FRILEUX - Comme les contractuels, les jeunes professeurs retraités sont appelés à prêter main forte pour remplacer les enseignants absents en raison du Covid-19. Mais le recrutement de ces plus âgés risque de tenir du casse-tête.
"Je n'irai pas, ça, c'est certain". Le regard face à une des plages paradisiaques de l'île de la Guadeloupe, Patrick est sûr de lui. Tout juste professeur à la retraite, il ne répondra pas à l'appel du gouvernement pour remplacer les enseignants absents en raison du Covid-19. "La pandémie, je n'en ai pas peur. Je suis triple vacciné et fais extrêmement attention", balaye-t-il à LCI, pointant au contraire, un ras-le-bol. "On ne comprend rien aux protocoles. C'est un effort impressionnant qui n'a d'ailleurs jamais été souligné par le ministère", cingle le soixantenaire.
Et puis, il y a l'envie de prendre le large. "J'ai aussi besoin de prendre du recul par rapport au métier, souligne-t-il. J'ai passé 43 ans dans l'enseignement et j'ai choisi mon moment pour mon départ. Ça a été salvateur."
Pour Christian, un autre de ces profs retraités, c'est au contraire une question de sécurité sanitaire. "J'essaye de voir le moins de gens possible et retourner devant une classe, ce n'est pas ce que j'appelle franchement se protéger du virus", lâche-t-il à LCI, deux ans après son retrait. Ce sera un non pour lui aussi.
"On ne veut pas fermer les écoles"
C'est pourtant à ces jeunes retraités, plutôt frileux, que le gouvernement a pensé pour pallier le manque de bras dans les écoles par temps de pandémie. Chaque année, ils sont plusieurs milliers à lâcher le cartable : 18.153 en 2020, 16.803 en 2019, et 20.399 en 2017 selon les chiffres du ministère de l'Éducation Nationale. Dimanche, son ministre Jean-Michel Blanquer a, ainsi, appelé ces anciens enseignants, comme Patrick et Christian, à venir "donner un coup de main" pendant cette cinquième vague.
Mardi matin sur France Inter, même appel du pied du porte-parole du gouvernement Gabriel Attal. "On ne veut pas fermer les écoles, on veut les maintenir le plus possible et faire le maximum pour trouver des remplaçants", insiste-t-il.
. @GabrielAttal : "Ce qui serait baroque, ce serait de fermer les écoles. Quand un enseignant est positif et qu’il doit s’isoler, on doit leur trouver un remplaçant. On a aujourd’hui un vivier, qu’on augmente de 30%, avec des retraités et des étudiants". #le79inter pic.twitter.com/9i0YtzWx1v — France Inter (@franceinter) January 4, 2022
"Pas grand monde", "déraisonnable"...
Selon Jean-Michel Blanquer, 7% des professeurs sont actuellement absents, soit 60.000 personnes, qu'il s'agisse d'arrêts maladie ou de gardes d'enfants impromptues. Le mois dernier, le conseil scientifique estimait "qu'au moins" un tiers des enseignants serait indisponibles d'ici à la fin du mois de janvier dans le contexte de la déferlante Omicron. "Je pense qu'on atteindra ce chiffre à la moitié du mois", avance Guislaine David, co-secrétaire générale et porte-parole du syndicat enseignant SNUipp, majoritaire dans le premier degré. "Chez les professeurs, on a des absences jamais atteintes auparavant."
Mais depuis la rentrée, problème : "il n'y a pas grand monde à se proposer", déplore-t-elle auprès de LCI, et encore moins chez les plus âgés. "Les retraités ne sont pas dupes. Ils sont plus fragiles et mêmes s'ils sont vaccinés, ils risquent d'être contaminés, plante la co-secrétaire, qui a en tête la contagiosité du variant Omicron. Même inquiétude du côté du syndicat SE - Unsa. "Cette proposition est déraisonnable et outrepasse les mesures sanitaires", complète Elisabeth Allain-Moreno, secrétaire nationale du syndicat, justifiant, elle aussi, le risque de tomber malade.
La secrétaire nationale, sollicitée par LCI, se demande aussi "comment trouver des personnes qui vont vouloir s'engager pour un, deux ou trois mois". Tout en actant "la volonté du gouvernement" de chercher des solutions face au nombre de bras manquants.
Appel lancé avant Noël
Avant les vacances de Noël, certains départements, comme la Seine-et-Marne et l'Eure, avaient déjà fait le pari de ces retraités. "C'était pour une demande ponctuelle dans le nord-est du secteur", explique l'académie de Créteil qui n'a pas eu beaucoup de réponses. "L'appel n'a pas été très probant. On peut imaginer que les fêtes de fin d'année n'ont pas aidé pour mobiliser les gens", justifie-t-elle. Même son de cloche du côté de la Normandie. "On a anticipé, on a eu quelques retours, mais les vacances de Noël ont freiné les ardeurs", indique la direction académique de l'Eure.
Et dans les autres départements ? "Il n'y en a pas eu pléthore à se bousculer devant les écoles", résume Guislaine David. Seuls quelques contractuels, bien loin de l'âge de la retraite, "ont pu être recrutés". Ils sont 75 par exemple en Seine-Maritime note France 3 et à peine un peu plus pour l'académie de Paris, avec 80 nouveaux professeurs.
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L'académie de Créteil, avec plus d'un million d'élèves à sa charge, a cependant relancé l'appel auprès des plus âgés en cette rentrée de janvier. "On a aujourd'hui une absence entre 8 à 10% des effectifs", nous explique-t-elle. Idem pour l'Eure, où l'on mise sur des retours des profs au fil de l'eau.
Contacté, le ministère de l'Éducation Nationale ne dispose pas encore de chiffres concernant les chiffres de ces remplacements au niveau national. Pour ce dernier, il est encore trop tôt pour faire les comptes. Pas question pour autant de retirer l'appel. Le ministre Jean-Michel Blanquer recevait les syndicats enseignants, ce jeudi après-midi, pour discuter des protocoles sanitaires en cours.
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