CONTREPIED - Certains Français, souvent jeunes, semblent prêts à contracter le SARS-CoV-2 afin d'obtenir un pass sanitaire sans avoir à se faire vacciner. Mais "jouer le jeu du virus" n'a rien d'anodin, alerte l'épidémiologiste Philippe Amouyel.
Ils veulent contracter le Covid-19 et ne s'en cachent pas. Sur les réseaux sociaux ou dans les médias, des Français, souvent âgés de moins de 30 ans, partagent ces jours-ci leur volonté d'être contaminés plutôt que de se faire vacciner. De l'avis des concernés, tomber malade serait une bonne nouvelle en ce que cela leur permettrait de bénéficier, onze jours après l'infection, d'un certificat de rétablissement valable six mois qui fait office de pass sanitaire sans n'avoir reçu aucune dose de sérum.
C'est ce qu'ont expliqué en détail, cette semaine, plusieurs jeunes Français au Figaro, notamment. "Stupidité", réagit à chaud, ce vendredi, Philippe Amouyel, épidémiologiste et professeur de santé publique au CHU de Lille pour LCI. "C'est ce que je craignais, cette hypothèse avait été émise par certains médecins", détaille-t-il.
Évoquant "l'un des grands enjeux sociétaux du moment avec la fracture vaccinale" et redoutant qu'une "véritable tendance se dégage", il résume le raisonnement des concernés : "on va attraper le Covid cet été comme ça on est tranquille à la rentrée". Or, insiste-t-il, "jouer le jeu du virus" est "une erreur totale". Et ce à plusieurs titres.
Le risque de développer une forme grave n'est pas nul
"Ceux qui veulent attraper le virus ont l'impression qu'il ne va rien se passer pour eux parce qu'ils sont plus jeunes, ce n'est pas vrai", rappelle tout d'abord Philippe Amouyel, qui souligne qu'"on s'est rendu compte dès la troisième vague qu'on enregistrait une baisse de dix ans en moyenne chez les patients en réa".
Ce rajeunissement des patients hospitalisés s'observe aussi pendant cette quatrième vague, comme en témoigne la courbe des hospitalisations, qui révèle une hausse particulièrement marquée chez les 40-59 ans. Cela coïncide avec les indicateurs épidémiologiques, qui montrent que les taux d'incidence chez les moins de 40 augmentent de manière importante.
"Comme la vaccination des Français les plus jeunes et des mineurs (de plus de douze ans) n'est intervenue qu'au mois de juin, ce sont ceux qui aujourd'hui se retrouvent dans la situation des vagues précédentes face à un variant Delta qui est plus est plus transmissible", explique le spécialiste. Car, pointe-t-il, l'âge seul ne détermine pas la gravité des symptômes, mais la charge virale, elle, est déterminante. Or, celle associée à ce variant serait 1000 fois plus élevée que la souche d'origine.
Le risque de développer un "Covid long" est probable
"Il ne faut pas oublier non plus que si les jeunes ont a priori moins de risque de développer une forme grave, le fait d'être infecté, même de façon asymptomatique, peut amener à faire des Covid longs avec toute une série de troubles dont on se demande maintenant comment on va les prendre en charge", alerte encore le professeur en Santé publique. Outre les troubles de la concentration, "on se rend compte aujourd'hui aussi qu'il y a chez les Covid long des symptômes neurologiques et que les effets de l'isolement ont également un impact", poursuit-il. Et "cela impacte la vie quotidienne, professionnelle, la vie tout court", tient-il à rappeler.
Lire aussi
Quatrième vague : jeunes, non-vaccinés, femmes enceintes... Quel est le profil des patients hospitalisés ?
Lire aussi
Quatrième vague : où en est la vaccination chez les adolescents ?
Outre l'impact individuel pour les personnes qui déclarent vouloir contracter le Covid-19 plutôt que de se faire vacciner, Philippe Amouyel pointe aussi l'aspect collectif.
"L'idée, c’est, au contraire, que le virus ne se propage plus en tombant sur une personne vaccinée qui casse la chaine de transmission", résume-t-il. "Aujourd'hui, le virus va chercher à s'infiltrer chez des personnes non vaccinées, notamment des jeunes, comme on est en période de vacances, et il risque de se transmettre de manière plus rapide", prévient le professeur, en insistant sur le fait que, plutôt que de chercher à attraper le Covid-19, "il faut absolument que ces jeunes se vaccinent pour atteindre ce seuil d'immunité collective qui permet de bloquer le virus". Et d'insister : "ça n'est que tous ensemble qu'on y arrivera".
La période inquiète aussi le spécialiste. "Pendant les vacances, ces jeunes risquent de contaminer des gens qui ne sont pas encore vaccinés, dont des personnes vulnérables, et l'on pourrait se retrouver dans la même situation que celle de l'été dernier", redoute-t-il, soulignant un risque, "sur le plan collectif, pour l'environnement direct des concernés, qui est encore sensible", et notamment "au niveau des familles".