Recherche contre le Covid : la France a investi 3 fois moins que l'Allemagne, épingle la Cour des comptes

Publié le 30 juillet 2021 à 11h56, mis à jour le 30 juillet 2021 à 16h02
Recherche contre le Covid : la France a investi 3 fois moins que l'Allemagne, épingle la Cour des comptes
Source : DOUGLAS MAGNO / AFP

RECHERCHE - Dans un rapport publié ce jeudi, la Cour des comptes estime que la France ne s'est pas suffisamment donné les moyens pour faire avancer la recherche tricolore contre le Covid. En résulte, pour le moment, l'absence de vaccin français.

La France serait-elle à la peine en matière de recherche ? Selon un rapport de la Cour des comptes paru jeudi 29 juillet, les financements accordés à la recherche publique pour lutter contre la pandémie de Covid-19 ont été "nettement en retrait" par rapport à d'autres pays.

Cette situation découle de "défauts structurels" que la mobilisation en urgence de tous les acteurs n'a pas suffi à pallier, ainsi que de l'absence d'un "chef de file" clair, analyse l'organisme de contrôle dans cet "audit flash" mené en quatre mois.

Le budget français presque 3 fois moins élevé que celui de l'Allemagne

Entre janvier 2020 et mars 2021, "le montant total des ressources affectées à la recherche publique française sur la Covid-19 s'élève à 530,17 millions d'euros, fonds européens compris, ou à 502,48 millions d'euros sans ces fonds", calcule la Cour des comptes. Cette estimation a été obtenue en additionnant tous les "crédits d'intervention" (donc hors rémunération des chercheurs titulaires) attribués aux organismes de recherche, aux universités et aux centres hospitaliers universitaires, de sources publiques et privées. Du fait du calendrier particulier de cet audit, elle a pris en compte les crédits alloués et non les dépenses effectivement exécutées.

"Il s'agit d'un effort notable", mais "moindre, dans l'absolu comme relativement, que celui consenti par d'autres pays européens aux moyens et au tissu scientifique comparables", concluent les auteurs de ce rapport. L'Allemagne a ainsi mis environ 1,5 milliard d'euros sur la table - dont 1 milliard pour ses biotechs comme CureVac et BioNTech -, et le Royaume-Uni 1,3 milliard d'euros.

Un souci d'éparpillement et d'organisation

Pour la Cour des comptes, cette faible enveloppe française traduit d'abord un manque d'organisation. "Les financements se sont avérés trop dispersés pour répondre aux enjeux de la crise", estime-t-elle. "À la différence d'autres pays à forte tradition scientifique en matière biomédicale, la stratégie d'ensemble, le pilotage et la structuration ont été insuffisants", ajoute-t-elle en citant l'exemple de l'agence fédérale BARDA (Biological Advanced Research and Developpment Authority) aux États-Unis, chargée d’accompagner le développement de contremesures médicales dont le gouvernement estime avoir besoin. Elle avait été bâtie après les attentats de 2001 et l'utilisation de l'anthrax. Au Royaume-Uni, la Cour des comptes souligne également l'existence, au Royaume-Uni, de l’UKRI (United Kingdom Research Innovation). Créé en 2017-2018, il rassemble toutes les agences de financement thématiques.

L'absence de "chef de file" faisant référence, une épine dans le pied

"Cette situation s'est trouvée amplifiée par l'absence d'un chef de file reconnu par tous", insiste l'audit. "Aucun acteur institutionnel n’a disposé d’un véritable pouvoir de régulation des priorités et des financements de la recherche durant la crise", regrettent les auteurs du rapport, soulignant que les "efforts d'organisation" représentés par la création de l'ANRS-Maladies infectieuses émergentes, en janvier 2021, "sont intervenus tardivement et sans moyens immédiats".

"Les différents acteurs de la communauté scientifique sont lucides. Ils sont déjà convaincus de la nécessité de disposer d’une structure de pilotage unique, chargée de la programmation et du lancement des appels à projets, de l’évaluation des propositions reçues et de l’attribution des moyens", indique la Cour.

Plus de coopérations pour de meilleurs résultats

En plus de ces "lourdeurs administratives", elle diagnostique aussi une "impréparation à la prise de risque" et recommande davantage de coopération entre public et privé, ainsi qu'"un continuum entre recherche académique et industrie". En Allemagne par exemple, tous les hôpitaux universitaires ont participé aux essais cliniques via un réseau créé spécialement et qui a permis l'échange de données et la sélection de 13 projets de recherche prioritaires.

Selon la Cour des comptes, toutes ces difficultés structurelles françaises ont été illustrées, aux yeux de l’opinion publique, par l’absence de vaccin tricolore disponible à ce jour.

L'audit met également en cause "le déficit de financement antérieur à la crise, en particulier dans le secteur biologie-santé" que des efforts d'urgence "ne sauraient compenser". Il recommande de soutenir davantage et sur le long terme la recherche fondamentale dans ce domaine.


La rédaction de TF1info

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