Corse : de nouvelles manifestations au lendemain d'une nuit d'émeutes

Richard DUCLOS avec AFP
Publié le 11 mars 2022 à 6h30

Source : JT 13h Semaine

La colère ne retombe pas en Corse, où la journée de jeudi a été marquée par de nouvelles manifestations, huit jours après l'agression en prison d'Yvan Colonna.
Le militant indépendantiste se trouve toujours entre la vie et la mort.

Des manifestations en soutien à Yvan Colonna et contre l'"État français assassin" se sont poursuivies jeudi 10 mars en Corse, au lendemain d'une nuit "d'émeutes" qui a vu le palais de justice d'Ajaccio pris pour cible, huit jours après l'agression en prison du militant indépendantiste.

Jeudi matin, environ 400 lycéens s'étaient rassemblés derrière une banderole "Per Yvan, Statu francesu assassinu" ("Pour Yvan, État français assassin") certains, visages masqués et armés de raquettes de tennis, prêts à en découdre avec les forces de l'ordre. Mais une dizaine d'adultes se sont interposés, parvenant à empêcher les heurts, a constaté une journaliste de l'AFP. 

Si cette manifestation à Ajaccio s'est terminée rapidement dans le calme, des incidents ont éclaté en fin de journée à Bastia avec des trentaines de personnes qui jetaient des projectiles sur les forces de l'ordre, qui répliquaient avec des gaz lacrymogènes, selon un correspondant de l'AFP sur place. D'après la préfecture de Haute-Corse, des cocktails molotov, des pavés descellés ou encore des bombes agricoles ont été lancées en direction de la police, pendant plus de 3 heures.

A Corte, "en marge d'un rassemblement pacifique" selon les autorités, "une quinzaine d'individus violents s'en sont pris à la sous-préfecture", eux aussi avec des projectiles. Les manifestations ont été dispersées en milieu de soirée, et n'ont pas fait de blessés.

"Il faut que les manifestations gardent un tour pacifique", a estimé jeudi soir sur Francetv Info Gilles Simeoni, le président autonomiste du conseil exécutif de Corse : "Mais le meilleur moyen de désamorcer cette violence, c'est de créer des conditions politiques qui permettront à la colère et l'indignation de retomber".

Au moins 14 blessés à Ajaccio

Depuis qu'Yvan Colonna, condamné à la perpétuité pour l'assassinat du préfet de Corse Claude Erignac en 1998, est dans le coma, après avoir été agressé le 2 mars dans sa prison d'Arles par un codétenu emprisonné pour terrorisme, les manifestations se sont multipliées dans l'île à l'appel d'étudiants, de lycéens, d'organisations nationalistes ou de syndicats.

Dans la nuit de mercredi à jeudi, la colère était montée d'un cran, avec des heurts violents entre certains manifestants et les forces de l'ordre à Ajaccio, Calvi (Haute-Corse) ou encore Bastia. Au moins 14 personnes ont été blessées à Ajaccio, 23 CRS et trois civils à Bastia, selon les préfectures. 

"On a subi deux assauts hier contre le tribunal", dont un "où a priori une quinzaine d'individus sont entrés dans le bâtiment et ont incendié le rez-de-chaussée, la salle des pas perdus, dégradé du mobilier, de l'informatique et des vitres", a décrit à l'AFP Nicolas Septe, procureur de la République d'Ajaccio, en parlant "d'émeutes".

Pour plusieurs observateurs, parmi lesquels le politologue Thierry Dominici, les mouvances indépendantistes plus dures sont désormais à la manœuvre dans ces manifestations. 

Toujours sur Francetv Info, Gilles Simeoni a indiqué avoir "longuement" parlé au Premier ministre Jean Castex par téléphone. "Il m'a dit qu'il me répondrait très rapidement, dans les heures ou les jours à venir", au sujet notamment de la levée du statut de DPS (NDLR: détenu particulièrement signalé) pour Alain Ferrandi et Pierre Alessandri, membres, eux aussi, du "commando Erignac".

Yvan Colonna demandait de longue date son rapprochement en Corse. Mais cela lui avait été systématiquement refusé en raison de son statut de DPS. Le Premier ministre Jean Castex avait finalement levé mardi le statut DPS d'Yvan Colonna, une décision jugée par beaucoup comme une provocation, l'ancien berger étant désormais entre la vie et la mort dans un hôpital de Marseille.

Pour répondre à la "colère" en Corse, Gilles Simeoni a aussi appelé l'État à "ouvrir un nouveau cycle politique et à dire clairement qu'il y a une question corse".

Le retour de "sombres heures"

Dans une tribune publiée par Le Monde jeudi soir, la présidente autonomiste de l'Assemblée de Corse, Marie-Antoinette Maupertuis, s'est adressée au président Emmanuel Macron en estimant que "la Corse est en train de revivre de sombres heures". "Personne, ou presque, ne croit, en Corse, mais aussi ailleurs en France, à une simple agression dans les prisons françaises d'un détenu par un codétenu", a-t-elle assuré. Quant à Pierre Alessandri et Alain Ferrandi, "eux aussi sont en danger", a-t-elle estimé.

Dans un communiqué jeudi, l'Université de Corse a exprimé "sa profonde inquiétude face à l'escalade d'événements dramatiques dans lesquels la Corse, et tout particulièrement sa jeunesse, est plongée", tout en appelant à une "mobilisation massive" pour la manifestation prévue dimanche à Bastia.


Richard DUCLOS avec AFP

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