INTERVIEW - Hugo Huon, infirmier, et Sophie Crozier, médecin, seront dans la rue ce mardi au sein de collectifs de personnels soignants pour réclamer plus de moyens pour les hôpitaux publics. Qu'est ce que les 3 mois de lutte contre le coronavirus ont changé ? Qu'espèrent-ils des négociations du Ségur ? Éléments de réponses.
Ils sont désormais auréolés de 3 mois d'une crise inédite contre le coronavirus. Mais sur leur blouse et les banderoles qu'ils ont prévu de porter dans les rues de Paris, les revendications sont les mêmes qu'avant le Covid-19. Hugo Huon, infirmier, et Sophie Crozier, médecin neurologue à la Pitié Salpétrière, ont prévu de manifester ce mardi pour réclamer -notamment - l'arrêt des fermetures de lits et l'augmentation des salaires des personnels hospitaliers afin qu'ils atteignent, enfin, la moyenne de l'OCDE.
Lui est membre du collectif inter-urgence, elle est co-fondatrice du collectif Inter-Hôpitaux. Deux des principaux collectifs de soignants mobilisés depuis plus d'un an et demi au sein des hôpitaux publics. Tous deux attendaient beaucoup du "Ségur de la Santé", cette grande concertation qui doit aboutir, sous l'égide de Nicole Notat, à des propositions concrètes pour l'hôpital d'ici la mi juillet. Mais à un mois de la fin des négociations, c'est l'amertume, et même une certaine désillusion qui dominent.
LCI : Trois semaines après son lancement, quel est votre sentiment sur le Ségur de la Santé ?
Hugo Huon, collectif Inter-Urgences : C'est une opération de com' et dans la forme et le fond. On a quelqu'un qui n'a aucun mandat pour négocier, qui n'a pas d'enveloppe à mettre sur la table... On en est à la moitié, et il n'y a toujours aucun chiffre, c'est comme d'habitude. Il y avait un espoir quand Emmanuel Macron a expliqué en mai dernier que "Ma Santé 2022", était une "erreur". Mais lorsqu'Edouard Philippe a annoncé en ouverture du Ségur qu'il ne fallait pas changer de cap mais de rythme, on a compris que c'était plié. C'est décourageant mais on s'y fait. Ça ne va toujours pas dans la bonne direction. Ils ne mentionnent jamais la question des salaires, la question de lits ...
Sophie Crozier, collectif Inter-Hôpitaux : Le Ségur est une mauvaise réponse à de bonnes questions que l'on pose depuis plus d'un an. Ça aurait pu être un chantier mais il ne peut pas se faire en six semaines. Il y a un vrai travail de propositions, qui est fait par le collectif. Ce qui est demandé depuis un an, c'est un plan d'attractivité massif pour garder un hôpital debout et surtout des moyens. Nous avons besoin de recruter et cela passe par des revalorisations de salaires. On ne comprend pas pourquoi cela n'a pas été annoncé dès le début du Ségur, nous étions tous d'accord. On voulait un moratoire sur la fermeture des lits, qu'on se donne le temps de le faire, nous n'avons pas ces mesures et c'est pour cela qu'on se mobilise ce mardi. Il faut faire de vrais états généraux de la Santé, mais pas en six semaines. Dans les hôpitaux, là, ça ne va pas bien du tout et la situation reste toujours très compliqué. Aujourd’hui, le personnel manque partout comme il manquait avant la crise sanitaire.
Pourtant, il y a tout de même eu des avancées dans ce que vous souhaitiez ?
Hugo Huon, collectif Inter-Urgences : Sur le Ségur en cours, il n'y a rien. La dernière mesure, sur le budget de la Sécurité Sociale comprend la reprise du tiers de la dette hospitalière. Je ne suis pas sûr que ce soit visible pour les équipes et sur le terrain mais c'est une avancée. Sur le reste, c'est zéro. Tout ça va finir en augmentation de salaires, ça va passer pour une victoire mais les gens continueront d'attendre sur les brancards. L'accès au soin va être rendu compliqué, il faut le savoir.
Sophie Crozier, collectif Inter-Hôpitaux : On a décidé de rester dans le Ségur pour donner le maximum de contributions. Certaines choses sont reprises, c'est très bien. Mais sur les demandes essentielles, cela n'avance pas du tout. Il va falloir passer aux actes parce que même les plus calmes d'entre nous commencent à trouver le temps long. Mon sentiment c'est que s'ils comptent les gens dans les rues pour pouvoir prendre des décisions majeures, c'est grave. Comment peut-on douter de l'attachement des Français à l'hôpital public ? Aujourd'hui, le système ne permettra bientôt plus de s'occuper des plus vulnérables, on l'a vu dans les Ehpad.
La crise du covid semble derrière nous. Avons-nous raison d'être "fier", comme l’a dit Emmanuel Macron dimanche ?
Hugo Huon, collectif Inter-Urgences : C'est facile d'être ensemble autour d'un objectif commun, quand les vannes sont ouvertes, qu'il n'y a qu'une seule pathologie, alors oui, ça a tenu. Mais il n'y a aucune fierté à avoir sur la politique menée depuis des années. C'est comme les médailles. Quel sens ça a de recevoir des médailles de la part de politiques qui ont diminué les budgets depuis des années ? On peut être content pour la population, les patients qui avaient besoin d'être en réanimation, ont, globalement, pu être pris en charge. Ça a tenu en cachant ce qui s'est passé dans les Ehpad, les contaminations réelles de soignants, parce qu'on a pas parlé du tri des patients.
Sophie Crozier, collectif Inter-Hôpitaux : J'étais sidérée par son analyse et ne partage pas son enthousiasme. Pour ce qui concerne l'hôpital, un bilan doit être fait, mais je ne pense pas que l'on puisse dire que cela a été parfaitement géré. Les soignants ont tenu et ont été exceptionnels par contre l'hôpital a "pris très cher". Il a fallu fermer des activités, des services, il a fallu retarder des interventions chirurgicales. Il y a des retards de diagnostics notamment de leucémie chez les jeunes enfants, cela a des conséquences. Cela a été affreux : la souffrance des patients, celles de leurs familles, les deuils difficiles, les personnels qui sont tombés malades ... Alors je trouve que cela manque un peu d'humilité.
LCI : On sort de la crise sanitaire, vous appelez à une remobilisation. Vous avez encore l'énergie nécessaire pour poursuivre ?
Hugo Huon, collectif Inter-Urgences : Les soignants en ont encore et ont besoin d'exprimer tout ce qui a pu se passer durant la crise, le ressentiment, la colère envers le gouvernement. Cette manifestation sert aussi de catharsis, pour aller au devant de tout ça. Essayer d'organiser ce ressentiment pour que les individus en fasse quelque chose.
Sophie Crozier, collectif Inter-Hôpitaux : On a tous des moments de grand désespoir, mais on sait pourquoi on fait ces métiers qui ont du sens. Il y a eu beaucoup de solidarité entre les soignants, avec les patients, c'est ce qui nous donne envie de nous lever. Si ça dure encore six mois, un an, on continuera parce que cette crise a montré l'importance d'avoir un hôpital public debout. Le constat est partagé. On a encore de l'énergie et on en aura encore. On demande juste un accès aux soins pour tous parce que c'est dans le secteur public que l'on donne les soins de meilleurs qualités. On a conscience que cela coûte de l'argent mais on ne le gaspillera pas.
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