imprécise", déplore l'intéressée auprès de l'AFP soulignant que "beaucoup de médecins redoublent de prudence et évitent de faire des signalements" face à "des parents agresseurs portent plainte devant le conseil de l'ordre."

Outre les médecins, tout professionnel en lien avec l'enfant, tel qu'un enseignant ou un juge des enfants, devrait lui poser la question de l'existence de violences sexuelle, sans attendre que l'enfant en parle de lui-même.

Une justice "à hauteur d'enfant"

Une fois les violences sexuelles repérées, "la justice doit se mettre à hauteur d'enfant", selon la Ciivise, qui recommande que les auditions des enfants suivent un protocole spécifique (NICHD) neutre et bienveillant, dans des dispositifs adaptés (Uaped ou salles Mélanie). Ces auditions, dont l'enregistrement est déjà obligatoire, devraient être systématiquement visionnées par tous les magistrats au cours de la procédure. "Ils le sont peu car nous, les magistrats, avons la culture du dossier écrit, des retranscriptions d'audition. Or observer la peur, le dégoût, les expressions d'un enfant qui évoque une scène n'a pas le même impact que de les lire", explique le juge Durand.

Alors que 70% des plaintes pour violences sexuelles infligées aux enfants sont classées sans suite, la Ciivise souhaite par ailleurs que ces décisions soient "expliquées verbalement à la victime" par le procureur de la République. La société doit aussi garantir aux victimes des soins spécialisés en psychotrauma. S'ils sont reçus tôt, dans l'année qui suit le traumatisme, ils peuvent éviter l'installation ou l'aggravation d'un psychotraumatisme. La Commission demande que la victime puisse faire appel de la décision pénale sur la culpabilité et la peine, cette dernière ne pouvant actuellement, en tant que partie civile, faire appel que sur les dommages et intérêts, et non sur la culpabilité. Enfin, la Ciivise réitère deux préconisations déjà faites en octobre : la suspension de plein droit de l'autorité parentale et du droit de visite d'un parent poursuivi pour inceste sur son enfant, et son retrait systématique en cas de condamnation.


Audrey LE GUELLEC

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