Égérie des militants antivax et privé de réseaux sociaux, que sait-on du Dr Denis Agret ?

Publié le 16 octobre 2021 à 21h00
Denis Agret a décidé de cesser d'exercer en tant que médecin.
Denis Agret a décidé de cesser d'exercer en tant que médecin. - Source : Capture écran YouTube

CONTESTATAIRE - Médecin urgentiste de formation, Denis Agret fait partie des voix les plus écoutées au sein de la sphère anti-vaccins. Ses prises de positions et publications lui valent aujourd'hui des poursuites en justice et l'ont poussé à rendre sa blouse.

Comme de nombreux autres médecins, Denis Agret était méconnu avant l'épidémie de Covid-19. Il a fallu attendre le lancement de la campagne de vaccination en début d'année 2021 pour voir le praticien basé à Montpellier multiplier les prises de position polémiques. Fustigeant un gouvernement qui "ment sur tous les chiffres", une omerta chez les médecins ou encore les décisions d'élus qui devront "répondre de leurs actes devant la justice pour empoisonnement", sa voix compte aujourd'hui dans la sphère antivax, au sein de laquelle ses interventions sont largement relayées, commentées et saluées.

Cette influence nouvelle, le Dr Agret a pu la mesurer dans les manifestations auxquelles il a pris part, mais aussi par les réactions à des déclarations. Dans le viseur de l'ARS d'Occitanie, dont il a menacé le directeur, le médecin est aussi accusé d'avoir encouragé le harcèlement d'une infirmière. Refusant de se faire vacciner et alors qu'il risquait des sanctions de l'Ordre des médecins, le militant a annoncé rendre sa blouse fin septembre. La justice, quant à elle, lui a interdit désormais de communiquer publiquement via ses réseaux sociaux.

Un costume de lanceur d'alerte

Aux médias qui l'ont rencontré, Denis Agret n'hésite pas à présenter ses diplômes, obtenus à la faculté de médecine de Montpellier et qui lui permettent d'afficher une double spécialité de "médecin de santé publique et urgentiste". Un CV qu'il utilise pour appuyer une position d'autorité alors qu'il s'exprime dans le cadre de l'épidémie de Covid. Et qui contribue à le légitimer aux yeux des militants qui écoutent ses interventions.

"Les masques sont plus dangereux qu'autre chose [...] Ils ne protègent pas du virus", n'hésite-t-il pas à affirmer, allant à l'encontre des multiples études prouvant l'inverse. Surtout, il fustige les vaccins, évoquant tour à tour un "crime contre l'humanité" ou un "génocide", dans le cadre d'une "prétendue épidémie". 

L'AFP, qui avait disséqué attentivement l'une de ses vidéos dès le mois de mars, observait que le médecin cherchait à attiser les peurs au sujet des effets secondaires. L'agence faisait remarquer que Denis Agret, "s'il utilise des données officielles de pharmacovigilance, [...] les interprète de façon trompeuse".

À un journaliste, le praticien a confié un "intérêt" pour le documentaire conspirationniste Hold-Up, très largement décrypté suite à sa mise en ligne et qui compilait une multitude de fake news. Il a notamment été reproché à Denis Agret de le partager à ses collègues lorsqu'il évoluait au sein de la fondation "Partage et vie", en charge d'Ehpad et d'établissements médicaux sociaux. 

Cette structure, qu'il avait rejointe en septembre 2018, l'a licencié en janvier 2021 pour "faute grave", relate le quotidien Midi Libre. "Il nous a surpris par ses prises de position vis-à-vis du Covid, sans nuance, sans discernement", a confié Claude Jeandel, gériatre montpelliérain administrateur de cette Fondation. Le médecin controversé "a laissé entendre que des décès répertoriés" dans plusieurs Ehpad "n'étaient pas imputables à la maladie". Son ancien supérieur a jugé qu'il devenait délicat de "prôner les mesures barrières" tout employant "un salarié qui ne porte pas le masque".

