Un article paru dans la presse américaine assure que des navires transportant du gaz naturel liquéfié patientent volontairement en mer avec leur cargaison.Les négociants souhaiteraient profiter de la crise de l'énergie actuelle pour spéculer et faire réaliser des profits maximums durant l'hiver.Une série d'experts, sollicités par TF1info, battent en brèche ces affirmations.
Dans un contexte de crise de l'énergie, marqué par la crainte de pénurie cet hiver, un article du média américain Bloomberg a fait réagir, ces derniers jours. Il assure que des "acheteurs de gaz naturel stockent du carburant en mer pour se préparer à l'hiver". Il s'agirait en partie d'une manœuvre spéculative : plutôt que de revendre directement la cargaison des navires, les stocks de gaz naturel liquéfié (ou GNL) seraient conservés dans les cales des bateaux au large en attendant que les cours bondissent. Le tout en misant sur la hausse des besoins durant l'hiver, couplés à la fin des importations en provenance de Russie.
Si ces informations font écho aux débats récents sur les "profiteurs de crise", une série de spécialistes estiment que le stationnement d'un certain nombre de navires s'explique par d'autres causes, à commencer par le manque de capacités de stockage à terre. Ils jugent en parallèle une telle forme de spéculation assez improbable, arguments économiques à l'appui.
Des capacités de stockage limitées...
Dans son article, Bloomberg évoque plusieurs raisons au stockage du GNL en mer, évoquant le cas de 9 navires à l'arrêt dans la période actuelle. L'auteur évoque des "terminaux d'importation de GNL encombrés en Europe" qui "stimulent le stockage flottant". Au détour d'une phrase, on peut également lire que "les négociants cherchent à tirer profit du stockage du GNL et de l'encaissement lorsque les prix grimpent pendant les mois d'hiver". Si la publication dans son ensemble insiste surtout sur les questions logistiques, les sources francophones qui ont évoqué le sujet et mentionné le média américain se sont surtout focalisées sur un autre aspect. La dimension économique (avec une attitude spéculative des acheteurs de GNL) a ainsi été pointée du doigt. Quand le site L'important écrit que "des négociants stockent du gaz en attendant que les prix augmentent", des internautes s'enflamment. La ministre belge du Climat, de l'Environnement, du Développement durable, a par exemple réagi, via un tweet, supprimé depuis.
Faut-il voir dans ce stationnement de bateaux une forme de spéculation moralement répréhensible ? Pour Ben McWilliams, analyse au sein du think tank Bruegel (basé à Bruxelles et spécialisé dans les questions économiques), "cette situation ne peut être liée qu'à la saturation des terminaux d'importation de GNL. En effet, au cours des derniers mois, ceux du nord-ouest de l'Europe ont toujours fonctionné presque à pleine capacité". Pour ce spécialiste des questions énergétiques, "il est difficile de croire à de la spéculation", notamment "parce que les prix sont déjà extraordinairement élevés". Il estime par ailleurs que faire un tel pari sur l'avenir, en misant sur des hausses durant l'hiver qui vient, reviendrait à prendre "un risque considérable puisqu'une baisse est possible, l'UE envisageant maintenant sérieusement de plafonner les prix du marché".
Chercheur au sein de l'Institut Jacques Delors, Phuc-Vinh Nguyen suit au quotidien les politiques françaises et européennes de l'énergie. Et livre une analyse semblable à celle de son confrère : "Je penche plutôt pour l'analyse qui consiste à dire que les infrastructures disponibles à terre voient leur utilisation être maximisée actuellement et que notre boulimie pour le gaz fossile créer un embouteillage", glisse-t-il à TF1info, soulignant que nous observons depuis plusieurs mois un "recours accru au GNL", très net par rapport aux années précédentes.
Le ministère de la Transition écologique confirme en parallèle que les "terminaux d'importation méthaniers fonctionnent à des capacités très élevées" à l'heure actuelle. "Nos capacités de stockage", apprend-on, "ont atteint un niveau très élevé, à 95% de remplissage". Dans le même temps, au niveau européen, "le remplissage des stocks est également supérieur à la normal".
... auxquelles s'ajoutent des contraintes logistiques
Travaillant depuis bientôt 30 ans dans le secteur de l'énergie, Emmanuel Sire rappelle que "le gaz naturel liquéfié nécessite un refroidissement à -180 degrés, ce qui permet d'en réduire très nettement le volume". Le fondateur de SirEnergie, qui accompagne les PME et TPE, explique que "si des bateaux attendent en mer, ils le font en Arctique ou en Antarctique". Il s'agit en effet "de mesures d'économies puisque les compresseurs des bateaux tournent et consomment du gaz pour maintenir les températures très basses requises". D'où, également, "l'intérêt d'emprunter les routes maritimes les plus froides" pour ces imposants navires.
Il ne manque pas de souligner, lui aussi, les "très faibles espaces de stockage disponibles" en Europe, avec un manque de "pistes de regazéification". Un élément d'autant plus gênant qu'il s'agit d'un "processus lent", ajoute-t-il. "Forcément, les bateaux attendent leur tour." Spéculer dans un tel contexte serait curieux, surtout que "le marché a déjà fait x6, voire x10 par rapport à la période du Covid". Emmanuel Sire estime que les négociants n'ont à l'heure actuelle pas intérêt à faire de la rétention : "À leur place, tu n'attends pas que les cours montent, tu prends tes gains !"
Ces analyses, unanimes, sont complétées par celle de l'entreprise Kpler. Spécialisée dans le suivi des transports de matières premières et l'analyse de données, c'est elle qui a fourni à Bloomberg des données relatives aux bateaux immobilisés. À TF1info, l'un de ses représentants rapporte que "la plupart de ces navires mentionnés dans l'article et signalés comme étant des stockages flottants se sont dirigés vers leurs terminaux d'importation respectifs pour y être déchargés". Cependant, "ils n'ont pas encore déchargé dans leurs ports respectifs et sont plutôt au ralenti près de la côte de Gibraltar". Une situation résultant principalement d'une "congestion et de retards de chargement dans les terminaux GNL européens (en particulier à Rotterdam) et britanniques, car ces terminaux sont pleinement utilisés".
Si des navires restent aujourd'hui en mer sans décharger leur cargaison de gaz naturel, il ne faut donc pas y voir une manœuvre visant à spéculer sur les prix du marché. De telles pratiques sont connues et déjà observées dans le commerce des hydrocarbures, mais elles touchent d'ordinaire surtout la vente et la distribution du pétrole.
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