TÉMOIGNAGES – De nouveau confinés, beaucoup d’étudiants sont aujourd’hui confrontés à des angoisses profondes. Quatre d’entre eux se confient sur leur quotidien souvent solitaire et les difficultés rencontrées.
Après l’annonce du reconfinement mercredi 28 octobre, Rayane est resté une semaine dans sa chambre universitaire de 9m2. Avant de "devenir fou" et de rentrer chez ses parents à 80 kilomètres de Metz, pour y passer le confinement. Et quand bien même les conditions de vie sont meilleures là-bas, les journées de l’étudiant en sciences sociales sont maussades, rythmées par des cours de plus en plus durs à suivre et un sentiment de solitude tenace.
Ayant souffert de dépression dans le passé et guéri depuis un an, Rayane confie du haut de ses 19 ans replonger "dans une détresse psychologique" suite à ce deuxième confinement. Et dit songer sérieusement à abandonner l’université, sans oser en parler à ses parents. Car la routine qu’il a connue durant sa première année à la fac de Metz n’existe plus et cela est dur à encaisser : "Au collège et au lycée, je n’avais pas d’amis à qui parler. A la fac, j’avais une vie sociale pour la première fois de ma vie et le confinement l’a juste anéantie." Contre ce mal-être, le jeune homme discute avec une psychologue du Bureau d’aide psychologique de son université.
3000 appels traités en deux mois par Apsytude
Thibault, 21 ans, voulait sauter le pas lui aussi, et consulter un spécialiste. Mais face à l’afflux des demandes dans son université, à Rennes, il s’est vite découragé. "Ceux de la fac sont débordés, il faut faire des ‘pré-entretiens avant de pouvoir espérer en voir un, c’est assez spécial… ", avance l’étudiant en langues étrangères appliquées. "S’ils jugent qu’on va mal mais pas assez pour voir un psy, c’est dehors." Ses angoisses sont pourtant bien réelles et se caractérisent la plupart du temps par des "crises de panique", un "sommeil haché", voire par des "insomnies".
En proie à un malaise profond, les étudiants sont de plus en plus nombreux à vouloir trouver une oreille attentive, constate Laurentine Véron, co-fondatrice de l’association Apsytude, qui leur fournit une aide psychologique depuis 2010, en collaboration avec les Crous notamment. "En deux mois, on a déjà traité la totalité de ce qu’on avait fait en 2019", confirme la psychologue. Ainsi, 3000 étudiants ont bénéficié de consultations depuis le mois de septembre, contre 3500 sur l’ensemble de l’année scolaire précédente. Et cet accroissement de la demande d’aide est couplé à une aggravation des cas rencontrés, selon Laurentine Véron qui dit faire face à "des crises suicidaires, des situations de grande détresse, des états plus graves que pendant le premier confinement".
Je ne peux pas payer les frais de transport, je me déplace uniquement à pied
Ali, étudiant en droit
L’une des raisons de ce mal, surement la plus écrasante, est la précarité. Lors du confinement de ce printemps, ils étaient 33% à avoir rencontré des difficultés financières et 19 % à s’être restreints sur des achats de première nécessité, selon l’Observatoire national de la vie étudiante. C’est le cas d’Ali*, 26 ans, qui ne parvient pas à joindre les deux bouts encore aujourd'hui. Le jeune homme, qui vient de reprendre ses études de droit, ne trouve pas de travail à temps partiel à cause de l’activité en berne. L’aide fournie par ses parents couvre tout juste le loyer de son appartement, le reste s’apparente à de la survie. "J’arrive à me nourrir grâce à l’aide de l’assistance sociale qui me suit", raconte-t-il, dont le montant s’élève à 150 euros par mois sous forme de bons alimentaires. "Je ne peux pas payer les frais de transport, je me déplace uniquement à pied. Et j’ai du retard dans le paiement de mes factures."
Amandine, elle, s’en sort à peu près mais s’inquiète pour l’an prochain et son avenir dans la résidence universitaire du Parc Blandan, à Lyon. Le soutien scolaire qu’elle dispensait s’est subitement arrêté avec le confinement du printemps et les rentrées d’argent avec. "Je paye tous les mois mon logement au Crous, mais je vais plus avoir d’argent au bout d’un moment. Je vais devoir rapidement trouver un job d’été sauf qu’il n’y en aura surement pas", projette déjà l’étudiante en master de 22 ans. Elle avoue avoir peur de la crise économique, qui suivra inévitablement : "On a l’impression d’être la génération sacrifiée par rapport à l’emploi."
Lors de son point hebdomadaire de ce jeudi 19 novembre, Olivier Véran a mis l'accent sur l’exposition des plus jeunes à des "troubles psychologiques" dans cette crise sanitaire, signalant que près d’un étudiant sur trois avait développé lors du confinement du printemps "des signes de détresse psychologique". Pour répondre à "la dimension psychologique de cette crise", le ministre de la Santé a indiqué le recrutement en cours de 160 psychologues dans les cellules d’urgence médico-psychologiques, une mesure prévue par le Ségur de la Santé.
*Le prénom a été modifié
Sur le
même thème
Tout
TF1 Info