Gratuité, sanctions, dérogations... Les questions que pose le port obligatoire du masque en entreprise

par Mathilde ROCHE
Publié le 18 août 2020 à 20h35, mis à jour le 19 août 2020 à 17h48

Source : JT 20h Semaine

DÉCRYPTAGE - Le port du masque sera obligatoire dans les entreprises françaises à partir du 1er septembre. Malgré les distances physiques ? Même dans les open-space ? Qui doit fournir le masque ? Et si un employé refuse de le porter ? LCI répond à vos questions.

La rentrée sera masquée pour les salariés. Alors que le protocole actuel impose le masque sur le lieu de travail uniquement quand la distanciation d'un mètre n'est pas respectée, il sera "systématisé" dans les entreprises françaises à partir du 1er septembre, a annoncé mardi le gouvernement.

Une décision prise par le ministère du Travail, qui se base sur les indicateurs épidémiologiques en hausse observés par Santé Publique France, et sur les recommandations du Haut conseil de la santé publique (HCSP). Reste à bien comprendre la mesure et sa mise en oeuvre sur le terrain. LCI tente pour cela de répondre à quelques unes de vos interrogations.

Le masque doit-il être fourni gratuitement par l'employeur ?

"A partir du moment où c’est obligatoire, ce doit être pris en charge par les entreprises", confirme le secrétariat d'Etat du ministère du Travail. Pour cela, il faudra évidemment que l'annonce se concrétise et que le masque soit désigné comme nécessaire dans un décret d'application."Si il est indiqué comme obligatoire dans un texte de loi, le masque deviendra un équipement de protection individuel, au même titre qu'un casque de chantier ou des chaussures de sécurité dans les restaurants", précise Eric Rocheblave, avocat spécialiste du droit du travail. "Les employeurs ont l'obligation de mettre à disposition des salariés les mesures de protection appropriées, ils auront donc l'obligation de fournir un masque à leurs employés".

Concernant une potentielle aide de l'Etat aux entreprises pour faire face aux importants coûts que cela représente, "ce n’est pas encore à l’agenda des discussions mais cela pourrait y venir dans un second temps", précise le gouvernement.

Les employeurs dits "particuliers" sont également concernés. Si vous embauchez un ou une aide ménagère, un ou une garde d'enfants, "vous répondez comme tout employeur du code du Travail, donc bien évidemment il faut mettre des masques et du gel hydroalcoolique à disposition de votre personnel de maison", tranche Me Rocheblave.

Le masque est-il obligatoire quand la distanciation est respectée ?

C'est un point sur lequel le gouvernement va devoir être plus précis. Le ministère du Travail a déclaré ce matin vouloir une "systématisation du port du masque dans tous les espaces clos partagés", que ce soit les salles de réunion, open space, couloirs, vestiaires, cafés, etc. Seule exception : pas de masque nécessaire pour une personne seule dans un bureau individuel.

Puis ont commencé les négociations avec les syndicats, qui dénonce une mesure trop coercitive voire contre-productive. Quelques heures après, Laurent Pietraszewski, secrétaire d'Etat chargé de la Santé au travail, nuançait déjà : "Si je suis seul, y compris dans un open space, pas la peine de porter le masque. Si on est deux dans un très grand open space ? Il faut en discuter", a-t-il répondu à LCI sur la question. "Nous allons saisir, avec les partenaires sociaux, le Haut conseil pour ces adaptations. Certains secteurs mériteront des mesures spécifiques".

Port du masque pour tous signifie-t-il fin du télétravail ?

"Le port du masque ne doit surtout pas se substituer aux autres gestes barrières", insiste Didier Lepelletier, co-président du groupe de travail Covid-19 au Haut conseil de la Santé publique. Lavage régulier des mains, des objets ou des espaces de travail, restent indispensable, comme l’aération des locaux et la gestion des flux de personnes. "Surtout, le masque ne dispense pas de respecter la distanciation physique. Cette mesure ne doit pas permettre de dire on abolie le mètre de distance et on peut remettre tout le monde au bureau", s'inquiète le professeur d’Hygiène hospitalière du CHU de Nantes.

Si les locaux ne permettent pas de respecter une distanciation suffisante entre les employés, le télétravail reste donc "recommandé" par le HCSP, et par le ministère du Travail. Le gouvernement rappelle par ailleurs que la pratique du télétravail à deux avantages : limiter la densité dans les locaux des entreprises, et diminuer l'affluence dans les transports en commun.

Que risque un employé qui refuse de porter un masque ?

"De la même façon que les employeurs ont l’obligation de mettre à disposition des salariés des mesures de protection individuels, ils ont l'obligation de veiller à leur utilisation effective", explique Me Eric Rocheblave. "Un employé peut donc être sanctionné selon l'arsenal disciplinaire prévu dans le règlement intérieur ou déterminé par l'employeur". 

Mais quel sanction ? "Cela peut être un appel, puis un avertissement, puis une mise à pied jusqu’au licenciement si l'employeur le juge utile", affirme l'avocat spécialisé en droit du travail. "Cette sanction sera bien sûr sous contrôle du juge, qui verra si la sanction est promotionnée à la faute commise". 

Et pour les employeurs qui ne respecteraient pas leurs nouvelles obligations ? "On organisera un contrôle classique par l’inspection du travail, avec la procédure classique de droit commun", répond le secrétariat d'Etat du ministère du Travail.

Y'aura-t-il des dérogations possibles, des cas particuliers ?

Des raisons de santé, un inconfort voire une insuffisance respiratoire, peuvent-il être le motif d'une dérogation ? "Si le masque est déclaré comme contre-indiqué, ce n'est jamais à l'initiative de l'employé ou de l'employeur mais uniquement du médecin du travail", affirme Me Rocheblave. "C'est le seul en mesure de déclarer un salarié vulnérable, apte ou inapte à son poste dans les conditions de son entreprise, et qui pourra proposer des aménagements nécessaires".

Cependant, selon son intime conviction, "moins il y a d’aménagements et d’exceptions, mieux ce sera". Notamment pour éviter de rendre une situation, déjà anxiogène, encore plus incertaine, faisant monter le stress et l'angoisse chez certains employés, avec de lourds risques psycho-sociaux à la clé. "Le masque aurait dû s'imposer de lui-même, mais les Français ont eu besoin qu'on les oblige", regrette l'avocat. "Maintenant qu'on a une loi claire, on doit arrêter de se poser la question et généraliser le port du masque dans tous les espaces clos".


Mathilde ROCHE

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