INTERVIEW - Le journaliste indépendant David Dufresne tient, depuis le début de la mobilisation des Gilets jaunes, le compte de chaque personne blessée par les forces de l'ordre. Joint par LCI, il revient sur son travail, sur la médiatisation de la question des violences policières, sur la blessure de Jérôme Rodrigues et l'évolution du mouvement.
Depuis les premières manifestations de Gilets jaunes, il y a près de trois mois, David Dufresne tient sur son compte Twitter le compte des violences policières suspectées et avérées. Avec toujours cette même formule, à l'adresse du ministère de l'Intérieur : "Allô place Beauvau - c'est pour un signalement". Au 27 janvier, ce journaliste, qui se présente désormais comme un "écrivain-documentariste" en était à son 364e signalement. Entre temps, la question des violences policières a fait irruption dans le débat public en étant reprise par de nombreux médias.
David Dufresne a répondu par mail aux questions de LCI, évoquant à la fois son travail, le traitement des violences policières par les médias, et la manière dont ces violences peuvent modifier le mouvement. Il revient enfin sur le cas de Jérôme Rodrigues, une figure des Gilets jaunes blessée gravement à l'œil lors de la dernière manifestation des Gilets jaunes, samedi 26 janvier à Paris.
Vous avez largement permis la médiatisation des violences policières, ces trois dernières semaines. Comment expliquez-vous cet intérêt soudain de nombreux médias ?
Le plus étonnant n'est pas cet intérêt soudain mais bien, à quelques exceptions près, le silence assourdissant pendant plus d'un mois et demi. Silence d'autant plus coupable que les reporters de terrain faisaient remonter ce qu'ils voyaient : une répression inégalée depuis 50 ans. Aujourd'hui, les mutilations à répétition, les éborgnements, les tabassages, les manquements à la déontologie sont si massifs, si documentés, que plus personne ne peut les ignorer. Même le gouvernement a commencé - timidement - à infléchir son discours, après deux mois de déni et de mensonge d'Etat.
Le maintien de l'ordre, en France plus qu'ailleurs, est affaire de politique
David Dufresne
Cet intérêt pour la question des violences policières a fait de vous une figure reconnue chez les Gilets jaunes et en dehors. Cette reconnaissance a-t-elle facilité ou compliqué votre travail de recensement ?
Je croule sous les notifications, jusqu'à 7000 les jours d'Acte... mais aussi... sous les propositions d'aide. C'est un travail de fourmi, ou je dois éviter les chausse-trappes, les signalements erronés (souvent d'ailleurs de bonne foi) ou les rumeurs les plus folles. Il y a aussi les cas de malveillance, plus rares, ou l’on me transmet des faux, pour tenter de me discréditer. Ainsi d’un brûlé à la cigarette électronique que certains malins voulaient me faire passer pour un blessé par une grenade. Une information que je n’ai évidemment pas relayée. Et je regrette que, ce soir, sur un plateau télé, David LeBars, du Syndicat des Commissaires Police Nationale (SCPN) ait cru bon illustrer mon travail avec ce signalement que je n’ai jamais effectué.
Je procède avec le plus de méthode possible, en prenant mon temps. Il m’est arrivé d’avoir été abusé une fois : le cas d’une fausse cagnotte d’un faux blessé. Ce cas est resté en ligne quelques minutes, le temps que des lecteurs m’avertissent. Toute ma méthodologie est d'ailleurs transparente, elle est affichée sur la synthèse de mes signalements que publie depuis vendredi (25 janvier) Mediapart.
Aujourd'hui, les signalements qui me sont proposés sont de plus en plus complets (date, lieu, contexte, source). Ils émanent de victimes, proches de victimes, vidéastes, associations... Je demande systématiquement une photo ou vidéo, parfois certificat médical, un PV quand il y en a, etc. Je privilégie les cas qui me parviennent par email. Il serait honorable que ce travail soit également facilité par le ministère de l'Intérieur. Pour l'heure, il refuse tout bilan précis (le gouvernement a fourni un bilan du nombre total de blessés, mais pas de ceux blessés par les forces de l'ordre, ndlr). Au point que dans la maison police même, des syndicats parlent de "chiffre noir du ministère de l'Intérieur".
La blessure de Jérôme Rodrigues, une figure connue des Gilets jaunes, peut-elle selon-vous entraîner une hausse des tensions entre manifestants et forces de l'ordre ? Si oui, comment enrayer celle-ci ?
Je constate que samedi, place de la Bastille, Jérôme Rodrigues a été visé, tandis qu'au même moment Maxime Nicolle était interpellé à Bordeaux. Les deux filmaient et diffusaient en direct. Les deux sont des figures du mouvement, aisément reconnaissables. Les événements dramatiques de la Bastille ont été immédiatement perçus par les autorités qui, séance tenante, ont saisi l'IGPN. Chose rare depuis novembre 2018... C'est au ministère de l'Intérieur qu'il incombe de faire la vérité : ces deux moments concomitants sont-ils le fruit du hasard ? Pour le reste, ne nous y trompons pas : le maintien de l'ordre, en France plus qu'ailleurs, est affaire de politique. Les fluctuations de la tension se régleront par la politique, la police n'étant que son bras armé.
Si des milliers de gens manifestent chaque samedi, en sachant qu'ils peuvent perdre un œil, parce que la police française s'obstine à utiliser des armes proscrites chez nos voisins, on saisit la détermination des Gilets jaunes
David Dufresne
La multiplication des signalements de violences policières sur les groupes de Gilets jaunes est-elle devenue selon vous un ciment de leur collectif ?
Toute l'histoire du maintien de l'ordre, depuis Gustave Le Bon et la gestion des foules, est traversée par cette question. Foule pacifique qui devient hostile, foule calme qui se retourne, les brutalités policières pouvant générer ce ciment dont vous parlez. Il est évident que si des milliers de gens manifestent chaque samedi, en sachant qu'ils peuvent perdre un œil, parce que la police française s'obstine à utiliser des armes proscrites chez nos voisins, on saisit la détermination des Gilets jaunes. La surdité du gouvernement est en ce sens proprement incompréhensible.
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