TOURISME - Face à la menace du variant Omicron, de nombreux pays dont la France multiplient les restrictions de voyages vers l'étranger. Au grand dam des voyagistes, qui voient leurs réservations chuter brutalement.
Il aura fallu quelques jours seulement pour que des gouvernements du monde entier se barricadent à nouveau, après une réouverture progressive des frontières ces derniers mois. Identifié en Afrique du Sud la semaine passée, le variant Omicron est celui qui suscite le plus d’inquiétudes depuis le début de la crise sanitaire.
Si l’OMS avait précisé vendredi que la résistance d’Omicron aux vaccins et sa virulence ne seraient connues que d'ici à quelques semaines, plusieurs gouvernements européens n’ont pas attendu pour limiter les ponts aériens avec une dizaine d’États d’Afrique australe. Parmi eux, la France, qui a classé ces destinations en catégorie "rouge écarlate", une liste à laquelle s’ajoutent le Malawi, la Zambie et l’île Maurice. Hors de l’Europe, plusieurs gouvernements serrent aussi la vis, dont Israël et le Japon, qui ont interdit tout entrée de voyageur étranger sur leur territoire.
Des mesures drastiques inattendues pour les professionnels du secteur touristique, qui s’agacent de la rapidité des décisions prises pour tenter d’enrayer la propagation d’Omicron. "J’ai l’impression qu'il y a un affolement total de la part des gouvernants, français comme étrangers, avec une hyperréactivité, sous le prétexte du principe de précaution", s’irrite auprès de LCI Jean-Pierre Mas, président d’Entreprises du voyage, syndicat rassemblant agences de voyage et tours opérateurs.
"Plus aucune réservation depuis quatre jours, quelle que soit la destination"
Annulations, remboursements, réticence des clients à réserver des voyages, même dans les destinations encore accessibles : "le panorama s’est noirci en quelques jours", déplore-t-il. "On fait à peu près n’importe quoi, alors que la situation sanitaire dans des pays dont on s’isole est meilleure qu’en France”, poursuit-il, estimant qu’il s’agit là "d’un retour à la situation qui était celle du cœur de la crise sanitaire, il y a un an et demi".
L’incertitude des conditions sanitaires dans les mois à venir renforce la frilosité des touristes, alors qu’une dynamique positive avait été amorcée depuis le mois de septembre, malgré l’arrivée de la 5e vague, rapporte le président du syndicat. Une reprise d’élan désormais "complètement à l’arrêt".
En 2020 et au cours des six premiers mois de 2021, les quelque 1600 entreprises membres de cette organisation ont perdu un quart de leur chiffre d’affaires par rapport à 2019. Après une légère embellie, "on n’enregistre plus aucune réservation depuis quatre jours, quelle que soit la destination", s’inquiète Jean-Pierre Mas. Jusqu’alors, il espérait que le secteur puisse retrouver sa vitalité d’avant-crise dès 2022. Désormais, il n’a "aucune visibilité".
"On manque totalement de solidarité"
Par ailleurs, la crise sociale que traverse les Antilles, en proie à des mouvements de contestation sociale, assombrit aussi les perspectives du secteur, puisque les voyageurs annulent leurs voyages "de peur d’être pris en otage des manifestations", relève Jean-Pierre Mas. Des difficultés supplémentaires, tandis que la situation devient "extrêmement problématique, voire catastrophique" pour les professionnels.
D'autant qu'à ses yeux, ces restrictions d'accès sont injustes pour les pays étrangers concernés, au vu des retours des professionnels du secteur sur place. "On manque totalement de solidarité, on est dans une hyperréactivité égoïste, chacun essaie de se protéger et de satisfaire son opinion publique", s’agace le président du syndicat. "À l’île Maurice par exemple, ils s’affolent de l’attitude de la France car sur 19.000 touristes de passage sur leur île récemment, seuls 9 ont été testés positif à leur retour", rapporte-t-il.
"Tant qu’il n’y aura pas de vaccination au niveau mondial, on aura des restrictions successives, c’est une évidence", abonde Didier Arino, directeur général du cabinet Protourisme sur LCI, dans la vidéo en tête d’article. L'Organisation mondiale du tourisme (OMT) a d’ailleurs appelé ce mercredi à l'"unité" et à la "solidarité" face aux nouveaux variants du Covid-19, indispensables selon elle pour "relancer le tourisme".
Le tourisme hexagonal, une planche de salut ?
Le tourisme hexagonal pourrait en revanche profiter de ces restrictions internationales pour tirer son épingle du jeu. Hors de Paris et des grandes métropoles, fragilisées par la baisse d’arrivées de touristes étrangers, "le tourisme d’agrément et de loisirs se porte très bien", analyse le spécialiste, notant que "les réservations sont encore très bonnes à la montagne, à la campagne, dans les espaces balnéaires, avec une hausse des partants en vacances pour Noël et le Jour de l’An".
Selon lui, le modèle touristique doit même évoluer en investissant davantage dans l'offre nationale, d’autant qu’il observe "un besoin irrépressible de pouvoir s’évader" des Français. Ce changement de fusil d'épaule s'impose selon l'expert, pour qui "on ne va pas sortir de cette crise du jour au lendemain". "Au mieux, dans le scénario le plus positif sur 2022, on retrouvera les chiffres de 2000", prédit-il. "Alors qu’aujourd’hui, nous sommes au niveau de 1990."
Mais de nouvelles restrictions nationales pourraient en revanche faucher cet élan. Même si la France s’en sort plutôt bien, ses pertes dans le secteur touristique se chiffrent tout de même à plus de 100 milliards d’euros depuis deux ans, relève Didier Arino. Le tourisme de proximité n’attire par ailleurs pas le même public que les excursions à l'international, du moins en hiver, tempère Jean-Pierre Mas. Selon lui, les touristes privés de voyage cette saison "se rabattent pour le moment sur rien du tout".
Une seule perspective se dégage donc à ses yeux : "Il va falloir apprendre à vivre avec le Covid, car il va y avoir encore à l’avenir énormément de nouveaux variants, il faut se faire à cette idée-là et ne pas s’affoler". Selon l'OMT, le secteur touristique mondial devrait encore perdre 2.000 milliards de dollars cette année à cause de ces nouvelles restrictions sanitaires.
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TF1 Info