Alcool interdit dans deux rues de Paris : cette mesure est-elle efficace sur le plan sanitaire ?

M.D.
Publié le 23 février 2021 à 17h07
Des Parisiens profitant du beau temps autour d'un verre, rue de Buci dans le VIe arrondissement.
Des Parisiens profitant du beau temps autour d'un verre, rue de Buci dans le VIe arrondissement. - Source : BERTRAND GUAY / AFP

COHUE - La préfecture de police a décidé d'interdire la consommation d'alcool sur la voie publique après les images de rues bondées ce week-end dans la capitale. Deux rues sont concernées pour l'heure mais la liste pourrait encore s'allonger. Une telle mesure a-t-elle un intérêt du point de vue sanitaire ? LCI a posé la question à deux épidémiologistes.

Après des mois de vie sociale entre parenthèses, comme on pouvait s'y attendre, l’heure est au relâchement et à l’insouciance. Pour beaucoup, l’envie de profiter du beau temps est plus forte que la prudence. Pour contrer le fameux "effet apéro" qui, couvre-feu oblige et notamment en cette période de vacances scolaires, commence de plus en plus tôt, la préfecture de Paris a interdit la consommation d'alcool entre 11h et 18h rue de Buci (6e arrondissement) et place de la Contrescarpe (5e arrondissement), à compter de ce mardi 23 février. Des zones qui sont très fréquentées, notamment par les jeunes. L’interdiction vaut pour une durée de 15 jours, autrement dit jusqu'à la fin des vacances scolaires. Cette liste sera amenée à évoluer en fonction de la situation.

L'objectif précis est de limiter les rassemblements autour des points de boisson, jugés propices à la diffusion épidémique, explique la préfecture de Paris dans un communiqué. "Ces regroupements sur la voie publique, favorisés par la consommation de boissons alcooliques, ont entraîné des comportements contraires aux gestes barrières, susceptibles de favoriser la propagation du virus à l’heure où la situation sanitaire reste fragile", écrit-elle pour justifier cette décision.

Mais est-ce qu'une mesure comme celle-ci a un quelconque intérêt ? Le Pr Philippe Amouyel et l'épidémiologiste Yves Coppieters nous explique.

"Les gens ont tendance à penser qu'en étant à l'extérieur, ils ne vont pas se faire contaminer", souligne Philippe Amouyel, Professeur de santé publique au CHU de Lille. Or, insiste-t-il, ce type d'interactions sociales, même en plein air, sont des points de contamination. "On retire inévitablement son masque quand on boit une bière ou qu'on fume une cigarette. Dans ces conditions, le simple fait de se parler à une distance de moins d’un mètre est un facteur de transmission. D'autant plus qu'avec l'alcool on est forcément moins vigilant", explique l'épidémiologiste. 

Pour ce spécialiste en santé publique, les concentrations de population autour des débits de boissons sont des zones plus à risques que les transports en commun. "Lorsque vous croisez une personne dans la rue, vous arrivez à percevoir l’odeur de son parfum à plusieurs mètres de distances. C'est la même chose pour la transmission du virus, soutient-il. Dans le métro ou un train, les gens portent un masque et ne parlent pas ou à de rares exceptions. C'est la raison pour laquelle le risque de contamination y est de fait moins élevé."

Ils iront deux ou trois rues plus loin ou, pire encore, ils iront s’enfermer dans des appartements
Yves Coppieters, professeur de santé à l'Université libre de Belgique (ULB)

L’épidémiologiste Yves Coppieters, professeur de santé publique à l’Université libre de Belgique (ULB), juge pour sa part que ce type de mesure aura un effet limité. "L’interdiction pour être efficace doit être générale afin d'envoyer un message clair à la population", nous confie-t-il. À l'entendre, cela pourrait même être contre-productif. "Les gens iront deux ou trois rues plus loin ou, pire encore, ils iront s’enfermer dans des appartements, où le risque de contamination est encore plus élevé", avance le médecin. Selon lui, "le risque reste assez faible en extérieur dans l'absolu" mais l’inconnu au sujet des nouveaux variants, potentiellement plus contagieux, pourrait profiter de ce relâchement. "Le problème, c'est la perception que les jeunes ont de la maladie. Ils pensent être l'abri de complications. Mais ce n'est forcément le cas", insiste-t-il.


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