De la Manif pour tous à la Marche pour la vie, la tentation de surfer sur la crise des Gilets jaunes

Publié le 18 janvier 2019 à 18h54
De la Manif pour tous à la Marche pour la vie, la tentation de surfer sur la crise des Gilets jaunes
Source : BERTRAND GUAY / AFP

SOCIÉTÉ - Des milliers d'opposants à l'avortement sont attendus dimanche à Paris pour la "Marche pour la vie" qui entend dire "stop à la banalisation de l'IVG". En pleine crise des Gilets jaunes, les organisateurs parient sur une "défiance commune" pour mobiliser. Du côté de la Manif pour tous, on a aussi profité du débat public pour imposer des revendications contre la loi Taubira.

Les opposants au mariage pour tous et à l’avortement en embuscade. Entre la fronde sociale orchestrée par les Gilets jaunes et la future révision de la loi sur la bioéthique, plusieurs mouvements s’agitent pour mettre en lumière leur vision de la famille. Avec une conviction : une fenêtre de tir s’est ouverte en ce début d’année.

"Il y a une convergence des souffrances, des colères", explique à LCI un membre de la Marche pour la vie. Ce rassemblement parisien, qui existe depuis plus d'une dizaine d'années, estime que "la banalisation de l'avortement n'a jamais été aussi forte" en France. C'est pourquoi ils seront dans la rue dimanche. Le mouvement des Gilets jaunes va-t-il permettre de mobiliser davantage que les années précédentes ? C'est en tout cas le souhait des organisateurs : "Il y a beaucoup de nos marcheurs qui ont mis un Gilet jaune, on le sait. Il y a une défiance commune envers le politique, le gouvernement mais aussi ses méthodes." 

La future loi sur la bioéthique dans le viseur

Selon les organisateurs de la Marche, la future révision de la loi sur la bioéthique - attendue avant l'été – conduira à une "libéralisation totale de la recherche sur l'embryon" et à une "extension des politiques eugénistes", via la généralisation du dépistage pré-implantatoire de certaines maladies. Une opinion que partagent les Sentinelles : ce mouvement né de la Manif pour tous qui se caractérise par ses manifestations silencieuses devant des lieux emblématiques a repris ses actions. Ils étaient la semaine dernière devant l'Assemblée nationale, quand le rapport sur la loi bioéthique a été rendu.

Les Gilets jaunes, qui défendent essentiellement le pouvoir d'achat, peuvent-ils déborder du côté des thématiques sociétales ? Du côté de la Manif pour tous, on semble le croire. Si l'organisation a confirmé à LCI son intention de ne pas "marcher pour la vie" ce weekend, une tentative de rapprochement a eu lieu la semaine dernière : les opposants au mariage homosexuel ont en effet tenté d'imposer leurs revendications dans le Grand débat national. Avec près de 5.900 votes, leur proposition "Abrogation de la loi Taubira !" est arrivée largement en tête d'une consultation organisée sur Internet par le Conseil économique, social et environnemental (Cese). Un résultat obtenu en deux jours "grâce à de bonnes listes de contacts dans nos fichiers mails", a reconnu auprès de l'AFP Fabien Bouglé, l'un des co-fondateurs du collectif "On ne lâche rien", né du combat contre le mariage pour tous en 2013. Ce dernier a assumé sans ambages cette "action de communication et d'agitation".

"Des millions de Français restent opposés à la loi Taubira"

La Manif pour tous en est convaincue : la grogne sociale qui agite le pays depuis trois mois est compatible avec le combat que le collectif mène depuis des années contre le mariage homosexuel. "La crise des Gilets jaunes, c'est une crise de la démocratie. Et les premiers à avoir subi ça, c'est nous", a affirmé Fabien Bouglé. Il appelle à la "convergence" des deux mouvements qui présentent, selon lui, des "similitudes incroyables", comme "la minimisation du nombre de manifestants" ou "les arrestations arbitraires". Même tonalité du côté de la Marche pour la vie : " Le gouvernement a choisi à notre place ce qui intéressant. La PMA pour toutes et les questions de bioéthiques ont été exclues du grand débat national." Dans leur viseur : le porte-parole du gouvernement Benjamin Griveaux, qui a recadré les objectifs du débat il y a une poignée de jours. Ce dernier a précisé que le mariage pour tous, tout comme l'IVG "ne (seront) pas sur la table". Il faut dire que, contrairement à l'ISF ou le RIC, ces sujets divisent moins l'opinion qu'en 2013. Si la présidente de la Manif pour tous, Ludovine de la Rochère, assurait la semaine dernière que "des millions de Français restent opposés à la loi Taubira", les chiffres parlent d'eux-mêmes : selon le dernier sondage réalisé en septembre 2016 sur la question par l'Ifop, 62 % des Français se disaient défavorables à son abrogation.

Au sein même de l'électorat catholique, le sujet divise. La Marche pour la vie de l'an passé avait ainsi été émaillée d'une polémique entre le Mouvement rural de jeunesse chrétienne (MRJC), une organisation emblématique issue du catholicisme social, et les évêques de France. Le MRJC, qui représente environ 7.000 jeunes, avait défendu "le droit fondamental pour les femmes et les couples d'avoir recours à l'IVG". Il avait aussi dénoncé "les messages de culpabilisation, d'intolérance et de haine" véhiculés par la "Marche pour la vie". Sous le feu des critiques des évêques, ces "cathos de gauche" étaient vite rentrés dans le rang, reconnaissant que "tout doit être mis en œuvre pour éduquer et prévenir les situations d'avortement". Il n'empêche : la polémique, relayée par des sites d'information catholiques, avait prospéré sur les réseaux sociaux.

Un an plus tard, combien seront-ils ce dimanche place Dauphine ? Les associations - essentiellement la Fondation Jérôme-Lejeune, mais aussi "Choisir la vie" et "Les éveilleurs d’espérance" – qui s'opposent à l'avortement tablent sur 30.000 à 50.000 manifestants. L'an dernier, ils en avaient recensé 40.000, alors que la préfecture de police en avait compté 8.500.


Thomas GUIEN

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