SENS DES MOTS - Depuis le début du mouvement, le terme de "factieux" est revenu à plusieurs reprises dans le débat s'agissant de ceux qui auraient infiltré les manifestations afin de provoquer des troubles. Un choix qui ne doit rien au hasard...
Quel est le point commun entre Christophe Castaner, Laurent Berger et Renaud Muselier ? L'utilisation du terme "factieux" ces dernières semaines, pour évoquer la crise des Gilets jaunes. Si cet adjectif est tout sauf nouveau – il dérive du latin "factiotus" signifiant "enclin à séparer" –, son utilisation à tout bout de champ pose question : des factieux, littéralement ceux qui "fomentent des troubles contre le pouvoir établi" (dixit le Larousse) se sont-ils immiscés dans les rangs des manifestants ?
En tout cas, de nombreuses personnalités publiques, elles, semblent le croire. Dès la fin novembre, le porte-parole du gouvernement Benjamin Griveaux fait partie des premiers à évoquer "des mouvements qui sont factieux, qui sont séditieux, des mouvements qui en appellent à la violence contre des parlementaires" à propos des Gilets jaunes. "Aujourd'hui c'est assez factieux, je crois qu'il faut arrêter d'être naïfs et d'être irresponsables dans un certain nombre de commentaires", dira quelques jours plus tard le patron de la CFDT, Laurent Berger. "Le mouvement des Gilets jaunes s’est laissé déborder par des individus factieux", s'est avancé Renaud Muselier cette semaine pour justifier la création d'une cagnotte pour soutenir les forces de l'ordre. Depuis Buenos Aires le 1er décembre, Emmanuel Macron s'adresse directement aux Gilets jaunes : "Ne vous laissez plus avoir, ne participez plus à ces attaques de factieux." Bref, n'en jetez plus.
"Louis XVI roi de France immolé par les factieux"
L'apparition de factieux dans les rues de France est-elle une caractéristique de la fronde des Gilets jaunes ? Bien au contraire, puisque l'apparition remonte à des siècles, à l'histoire romaine. Il faudra cependant attendre la Révolution française pour qu'il se fasse une place dans la langue de Molière. "Il est utilisé contre les sections et les sans-culottes qu'on accuse de vouloir 'dévoyer' les nouvelles institutions qui se mettent en place, et comploter en vue de prendre le pouvoir", explique à LCI l’historien Michel Pigenet, spécialiste des mouvements sociaux. Et de préciser : "Ce vocabulaire se répand puis est utilisé à son tour par les sans-culottes contre les aristocrates. Et au moment où la guerre éclate, les factieux sont des ennemis de l'intérieur, adossés aux ennemis de l'extérieur. Les factieux sont ceux qui, par leur projet et leur souhait de renverser l'ordre nouveau, portent atteinte à l'unité de la Nation. Ce sont ceux qui 'séparent'." Le terme se retrouve ainsi un peu partout. En 1794, une médaille à l'effigie de Louis XVI est par exemple éditée. L'inscription qui l'accompagne ? "Louis XVI, roi de France immolé par les factieux".
Si l'utilisation du terme "factieux" est fréquente au cours de la Révolution française, son utilisation ces dernières semaines renvoie plutôt à une période plus récente de notre histoire. A savoir les années 1930. C'est en tout cas l'avis de Michel Pigenet : "L'action des Ligues est un moment où le terme de factieux revient en force. Non sans raison, car il y a à ce moment-là des organisations qui veulent mettre à terre 'la gueuse', la République (le surnom qui lui était donné par les Camelots du Roi, ndlr)" Au fil des crises, ce vocabulaire semble se faire une place dans le débat public. "Cela va revenir durant la guerre d'Algérie : dès lors que l'armée est utilisée dans des opérations de maintien de l'ordre et joue un rôle de plus en plus politique. On le voit peu vers mai 1968, quand la République est remise en cause. Le terme de factieux revient pour désigner les partisans de l'Algérie française. Il est utilisé jusqu'à la fin de la guerre, notamment concernant l'OAS, dont les partisans sont considérés comme des factieux. Quand les généraux prennent le pouvoir à Alger, le putsch est une action qui entre dans cette interprétation, une action de "factieux".
"Le terme a un peu disparu et c'est un fait qu'il revient ces jours-ci", conclu l'historien. Un retour tout sauf étonnant : "Ceux qui utilisent ce terme le font pour discréditer. Pour montrer qu'on parle de gens dangereux."
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