Mis en avant par le site FranceSoir, lui-aussi régulièrement épinglé pour sa propagation de fausses informations, Denis Agret avait pris le chemin du Var à la rentrée de septembre. Le maire de la commune de La Verdière se réjouissait de son arrivée, la petite localité ne disposant plus de médecin généraliste depuis deux ans. 

Mais les consultations se sont rapidement arrêtées : farouche opposant à la vaccination, le Dr Agret s'est retrouvé dans le viseur de l'ARS, qui a demandé sa suspension. L'édile de la commune, entre deux feux, a obtempéré. Le médecin a alors quitté son cabinet et la région, se livrant avant son départ à ce que la presse locale a décrit comme un "one-man show" au cours duquel il a pourfendu des vaccins qualifiés de "dangereux".

La justice s'en mêle

Fin septembre, Denis Agret a indiqué via ses réseaux sociaux qu'il renonçait poursuivre son activité de médecin. "Je rends ma blouse et je m’en lave les mains", a-t-il lancé dans un courrier aux autorités de santé, relayé en ligne. Une décision prise dans une période mouvementée, où le praticien est visé par plusieurs actions en justice. Que lui est-il reproché ? Des menaces à l'encontre du directeur de l'ARS d'Occitanie notamment. Dans une vidéo tournée devant l'agence de santé et qui avait été postée sur Twitter, il déclarait ainsi : "Si la justice ne suffit pas, ce qui prévaut au-dessus, c'est la loi de la nature. Quand il y a des enfants qui seront blessés dans leur chair, des citoyens qui connaîtront votre adresse. Eh bien vous risquerez votre vie."

Il devra aussi s'expliquer devant la justice après avoir divulgué des informations personnelles au sujet d'une infirmière sur les réseaux sociaux. Dans une publication, il mettait en avant le décès d'une jeune femme de 16 ans – supposément attribué au vaccin – et partageait au passage un document mentionnant le nom de l'infirmière qui s'était chargée quelques semaines plus tôt de son injection contre le Covid. Cette dernière, ensuite visée par des militants hostiles à la vaccination, a dû faire faire face à une campagne de harcèlement.

Très actif sur Twitter ou Facebook, Denis Agret est pourtant censé se montrer silencieux sur les réseaux sociaux depuis que le procureur de la République a décidé le 7 octobre son placement sous contrôle judiciaire. Dans l'attente d'une comparution prévue à la mi-janvier 2022, il se voit contraint de résider sur le territoire français, tout en se rendant à intervalles réguliers au commissariat. Outre le silence qui lui est imposé en ligne, il doit également respecter une interdiction de manifester sur la voie publique, ainsi qu'une obligation de suivi psychothérapeutique. 

Ambitions politiques

Ses soutiens crient aujourd'hui à la censure, allant jusqu'à créer des pétitions pour lui témoigner leur solidarité, ils omettent généralement d'évoquer un dernier incident valant au praticien des poursuites. En janvier, celui qui se présente parfois comme "yoga-thérapeute" photographiait des enfants après leur avoir demandé d'ôter leur masque, postant ensuite le cliché en ligne. Ce qui le vaudra de s'expliquer en février prochain pour "mise en danger de la vie d'autrui et atteinte à la vie privée"

Un nouvel épisode qui pourrait contraindre ses ambitions politiques, lui qui fait savoir à qui veut l'entendre qu'il compte se présenter à l'élection présidentielle. Entre bluff et intention sincère, difficile de trancher, tout au plus peut-on rappeler que le candidat Denis Agret avait "recueilli 4,63 % des voix", aux départementales de juin dernier. Il sollicitait alors l'adhésion des électeurs "sur le canton de Montpellier I", relatait Midi Libre.

Le discours cinglant (et remarqué) du sénateur Claude Malhuret contre les antivaxSource : TF1 Info

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Thomas DESZPOT

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